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une réglé nouvelle & d’une rigueur exceiîive , comme
fi nous voulions être meilleurs que nos peres. Le
cardinal prit fon temps, & dans une converfation particulière
propofa ces objections à François comme
des maximes du bon gouvernement dont il étoit per-
fuadé. Mais François reconnut bientôt l’artifice ; &
fe levant de la place où il étoit aiïis avec le cardinal,
il le prit refpeétucufement par la m ain, le mena aux
freres aiferriblez en chapitre & leur dit: Mes freres ,
m esfreres, Dieu m’a appelle par la voye defimplicité
& d’humilité pour fuivre la folie de la croix , &
m’a dit •• François, je veux que tu fois dans le monde
un nouveau petit infenfé, qui prêches par tes aétions
& par tes difcours la folie de la croix ; & que toi
& les tiens ne regardent que m oi, & ne fuivenr que
moi fans autre maniéré de vie. Ne me parlez donc
point d’autre réglé hors celle que le feigneur a bien
voulu me montrer. Ceux qui s’en éloignent & en
détournent les autres, je crains qu’ils ne fentent la
vengeance divine, & ne foient enfin obligez de rentrer
dans cette voye à leur confufion. Puis fe tournant
vers le cardinal : Ces fages, dit-il, que vôtre
feigneuric lotie ta n t, voudraient par leur prudence
humaine tromper Dieu & vous ¡triais ils fe trompent
eux-mêmes, voulant détruire ce que J. C. ordonne
pour leur falut par moi fon indigne ferviteur. Car je
ne m’attribue rien de Ce que je fais & de ce que jedis ;
je concerte tout par de longues prières avec le perc
celeftc qui nous a fait connoître fa ^volonté par des
lignes manifeftes. Ayant ainfi parlé il fe retira.
Le Cardinal touché de la ferveur avec laquelle il
parloit & de la lumière qui lui faifoit penetrer le fe-
L i v r é s o î x a n t è - d i X - î i u i T i ë ’mê. 4 7 7 <
eret des coeurs, & connoître fur le champ tout ce qui ^ N> l m
regardoit le gouvernement de l’ordre, dit aux religieux
qui étoient demeurez confus : Mes chers freres*
vous avez vû comme le S. Efprit a parlé lui-même
par la bouche de cet homme apoftolique. Prenez
garde à vous & ne foyez pas ingrats envers Dieu qui
yous favorife ainfi : car il eft véritablement en ce pauvre
& parle par fa bouche. Humiliez-vous & lui obeif-
ièz fi vous voulez plaire à D ieu, & ne pas perdre le
fruit de vôtre vocation. Je vois par experience quil
n’eft pas facUe-de le furprendre ni de le détourner de
fon chemin. Ceux mêmes qui avoient été d’avis contraire
, fe rendirent à ce difcours.
Plufieurs freres vinrent des provinces d’Outremer Sou^ on
pour chercher en ce chapitre les rcmedesaux mau- évêques,
vais traitemens qu’ils avoient foufferts en divers
lieux, faute d’avoir des lettres autentiques pour montrer
que leur inftitut étoit approuvé de l’églife. Ils fe
plaignoient encore qu’on ne leur permettoit pas de
prêcher , & prioient François d’obtenir du pape un
privilège en vertu duquel ils puifent prêcher partout
où il leur p lairait, même fans permiffion des évêques.
Le S. homme répondit avec indignation : Quoi
mes freres, vous ne connoiifez pas la volonté de
Dieu ? Il veut que nous gagnions premièrement les
fuperieurs par l’humilité & le refpeét, & enfuitepar
la parole & le bon exemple ceux qui leur font fournis. .
Quand les évêques verront que vous vivez fainte-
m en t, & que vous ne voulez point entreprendre fur
leur autorité : ils vous prieront d’eux-mêmes de travailler
avec eux au falut des ames dont ils font chargez,
& vous appelleront pour vous entendre & vous
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