
x i V Quatrième Dîfcours.
places & de íes finances. Il en chargera fous lui d’autres ëcclefiaftf*
ques, a qui il fe fiera plus qu’à des laïques: mais qui ne feront ecclefiaftiques
que pour la forme & gens d’affaires en .effet. Si vous e¡n
doutez voyez comment font gouvernez les diocéfes & les .états de ces
prélats fi puiifans d’Allemagne & de Pologne. Vous verrez par cettje
experience ,que les anciens étoient bien fages, & que l’alliance de la
puiflance temporelle, à la fpirituelle n’étoit avantagenfe ni à la religion
ni à /’état.
Pour la religion, il eft évident qu’elle étoit mieux foutenuë^pfcr
des evêques purement évêques & uniquement occupez dufpirituej,
«comme faint Ambroife & faint Auguftin. Ils preiîdoient ordinairement
.aux affemblées des fidèles, offroient le S.facrifice&l’accompagnoient
d inftcuétion, ils étoient les prédicateurs & les théologiens de leurs
eglifes. La parole de Dieu avoit tout un autre poids dans leur bouche,
foufenuë par l’autorité de leur place & de leurs vertus, que dans
bouche de fimpîes prêtres fouvent étrangers ou mercenaires. L a
théologie etoit traitée plus lèrieuièmcnt & plus noblement par ces
pafteurs fi occupez, que par des doâeurs oififs, qui ne cherchent
qu’a fubtilifer & à renchérir les uns fur les autres par de nouvelles
queftions. Les peres n’écrivoient de théologie qu’à mefure qu’il s’ç-
levoit des .erreurs qu’on étoit obligé de combattre. Ils entroient autant
.qu’il étpit poflible dans le détail de l’inftruâion des catccumenes , de
la converfion des pecheurs & de la conduite des penitens. Ils étoient
les arbitres charitables & les médiateurs de la paix entre toutes l?s
perfonnes divifées: c’étoit à eux que demandoien.t confeil ceux qui
vouloient avancer dans la pieté,, nous le voyons dans leurs lettres.
Il efl: yrai qu’il n’y avoit que dés biens ipirituels à attendre de ces
faints évêques, ils ne faifoient la fortune de perfonne ; & c’étoit encore
un grand avantage pour la religion. Ce n’eft pas fans grande rair
fon que Jefus-Çhrift, la fageffe même, a voulu naître pauvre & défi-
titué de tous les biens qui attirent la cupidité des hommes: il falloit
que fes difciples ne fuffent attache? à lui que par la force de la vérité
& l’amour de la vertu. Il a voulu que fes .difciples lui fuifent fem-
blables; & qu’il n’y eût autre attrait pour les fuivre que le dpfir de
¿evenir meilleur & l’efperance des biens éternels. Quiçonqi^e .croit
que les biens temporels, quels qu’ils foijent, richeifes , honneurs,
puiflance, faveur des grands font des moyens propres ¡à établir l’évangile,
il fe trompe, je le dis hardiment; & n’a pas ,1’efprit de l’é-
yangile. La raifon en efl évidente. Si ,en prêchant la religion vous
avez des richeifes ou des honneurs à diftribuer, vous ne potive?di£-
cerncr par quel motif on vous écoute: fi c’eft pour devenir plus riefie
OUa IJ1€'^ eur¿ V9MS courez hafard de ne fair,e que des hypocrites: ou
Plytot fi eft prefq.ue fûr que vous n’en ferez point d’autres, puifqqe
la plupart des hommes ne font touchez que de l’intérêt tempor.el.Et
ne dites point qu’il eft bon de joindre l’un & l’autre, & d’attirer par
toutes fortes de moyeqs l.çs Jiomijies ¿ont on .connaît la foibiçife,
fur l'Hifloire Ecclejt'oeftiquc,- xY
J . C. la conn'oiifoit mieux que nous , & n’a jamais employé de tels
moyens. C ’eft donc une illuflon de l’amour propre : c’eft que les mi-
niftres de l’évangile font bien-aifes de joui* en attendant de ces ri-
chefles & de ces honneurs, dont iis prétendent fe fervir pour gagner
des âmes.
Revenons aux évêques , & concluons, que ce n’eft qu'ignorance &
grQÎfiereté qui leur a fait croire que les feigneuries unies à leurs fieges
étoient utiles pour foûtenir la religion. Je ne vois que l’églife Romaine
où l’on peut trouver une raifon finguliere d’unir les deux-
puiflances. Tant que l'empire Romain a fubfiité, il renfermoit dans«
fa vafte étendue prefque toute la Chrétienté i mais depuis que l’Europe
eft divifée entre plufieurs princes independans les uns des autres,,
fi le pape eût été fujet de l’un d’eux il eût été à craindre que
les autres n’euifent eu peine à le reconnoître pour pere commun,
& que les fchifmes n’euuent été fréquents. On peut donc croire que
c’eft par un effet particulier de la providence , que le pape s’eft trouvé
indépendant de maître d’un état aflez puiffant pour n’être pas aifé-
ment opprimé par les autres fouverains: afin qu’il fut plus libre dans
l'exercice de fa puiflance fpirituelle & qu’il put contenir plus facilement
tous les autres évêques dans leur devoir.-C’étoit la penféed’un-
grand évêque de nôtre tems..
Mais en général-, fi l’union des deux puiffances étoit utile à la religion,
ce devroit être pour établir & maintenir les bonnes moeurs
qui font le fruit de la- doétaine chrétienne. C a r J . C. n’eft pas venu
feulement nous enfeigrier des veritezfpeculatives.-ileft venu , comme ^ t
dit S. Paul, fe purifier un peuple qui lui fût agréable & appliqué
aux bonnes oeuvres.« Si c’eft le but de la- vraye politique & le premier
devoir des princes chrétiens, à- plus forte raifon, c’eft celui des
ecclefiaftiques dont la profdïion eft de fanâifier les autres. C ’eft à
ceux qui ont voyagé chez les princes ecclefiaftiques à nous dire ce
qui en eft : fi l’on y voit moins de vices fcandaleux , fi l’on y commet
moins de crimes, s’il y a plus de fûreté fur les chemins ¿c de fidélité
dans le -commerce : en un mot, fi leurs fujets fe diftinguent par*'
la pureté de leurs moeurs, de ceux des princes feculiers.
Je n’ai pas même oui dire qpe les états des ecclefiaftiques foient
plus heureux que les autres pour le temporel. Au contraire comme
ce n’eft pas la profefiion' de ces princes d’être guerriers , leurs
peuples font plus expofez aux infultes des ennemis du dehors. Ces
états n’étant point héréditaires, lès parens & les miniftres du prince
ne fongent qu a profiter du prefent, fouvent aux dépens du peuple :•
làns étendre leurs foins à 1-utiiité publique pour multiplier les habi-i-
tans, cultiver les terres, favorifer l’induftrie faciliter le commerce-,«
Elire fleurir les arts,, attirer dans l’état l’abondance & lescommoditez
de là vie. Ces grandes vues conviennent mieux-à des republiques ou-
à des princes qui confiderent leur pofterité.
fcious-n’avons point vu, chez les Grecs d’é-vêques fèigneurs ,, parce.
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