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Jord. c.
47Z H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .'
~ rer en cette fainte focieté. La nuit fuivante Henri-
étant allé à matines à Notre - Dame, continua de
prier jufqu’au jour : demandant à la fainte Vierge
qu’il fe tournât à cette réfolution. Il étoit touché de
l’eftime qu’il faifoit de la pauvreté volontaire, perfua-
dé qu’elle donnoit une grande confiance au jugement
de Dieu : mais il fentoit en fon coeur une grande réfif-
tance ; & il étoit prêt à fe retirer de l’églife , quand
il fe fentit vaincu tout d’un coup, & fondant en lar-;
mes il fe leva, alla promptement trouver Renaud,
& fit fon voeu : puis il revint vers Jourdain & lui en
donna part. Ils réfolurent toutefois de remettre leur
prife d’habit jufques au carême, & cependant ils gagnèrent
un troifiéine de leurs compagnons nommé
Léon.
Cependant frerc Renaud aïant été peu de temps à
Paris tomba malade & mourut ; & comme les freres
Prêcheurs n’avoient point encore de cimeciere particulier,
il fut enterré à Notre Dame des Champs
prieuré dépendant de Marmoutier. Sa mort ne ralentit
point le zele des trois nouveaux poftulants Jourdain
, Henri & Léon. Le jour des cendres qui cette
année îz io . étoit le onzième de Février,ils fe rendirent
à S Jacques ; &lorfqueles freres chantoient l’antienne
Immutemur babitu, changeons d’h abit, pour
la bénédiction des cendres, ils entrèrent tout d’un
coup dans l’églife où on ne les ateendoit pas, & changèrent
effectivement d’habit en prenant celui de l’ordre.
Le chanoine d’UtreCt qui avoit pris foin d®
l’éducation de Henri & deux autres vertueux eccle-
fiaftiques de la même églife, aïant tous trois une
grande affedion pour lui * furent fenfiblement affligez
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gez de fon entrée chez les freres Prêcheurs : ne con- ^ N j
noiffant pas encore bien ce nouvel inilitut. Ils com-
ptoient pour perdu ce jeune homme d’une fi grande
efperance ; &c étoient prefque convenus que quelqu’un
d’eux iroit à Paris le retirer de cet engagement
indiferet. Mais un d’entr’eux dit : N’allons pas fi vi-
fte ; paffons enfemble cette nuit en priere , demandant
à Dieu qu’il nous faffe connoître fa volonté. Ils,
le firent, & un d’eux oiiit une voix d’enhaut qui di-
foit : C ’eft le Seigneur qui a fait ceci, & il ne pourra
changer. Cette révélation les raffura ;& ils écrivirent
à Paris , mandant à Henri ce qui s’étoit paffé ,
Si l’exhortant à perfeverer.
Après que faint Dominique eut demeuré quelque
temps à Boulogne, il retourna à Rome, d’où il fe rendit
à Peroufe auprès de faint François & du cardinal
Hugolin leur ami commun qui y étoit légat. Comme v*Hng. «». nvj
ils s’y entretenoient ferieufement des affaires de l’é- *’
glife , le cardinal leur demanda s’ils auroient agréable
que quelques-uns de leurs difciples fuffent élevez
aux dignitez ecclefiaftiques, C ar, ajouta-t’i l , je
fuis affuré qu’ils gouverneroient leurs troupeaux a-
vcclam.ême application que ces évêques des premiers
temps , qui dans une grande pauvreté , animez d’une
charité fincere, ne fongeoient qu’à édifier les peuples
par leurs inftruCtions & leurs exemples. Saint
Dominique répondit, que c’étoit affez d’honneur à
fes freres d’être appeliez à inftruire les autres & à défendre
la foi contre les hérétiques. Saint François dit,
que les fiens ne feroient plus freres Mineurs s’ils de-
venoient grands, & que fi l’on vouloit qu’ils fiflent
du fruit il falloit les laiffer dans leur état. Ils conclu-
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