
l" Progrès de la fïoifade : ne rendant aux prélats ni obéïf-
ïance,ni refpect, & méprifant les excommunications,
Le roi de Jerufalem a abandonné l’armée avec prefi-
qùe toutes les troupes : le maître'du Temple s’eit retiré
avec la plus grande partie de íes freres, prefque
tous les chevaliers François en ont fait autant : le patriarche
n’a pas voulu demeurer avec nous. Ceux de
Çhipre &prefque tous les Orientaux nous ont quittér
Ceux qui nous relient font dans une telle pauvreté ,
qu’à peine s’y trouve-t’il quatre ou .cinq chevaliers
qui puiifent habiliter du leur , & le légat entretien^
ceux qu’il peut des aumônes communes.
Ainfi nos gens n’ofent fortir ni s’expofer aux Sa-í
rafins, qui prennent ceux qui s’écartent, & en ont
déjà plus de trois mille dans les fers, à Alexandrie ,
au Caire & à Damas. Il y en à merne des nôtres qui
paifent volontairement au camp des infideles ôç
àpoilafient pour vivre plus licentieufement : mais
le fultan d’Egypte connoiffant leur legereté, les envoie
aux parties de fon roïaume les plus éloignées ,
d’où ils ne puiifent revenir, & ils y fonc fi méprifez,
qu’à peine leur donne-c’on dequoi foûtenir une mi-
ferable vie : leur reprochant qu’ils feront auffi mau¿
vais Sarafins qu’ils ont été mauvais Chrétiens. L’évê- ■
que d’Acre ajoute, que l’affliétion ai'ant fait rentrer
les Chrétiens en eux-mêmes, leur armée femble être
un cloître de moines en comparaifon de ce qu’elle
étoit. On en a chaifé, dit-il, les femmes publiques,
on a défendu de fréquenter les cabarets & de joiier
aux jeux de hazard ;& o n a donné commiifion au
maréchal du légat avec douze confeillers de punir le?
malfaiteurs.
L i v r e s o ix a n t e - d i x - h u i t i e ’me. jo<>
fl parle enfuite d’un nouveau conquérant, ennemi
des Sarafins, qu’il nomme David roi des Indiens :
mais ce doit être le fameux Ginguiz can que l’on
aura confondu avec le prêtre Jean, au fervice duquel
il avoit été. Puis il ajoute : L’année paifée tomba
entre nos mains un livre de grande autorité chez les
Sarafins, compofé par un ailrologue qu’ils tiennent
pour prophète. Il a prédit combien leur religion devoir
durer, &c que comme elle a commencé par le
glaive, elle périra par le glaive. l i a prédit exactement
tout ce que nous avons vu de nos yeux : ce qui
nous a fait ajouter foi plus aifément à ce qu’il nous
a dit pour l’avenir. Or il a prédit qu’après la prife
de Damiete les Chrétiens prendront Alexandrie , le
Caire & toute l’Egypte, Damas, Alep & enfin Je rufalem.
Cette année les Syriens nous ont montré
un autre livre très-ancien écrit en Arabe, intitulé :
Les révélations de S. Pierre rédigées par S. Clement
fon difciple, qui prédit clairement tout ce qui eft
arrivé depuis le commencement de leglife ; & qui
doit arriver jufques au temps de l’Antechriil & la fin j
du monde : çntr’autres la deftrudion de la religion
des Sarafins, qui doit fuivre de près la prife de Damiete.
Puis il parle de deux nouveaux rois, dont l’un
doit venir d’Occident, l’autre d’Orient : pour abolir
cette abominable rejigion. Nous avons fait lire ce
livre devant le peuple pour fa confolation ; & peu de
temps après nous avons reçu les agréables nouvelles
du roi Oriental David, & de l’empereur Frideric ,
qui doit venir au mois d’Août prochain a notre fe-
eours avec de grandes forces.
Le pape apprit encorç d’ailleurs, que Jean roi dç
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