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& rebelle depuis long-tems s’efforce de; renverfer ,
comme il paroît par des marques évidentes : les ri-
cheifes du faint fiege ne fuffifent pas pour défaire ce
prince, ainfî la neceffité me contraint d’implorer 1«
fecours de tous les enfans del’églife. Car fi l’églife R omaine
fuccombe , il faut que tous les membres perif-
fent avec leur chef. On voit ici l’équivoque fi fréquente
ences temps-là de confondre l’églife avec l’état
temporel du pape ou des évêques ; car l’empereur
n’attaquoit point leur puilfancc fpirituelle.
Le nonce appuya la bulle par fon difeours, foure-
nant aux affiftans, qu’il étoit de leur honneur & de
leur intérêt d’accorder au pape ce qu’il demandoit.
Tous s’attendoient que le roi les foutiendroir : mais
il garda le filencc, ne pouvant défavoüer la promeife
de fes envoyez, Les feigneurs & tous les laïques re-
fuferent nettement de donner cette décime : ne voulant
pas foûmettre à l’églife Romaine leurs terres &
leurs biens temporels. Mais les évêques & tout le
clergé après avoir .délibéré trois ou quatre jours &c
beaucoup murmuré , fe fournirent enfin à la décime :
craignant l’excommunication ou l’interdit, s’ils s’op-
pofoient aux ordres du pape. Ils confentirent donc,
quoiqu’à regret , & vouloient convenir d’une fora-
me qui leur eût été fupportable: mais le nonce gagna,
difoit-on, par argent Eftienne de Segrave , de qui le
roi prenoit alors confeil ; & fit fi bien qu’il obtint que
la décime feroit entièrement payée. Alors le nonce
montra "aux prélats le pouvoir qu’il avoit du pape
pour lever la décime, fuivant une nouvelle taxe qui
en feroit faite : fans aucune déduéàion de dettes ni de
frais.. Il avoit auifi pouvoir d’excommunier les oppofans
& d’interdite leurs églifes ; & comme le pa- 1
pe avoit befoin d’un prompt fecours, il.ebli°-ca les A N<
prélats à lui avancer inceffamment l’argent, en rempruntant
ou autrement : fauf à en faire enfuite le recouvrement
fur les particuliers. On comprenoit dans
cette décime même la récolté de l’année , qui étoit
encore en herbe; & on l’exigeoit avec tant de rigueur,
que les prélats furent obligez à vendre ou engager
les reliquaires, les calices & les autres vafes faerez.
Ee nonce avoit avec lui des ufuriers , qui fous le nom
de marchands offraient de l'argent à ceux qui étoient
preffez, mais a fi gros intérêts, qu’ils attirèrent la ma-
ledi&ion publique ; & depuis ce temps-là plufieurs
de ces ufuriers ultramontains s'établirent en Angleterre.
Ce qui confoloit un peu les Anglois de cette
exa&ion, c’eft que les autres royaumes n’en étoient.
pas exemts.
En effet le pape Grégoire demandoit de tous cô- Etm. at. n¡.
tez du fecours pour cette guerre : en Italie , en Efpa- 35’ 34i
gne, en Portugal, en France, en Allemagne, où il envoya
le cardinal Otton avec ordre de paiTer en Da- <w*/,
ne marc ; & dès l’année précédente le pape en avoit ^ *•,?-
écrit au roi de Suede. Il prétendent même que les évêques
en vertu de leur ferment étoient obligez de venir
à fon fecours en perfonne,& il fit de grands reproches
alarcheveque de Lion pour y avoir manqué.
Jean de Brienne & les autres chefs de Parmée du l i v .
pape faifoient la guerre à la maniéré du temps : c’eft-
a-dire cruellement, tuant fans neceilité & ufant fou- gUOTe-
vent.de mutilation de membres. Le pape en fut
touché, & en écrivit ainfi au cardinal Pelage évêque
d Albane fon légat a 1 armée : Dieu veut tellement: