
A n. i i io ayant raporté cette prophétie , ajoute : Il y a déjà
treize ans, 8c rien de tout cela n’eft arrivé.
Pour découvrir ces hérétiques Raoul de Nemours
8c un prêtre quon lui avoic donné pour ajoint, parcoururent
les dioceies de Paris,de Langres, de Troyes
8c de Sens ; 8c après qu’ils eurent fait leur raport à
l’évêque de Paris, on y amena les heretiques 8c on les
mit dans fa prifon : puis les évêques voilins 8c les
doéteurs en théologie s’afleijiblerent, pour les examiner.
En ce concile on leur propoia les articles deleurs
erreurs, que quelques-uns reconnurent publique-
mentrquelques-unsvoulants’en dedire; 8cfevoyant
convaincus, les foûtinrent opiniâtrement avec les
autres. Ils furent donc condamnez 8c dégradez pu-
cuof. mmi- bliquementde leurs ordres, puis livrez à la cour du
roi qui étoit abfent. Quand il fut venu il les fit mener
à Champeaux hors la porte de Paris, c'eft-à-dire
aux Halles, où ils furent brûlez. Cetteexecution fefit
la veille de faint Thomas vingtième de Décembre
izro. Il y en eut quatre qui furent feulement condamnez
à une priion perpétuelle : on pardonna aux
femmes 8c aux autres perionnes fimples,qu’ils avoient
feduits. Maison condamna la mémoire d’Amauri;
que l’on reconnut évidemment avoir été l’auteur de
la feéte :il fut excommunié par tout le concile, fes
os tirez du cimetiere où il étoit enterré 8c jettez fur
les fumiers.
On lifoit alors publiquement à Paris les livres de
la metaphyfique d’Ariftote aportez depuis peu de C.
P. 8c traduits de Grec en Latin; 8e comme par les fub-
tilitez qu’ils contiennent ils avoient donné occafion
à cette herefie 8c la pouvoient donner encore à d’autres
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très; le concile ordonna de les brûler tous, 8c défendit
fous peine d’excommunication de les tranfçrire,
les lire,ou les retenir.Quant aux livres de la phy fique
générale d’Ariftote,que l’on lifoit auftiàParis depuis
quelques années, on en défendit feulement la leéture
pendant trois ans. Mais on défendit pour toujours 8c
on brûla les livres d’un doéleur nommé David, 8c
les livres François de théologie.
On peut attribuer aux maximes perverfes de ces MLoe*;s dcJ
heretiques la corruption des moeurs,qui regnoitdans écollcIS-
l’UniverfitédePariSjfuivant le témoignage dejaques
deVitri auteur du tems 8c curé d’Argenteuil. Ils ne
comptoient pas, dit-il , pour péché la fimplefornica-
tiqn. Les femmes proftituées arrêtoientdans les rues
les.clercsquipafloient; pour les entraîner chez elles
comme par force. S’ils refuiôient, elles lesaccufoient
de débauches plus criminelles : on tenoit à honneur
d’avoir même plufieurs concubines. En une même
maifon étoienten haut des.écoles, en bas des lieux
infâmes. Les clercs qui faifoient le plus de depenfe
étoientles pluseftimezion traitoit d’avares 8cd’hypocrites,
ou de fuperftitieux;ceux qui vivoient fruga-
lemencôcpratiquoient la pieté.La plupart étudioient
par curiofité, par vanité, ou par intérêt ; peu pour
l’édification. Ils étoient divifez, non-feulement par
leurs feétes d’écoles,mais par la diverfité des nations;
François, Anglois, Alleroans, Normans, Poitevins,
Bourguignons, Bretons,Lombards, Siciliens , Brabançons,
Flamans, On reprochoit à chaque nation
quelque vice particulier, 8c des paroles on en venoit
fouvent aux coups.
Or les écoliers étant clercs pour la plupart, tom-
Tome XVI. ‘ Oo