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& quand un autre prêchoit, fi les écoliers fçavoiene
qu’il y fût ; ils avoient peine à fe retirer qu’il n’eût
aufli dit quelque chefe après les autres. .
Jourdain attira ainfi à l’ordre plufieurs hommes distinguez;
par leur nobleffe & leur dignitez , plufieurs
riches beneficiers , plufieurs do&eurs de diverfes fa-
cultez , & une infinité de jeunes étudians élevez délicatement.
Ces converfions étoient finceres, & les
nouveaux religieux faifoient tous leurs efforts pour
arriver à une parfaite pureté de coeur. Ils fe confef-
foient exactement & fondoient tous les replis de leur
confcience pour expier jufques aux moindres fautes.
Quelques-uns fe confeifoient tous les jours & jufques
à trois fois | le matin , le foir, à midi, toutesles
fois que leur confcience leur faifoit quelque reproche.
Etant toûjours en garde contre les tentations &
alla rmez des moindres mouvemens de fenfualitez, ils
effimoient honteux de les écouter tant foit peu. Il
n etoit point mention chez eux des affaires qui les
avoient occupez,ou des plaifirs qu’ils avoient éprouvez
dans le monde. Us ne fongeoient qu’à pleurer
leurs pecbez, foumettre leurs corps àrefprit, & s’at-
tacheruniquenientàDieu ; & quand ilsconfideroient
la pureté & la beauté de leur inilitut, tout leur regret
étoit de l’avoir ombra fié fi tard.
On prenoitgrandfbin de l’inftruôbion des novices,
& de la confervation de leur fanté : car leurzele étoit
tel qu’il falloir le modérer. Loin de les éveiller pour
l’office , il falloit le foir les chercher en divers coins
où ils étoient en prière , pour les obliger à prendre
le repos de la nuit. Le filcnce étoit cxaCt,& s’obfer-
voit depuis complies jnafques à Tierce : après com-
L i v r e s o i x a n t e -d i x -h u i t i e ’ m e . 73?
plies ils prenoient la difeipline : après matines la pluf-
part paffoient le refte de la nuit en prières. Quoique
leur table fut très-frugale, quelques-uns y ajaütoient
des abftinences particulières : comme d’être huit jours
fans boire , ou de verfer de l’eau froide fur leurs portions,
plufieurs fous leurs habits déjà allez rudes por-
toient des cilicesou des ceintures de fer. Uss’empref-
foient avec une charité merveilleufe à fe rendre l’un
à l’autre toutes fortes de fervices. Leur pureté étoit
telle , qu’un feul de leurs prêtres rendoit témoignage
qu’en peu de temps il avoit oüiles confeffions générales
de cent freres, qui avoient gardé la virginité : auili
avoient-ils une dévotion particulière à la Ste. Vierge.
Us regardoient la prédication pour le falut des ames
comme l’efTentiel de leur inftitut : & quelques-uns
pouffoient leur zele jufques à cette fimplicité , de ne
pas manger qu’ils n’euffent annoncé la parole de Dieu
du moins à une perfonne. Leurs prédications étoient
fitpples, mais ferventes 3 & Dieu fuppléoitau défaut
de leurfcience en rendant leurs difeours efficaces par
le grand nombre de converfions. Quand ils alloient
prêcher ils'ne portoient avec eux que l’éyangile de
S. Matthieu & les fept épitres canoniques ; fuivant
que S. Dominique l’avoit ordonné. Lorfque dans un
chapitre général on propofoit d’envoïer des freres
outre-mer , ou chez les barbares , il y en avoit toûjours
un grand nombre qui profternez & fondant
«n larmes, s’offroient pour ces millions , par le zele
du falut des ames & le defir du martyre. Tels étoient
alors les freres Prêcheurs,au rapport de Thierri d’A-
poldequiécrivoitenviron.foixante ans après, & fe
plaignoit que cette première ferveur étoit déjà fort
Y y y ij
A n . 12.2.2.»
C.f.
Hijl. Oc cid. c. ay