
que malgré l’affbibliffement de leur empire, ils ont toujours confervé
la tradition des loix Romaines 8c les maximes de la bonne antiquité,
fuivant lefquelles toute la puiffance publique refidoit- dans le fouve-
rain & n’étoit communiquée aux particuliers que par les magiftratures
-8c les charges, mais ne leur étoit jamais abandonnée en propriété.
Auffi les Grecs étoien't-ils fort feandalifez de voir nos évêques poffe-
der des feigneuries, & pour les défendre, lever des troupes, les conduire
en perfonne 8c porter les armes. Un d’eux difoit que le pape
n etoit pas un évêque , mais un empereur. Ce que je dis des évêques
ch-. C af i y . f. Grecs fe doit entendre auffi des Syriens & des autres Orientaux,
I I Í . avant qu’ils fuffent fous la domination des Mufulmans: car depuis ils
ont été plutôt efclaves que feigneurs. '
XI. La puiffance fpirituelle du pape s’ étant tellement étendue par les
Légats. ' c o n f e q u e n c e s tirées des fauffes decretales, il fut obligé de commettre
ni qu’il fît venir à lui tout le monde. De-là vinrent les légations fi
fréquentes depuis l’onziéme fiede. Or les légats étoient de deux fortes,
des évêques ou des abbez du pais, ou des cardinaux envoyez de
Rome. Les légats pris fur les lieux étoient encore différents:les uns
établis par commiffion particulière du pape, les autres par la prérogative
de leur fiegej 8c ceux-ci fe diioient légats nés, comme les archevêques
de Mayence 8c de Cantorberi. Les légats venus de Rome
fe nommoient légats à Utere : pour marquer que le pape les avoit
envoyé d’auprès de fa perfonne ; 8c cette expreffion etoit tiree du
concile de Sardique.
Les légats nez ne fouffroient pas volontiers que le pape en commît
d’autres au préjudice de leurs privilèges : mais le pape avoit plus de
confiance en ceux qu’il avoit choifis, qu en des prélats qu il connoil-
ivo. ef. 109. foit peu ou qui ne lui convenoient pas. Or entre ceux qu’il choiftffoit
H//?.irc>.Lxvn, les plus favorables étoient ceux qu’il prenoit fur les lieux, parce
n. 1 1 . qu’ils étoient plus capables de juger 8c d’ordonner avec connoiffance
de caufe; que des étrangers venus de loin. Auffi avez vous vu avec
It>ger. Utved.p. inftance i ves de Chartres prioit les papes de ne point envoyer
ae ces légats étrangers ; on n’en recevoit point en Angleterre^ non
plus qu’en France , qui n’eût été demande par le.roi. Les eveques
Uift. liv. Lxir. fouffroient avec peine de fe voirpréfîder par des évêques étrangers:
l : ’ encore moins par un prêtre ou un diacre cardinal,, Jÿds pretexte
qu’il étoit légat ■ car jufques-là tous les évêques'àvoient rang avec
les cardinaux qui ne l’étoierit pas.
Mais ce qui rendoit les légats à Uttre plus odieux, c’étoit le fafte,
le luxe, l’avarice. Us ne voyageoient ni à leurs dépens ni à ceux du
Cnn. 4c pape, mais du pais où ils étoient envoyez ; 8c marchoient a grand
train, c’eft-à-dire, avec une fuite au moins de vingt-cinq Chevaux:
car c’eft à quoi le dernier concile de Latran les avoit réduits. Par
tout où ils paffoient ,t ils fe faifoient défrayer magnifiquement par
les évêques 8c les abbez : jufques-là que les monaftçres étoient quelt
fitie
fur l'H if îo ir s Ecclejîajlique. x v 1 1
iauê fois réduits à vendre les vafes facrez de leurs églifes pour fournir à
de telles dépenfes. Yous en avez vu des plaintes. Ce n’eil pas tout, il
falloit encore leur-faire des prefens: ils en recpvoient des princes a qui
ils etoient adreffez, 8c fouvent des parties aufquelles ils rendoient ju-
ftice, du moins les expéditions n’étoient pas gratuites. Enfin les légations
étoient des mines d’or pour les'cardinaux, 8c ils en revenoient
d’ordinaire chargez de richeffes. Vous avez vû ce qu’en dit S. Bernard
8c avec quelle admiration il parle d’un légat defintereffé.
Le fruit le plus ordinaire de la légation étoit un concile, que le
légat convoquoit au lieu 8c au tems qu’il jugeoit à propos. I l y.pre-
fidoit, y decidoit les affaires qui fe prefentoient & y publioit quelques
reglemens de diftipiine, avec l’approbation des évêques qui le
plus fouvent ne faifoient qu’applaudirca r il ne parpît pas qu’il y
eut grande délibération. Ainfi s’abolirent infenfiblement les conciles
provinciaux, que chaque métropolitain devoit tenir tous les ans fui-
vant les canons-: la dignité des archevêques offufquée par. celle des
légats dégénéra en titres 8c en cérémonies, comme d’avoir un pallium
8c faire porter une croix devant eux ■ mais ils n’eurent plus
d’autorité fur leurs fuffragans , Se on ne vit plus que des conciles de
légats. O r, pour le dire en paffant, je ne doute point que les fréquenteslégations
n’ayent.été la.fource du rangdiftingué, qu’ont.tenu depuis
les cardinaux de l’églife Romaine : car chaque églife avoit les liens ,
c ’eft-à-dire, des prêtres,8c des diacres attachezà certains titres.Mais
comme on voyoit dans ces conciles les cardinaux légats au-deffus,
non feulement des évêques, mais des archevêques , des primats, des
patriarches : on s’accoutuma à joindre au titre de cardinal l’idée d’une
dignité qui ne cedoit qu’à celle du pape. L ’habit de ceremonie des
cardinaux confirme cette penféer la chape 8c le chapeau étoient 1 habit
du Voyage, qui convenoit aux légats: le rouge étoit la couleur
du pape, 8c c’étoit pour le mieux reprefenter que les légats la p.or-
toient, félon la remarque d’un hiftorien Grec.
Voilà cependant un des plus grands changemens qu’ait fouffert la
difcipline de l’églife, la ceffation des conciles provinciaux, 8c la diminution
de l’autorité des métropolitains. -Ce bel o’rdre fi fagement
établi dès la naiffance de l’églife, 8c là utilement pratiqué pendant huit
' qu dix fiédes, devoit-il donc être renverfé fans délibération , fans
examen, fans connoiffance de caule? Mais quelle raifon en auroit-on
pû alléguer? Des légats étrangers qui ne ffavoientni les moeurs ni la
langue du pais Sc qui n’y féjournoient qu’en paffant, étoient-ils plus
propres que les palleurs ordinaires à y^juger les différends 8c y rétablir
la difcipline ? Et quand ils avoient publié de beaux reglemens dans
un concile, pouvoient-ils s’aflurer qu’ils feroient ôbfervez après leur
départ, fi les évêques n’y tenoient la main ? Concluons que fur cet
article comme fur les autres, l’ancienne difcipline n’a pas été changée
pour .en établir une meilleure. Auffi nevoyons-nous pas quepen-
dant ces fréquentes légations la religion ait été plus floriffante.
Tome Xi-% c
IV. ConfU, c. ai
S‘
Georg. Acropo'U
n. 17.