
386 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
aïant fait le iîgnal dont ils étoient convenus ; &
voïant que fes compagnons y étoient, il vint au
logis des évêques, & trouva la porte de la cour ouverte
: car il avoit gagné par argent un des do-
meftiques. Il fit entrer la femme toute deshabillée,
lui montra la porte de la première chambre, où
couchoit un des évêques , & lui dit d’y cintrer : cefiendant
il fortit pour appeller fes compagnons. Il
e trouva qu’Euphratas, qui étoit le plus vieux des
deux évêques, couchoit dans cette première chambre
, 8c Vincent dans une autre plus reculée. La
femme entra volontiers , croïant que quelque jeune
homme la demandoit : mais elle Fut bien étonnée
de trouver un homme endormi, qui ne s’attendoit
à rien. Au bruit qu elle fit en marchant, Euphratas
s’éveilla & dit : Qui va-là ? Elle répondit ; 8c Euphratas
entendant une voix de femme dans les te-
nebres, crut que c’étoit une illufion du démon , 8c
appella Jefus-Chrift à fon fecours. Onagre furvint
avec fa troupe criant contre les évêques, que c’é-
toient des fcelerats. La femme voïant à la lumière
le vifage d’un vieillard 8c l’apparence d’un évêque,
crioit de fon côté, qu’on l’avoit furprife. Onagre
Vouloir l’obliger à fe taire & à calomnier l’évêque.
Cependant au bruit les domeftiques accoururent &
Vincent fe leva : on ferma la porte de la cour, pour
arrêter les conjurez : mais on ne put en prendre
que fept, que l’on garda avec la femme * Onagre
fe fauva avec les autres. La chofe aïant éclaté,
quand il fut jo u r, toute la ville accourut à cette
maifon ; & le.fcandale fut d’autant plus’ grand , que
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c’étoit aux fêtes de Pâque. Les évêques éveillèrent
Sahen, cet officier qui étoit venu avec eux ; 8c dès.
le grand matin ils allèrent enfemble au palais de
l’empereur , fe plaignant hautement qu’Eftienne eût
ofé enrreprendre une telle calomnie ; & difant qu’il
n’étoit befoin pour punir fes crimes, ni de jugement
en forme, ni de tourmens : mais qu’il fuffifoit
d’un jugement ecclefiaftique. Salien foutenoit le
contraire , & prioit l’empereur de commander qu’une
attion fi hardie fût examinée, non par un concile
, mais dans les formes de la juftice ; 8c promet-
toit de livrer les clercs des évêques tous les premiers,
pour être mis à la queftion ; difant qu’il falloit y
mettre auifi ceux d’Eftienne. Il s’y oppofoit impudemment
, & difoit que des clercs ne devoient pas
être expofez aux tourmens : mais l’empereur & fes
grands officiers furent d’avis que l’on donneroit la
queftion : avec cette précaution feulement , que cette
information fe feroit en fecret dans le palais. On
voit ici la différence des jugemens ecclefiaftiques,.
& des jugemens feculiers. Dans les ecclefiaftiques ,,
les évêques étoient les juges, les loix étoient l’écriture
fainte & lès canons, les tourmens ni la prifom
n’avoient point de lieu : les peines n’étoient que fpi-
rituelles, comme la dépofition & l’excommunication.
On interrogea d’abord la femme ; 8c on lui demanda
qui l’avoit amenée au logis des évêques.
Elle dit que c’étoit un certain jeune homme, qui l’avoit
demandée pour des étrangers, & le refte comme
il s’étoit paffé. Enfuite on préfenta à la queftion-
C e c ij