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avoit cinquante ans, il ajoûta : Il commence à s’af-
foiblir, il ne doit chercher que la paix & le repos. Et
après un peu de filence ramaffant toutes les réponfes
desenvoïez, il dit : Ce roi effc moins que rien, je n’en
fais aucun cas., il eft indigne de mon alliance : & regardant
de travers Thomas & Raoul, il leur défendit
de fe prefenter plus devant lui.
Comme ils fe retiraient avec confufion, le Mira-
tnolin regardoit Robert de Londres le troifiémc en-
voie qui setoit tenu a quartier ; & voiant un petit
homme noir de mauvaifè mine il jugea qu’il de-
voit être habile, puifqu’on l’avoit envoie pour une
affaire de cette importance. Il le retint donc, & lui
fit pluiïeurs queftions, aufquelles Robert fatisfit en
difant franchement que le roi d’Angleterre étoit un
tiran, fier à fes fujets, foible avec les étrangers , qui
par fa faute avoit perdu le duché de Normandie , &
plufieurs autres terres, & ne cherchoit qu a détruirt
fonroïaume: odieux par fes exaétions, fes ufurpa-
tions fut fes fujets, fes adultérés & fes débauches*.
Le Miramolin ajoûta au mépris qu’il avoit pour le
roi Jean l’execration & la maledivffion, 8 c blâma la
patience exceifive des Anglois; Il eut plufieurscon-
verfations avec Robert, & le renvoïa chargé de pré-
fènsd’or, dargent,de pierreries & d’étoffes de foie.
Robert étant de retour raconta à fes amis les particu*-
laritez de cette ambaffade ; & l’hiftorien Matthieu
Paris-dit lui en avoir oüi parler lui-même. Il ajoute
oc,, que le roi Jean ne penfoit pas comme il faut fur la
refurreétion des morts 8 c d’autres articles de foi, 8c
difoit des extravagances qu’on n’ofe redire. Un jour
parexemple,.voïant écorcher un cerf fort gras qu’on
avoiti
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L i v r e s o i x a n t e -d i x -s e e t i e ’m e . 3^3
avoit pris à la chaffe ; il dit en riant : Que cet animal
fe portoit bien , &c pourtant il n’a jamais oüi de
meffe ?
Cependant le comte Simon de Montfort &: les
évêques de Languedoc fe voïant privez du fecours
des croifez de France , envoïerent des abbezau roi
d’Arragon, lui porter les lettres du pape; & le fupplier
d’y avoir égard , & de celfer de protéger les hérétiques.
Le roi répondit, qu’il exécuterait volontiers
les ordres du pape : mais il fit tout le contraire ; il ne
retira point de Touloufe les chevaliers qu’il y avoit
laiffez , 8 c y en envoïa encore plus ; il fit venir de
nouvelles troupes de fes états, & engagea de fon
domaine pour les foudoïer. Le dixième de Septembre,
qui étoit le mardi après la Nativité de Notre-Dame ,
il vint avec les comtes de Touloufe, de Comminges
& de Foix, & une grande armée affieger le château,
de Muret fur la Garonne , à deux Iicuës au-deffous
de Touloufe. Le comte de Montfort qui étoit à Fan-
jaux, vint à Saverdun accompagné de fept évêques
& dt trois abbez, que l’archevêque de Narbonnc
légat avoit fait affembler pour traiter de la paix avec
le roi d’Arragon.
Le lendemain mercredi de grand matin le comte
de Montfort appella fon chapelain, fe confeifa 8 c fit
fon teftament qu’il envoïa à l’abbé de Boulbone tno-
naftere voifin de l’ordre de Cîteaux, & commanda,
s’il mouroit à la bataille , de l’cnvoïer. à Rome & le
faire confirmerparlc pape. Le jour venu tous les évêques
s’affemblerent à l’èglife ;.un d eux fe revêtit des
ornemens, & célébra la meffe pendant laquelle ils
excommunièrent tous enfemble le comte de Toulon-
Tome X V I , Y y
A n . m j .
XXVIII.
Bataille de Muret.
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