
J4 * - H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
la pauvreté 8c le mépris de tous les biens fenfibles.
Toute leur occupation étoit la méditation des chofes
divines , la pricre, la pfalmodie jour & nuit : le travail
étoit leur repos : elles s’avançoient dans la perfection
de jour en jour.
. ” • il Ce fut donc près de ce monaftere que faint Balile
Vie de S Baille r • i i ,
dans les deferts.. {e retira : dans un heu lauvage au pied dune mon-
£*/. ep. 19 . tagne , environnée de bois, de valides profondes 8c
d’un fleuve tombant dans un précipice. Il en fit une
agréable peinture à fon ami Gregoj|p, qui lui répondit
par une raillerie : tournant en ridicule fon
defert, comme Balile s’étoit mocqué d’une retraite
qu’il lui avoit propofée. Car l’aufterité de ces faints
ne diminuoit rien de l’enjouement de leur efprit.
zpM 1." Mais enfuite S. Balile lui rendit compte ferieufement
des occupations de fa folitude, par une lettre fameu-
fe : où toutefois il femble dire plutôt ce que l’on
doit faire dans le defert, que ce qu’il y fait : car il
témoigne d’abord être peu fatisfait de lui-même ,
& avoir jufques là'tiré peu de fruit de fa retraite. Il
montre l’utilité de la folitude , pour fixer les penfées
& appaifer les pallions, dont elle ôte la matière.
Sortir du monde , d it - il, ce n’eft pas en être dehors
corporellement : mais rompre le commerce de
l ’ame avec le corps : n’avoir ni cité , ni famille, ni
amis , ni biens, ni affaires : oublier ce que l’on a
appris des hommes , pour être prêt à recevoir les
inftruétions divines. L’occupation du folitaire eft
d’imiter les anges, en s’appliquant à la priere & aux
louanges du créateur , dès le commencement de la
journée. Le folcil étant levé, il fe met au travail, qu’il
L i v r e q u a t o r z i e ’me . *43
accompagne toujours de prières. I l médite l'écriture
fainte , pour acquérir les vertus 8c former fes moeurs
par les préceptes & par les exemples des faints : la
priere fuccede à la leCture , pour rendre les in ftruc-
tions plus efficaces. S. Bafile réglé auffi la maniéré de
parler : fuppofant des compagnons de folitu d e, comme
en effet il en eut bien -tô t plufieurs. I l fau t interroger
fans contention 8c répondre fans fafte:ne point
interrompre , ne point s’empreffer à parler : apprendre
fans honte , enfeigner fans ja lou fie ; & publier
a vec reconnoiffance de qui l ’on a appris. U fe r d ’un
temps modéré , être affable , a g ré a b le , non par des
plaifanteries a ffed ée s , mais par la douceur 8c la bonté
, éloignant toute ru d e ffe ., même dans les correct
io n s , que l ’humilité prépare mieu x. L ’humilité du
folitaire doit paroître dans tout fon extérieur : l ’oeil
trifte 8c baiffé vers la terre , la tête mal peignée ,
l ’habit fale & n é g lig é -, tel naturellement que ceux
qu i portoient le deiiil l’affeétoient alors, f l ne do it
être vêtu , que pour cou v rir le corps contre le fro id
&c le ch a u d , fans couleur éclatante , fans délicateffe.
Il ne doit non plus chercher qu’à contenter la ne-
ceffité dans la nourriture : en fo rte que le pain &
l ’eau avec quelques legumes lu i fu f f ife n t , tant qu’il
fe portera bien. Q u ’il mange fans avidité , s’o c cu pant
de penfées pieufes fu r la nature 8c la d iverfité
des alimens proportionnez à nos corps : que le repas
foit précédé & fu iv i de prières : que de vingt-quatre
heures du jour il n’y en ait qu’une tout au plus pour
le fo in du c o rp s , 8c que ce fo it toûjours la même.
Que le fommeil fo it le g e r , à p roportion de la nour