
quelques-uns me reprochoient avec infulte qu^ je n'o.
lois accepter 1 empire; ajoutant quej’étois lefeul qui
put en foutenirla dignité. De mon côté je voïois qu’à
mon refus on éliroit un homme dont la famille étoit
de tout temps ennemie d elan ô rrc,& avec lequel je
ne pourrais jamais avoir de paix. Ces confiderations
me firent fonger à parvenir à l’empire par l’éle&ion
jufte & unanime de tous les feigneurs. Aucun motif
d intérêt ni d ambition ne m’y portoit: je le dis devant
Dieu É car vous pouvez fçavoir qu’entre les
princes de 1 empire, aucun n’avoic alors plus de ri-
cheffes, de puiffance ou de gloire. J ’avois de grandes
terres & plufieurs châteaux imprenables: j’avois
beaucoup d argent & de pierreries. J ’avois en mon
pouvoir la croix, la lance, la couronne & tous les
ornemens impériaux. On ne pouvoit élire de roi qui
n eut plus befoin de moi que moi de lui. Après mon
élection je rus pendant deux mois & demi en poffef-
ion paifible de lempire; & dans cet intervale comme
je voulois aller à Aix-la-chapelle recevoir la couronne
avec une armée floriffante ,je la congédiai par
1 artifice de mes ennemis, qui enfuitc ayant reçû de
grandes fommes d’argent du roi d’Angleterre élurent
mon parent Otton comte de Poitiers. Voilà ce que
vous devez croire touchant mon éledHon, quoique
Io n vous_ait pu dire au contraire. Le roi Philippe
vient enfuite a l’affaire des deux pretendans au fie-
ge de Mayence , Leopold & Sigefroi ;• & comme le
pape protegeoit celui-ci, il offre par refpeôt pour le
S. liege , d abandonner Leopold, pourvu que le pape
a la coniideration faffe auffi défifter Sigefroi qu’il
promet en ce cas de recevoir en fa grâce.
L i v r e S o i x a n t e - s e i z i e’ m e , 229 —------- -*
Quant à la tréveavecO tton,jel’auroisacceptée , An. 1206.
dit il, par déference pour vous , quoiqu’elle ne me
fût ni honorable ni avantageufe, fi vos nonces euf-
fent pu arriver jufqucs à lui ; & quant à la paix en-
îre vous & moi que j’ai toujours defirée, je mefou-
mettrai à vos cardinaux & à ceux de nos princes dont
vous conviendrez; & ils feront juges du tort que je
pourrois avoir fait à vous ou à l’égliie Romaine. Mais
s’il paroît que vous m ’ayez fait quelque tort à moi
ou à l’empire, je m’en rapporterai à votre confcience.
Car je fçai & je protefte, que vous qui avez fuccedé
à faine Pierre avec la plénitude de puiffance, ne devez
ctre jugé par aucun homme en ces matières; &
que vôtre jugement eft refervé à Dieu feul, dont
nous ne prétendons pas nous attribuer les droits. Il
finit en foûtenant qu’il n’a jamais été excommunié
par le pape Celeftin III. & priant Innocent d'ajouter
foi au porteur de la lettre,q u i étoic le prieur des
Camaldules.
Cette réponfe de Philippe fut agreable au pape
Innocent en ec qui regardait la trêve, quoiqu’il ne
fut pas content de ce que demandoit ce prince à l'égard
de Sigefroi archevêque de Mayence. C’eft ce
qu’on voit par une lettre du pape au patriarche d’A-
quilée, qu'il prie d’exhorter Philippe à accorder là
trêve pour parvenir eniuice à la paix. Le pape écrivit
auffi à O tto n , l’exhortant à accepter la trêve au if' Iî8'
moins pour un an. Enfuite Philippe envoya au pape ‘h I4°'
le patriarche d’Aquiléei, leBurgrave de Magdebourg
& deux autres perfonnes ; avec plein pouvoir de traiter
la paix; & le pape nomma pour le même effet cf" ?+I'
deux cardinaux , Hugolin évêque d’Oftie & Léon
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