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traire les peuples fur ce point. Il en avoit lui même
***' repris feverement les laïques, ôc particulièrement les
femmes : difant que cet ufage n’étoit ni légitime ni
pieux : puifque les corps des patriarches ôc des pro.
phetes étoient encore confervez dans des tombeaux ;
ôc que le corps même du Sauveur fût mis dans un fe-
pulchre fermé d’une pierre, jufques à farefurreétion,
I l prouvoit par-là que c’étoit mal fait de ne pas cacher
les corps des défunts , que lque faims qu’ils fuf-
fent : puifque rien n’eft plus gr«nd ôc plus faint que
le corps du Seigneur. Plufieurs le crurent, ils en-
terrerent leurs morts & remercièrent Dieu de l’inf-
truétion qu’il leur avoit donnée. Ce fut donc la
crainte qu’on ne m itâ t ainfi fon corps, qui l’obligea
de fè prefTer, & de dire adieu aux moines de la montagne
extérieure. Etant rentré dans la montagne intérieure,
ou il avoit accoutumé de demeurer, il tomba
malade au bout dequelques mois. Il n’avoit auprès
de lui que deux de fes difciple, Macaire Ôc Amathas,
qui le fervoient depuis quinze ans à caufe de fa vieil—
leife. Il les appella & leur dit ; J ’entre, comme il
eft écrit, dans la voie de mes peres : car je vois que
le Seigneur m’appelle. Et après les avoir exhortez,
à la perfeverance & à l’éloignement des fchifmati-
ques & des Ariens : il leur recommanda de ne pas
permettre, que fon corps fût porté en Egypte , de
f>eur qu’on ne le gardât dans les maifons. Enrerrez-
e vous même, dit-iL, ôc le couvrez de terre , en un
lku qui ne foit connu que de vous feuls. Au jour de
la refurre&ion je le recevrai incorruptible de la main
du Sauveur. Partagez mes habits : donnez à le -
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vêque Athanafe une de mes peaux de brebis, avec le
manteau fur lequel je couche, qu’il m’a donné tout
neuf, & que j’ai ufé : donnez à l'évêque Serapion
fautre peau de brebis, & gardez pour vous mon ci-
lice. Adieu mes enfans, Antoine s’en va Ôc n’eft: plus
avec vous.
Quand il eut ainfi parlé ils l’embraiferent : il étendit
fes pieds, Ôc demeura couché avec un vifage g a i,
comme s’il eût vû fes amis le venir voir. Il finit ainfi
le dix-feptiéme de Janvier l’an 336. étant âgé de cent
cinq ans. Depuis fa jeuneffe jufques à un fi grand âge,
il garda toûjours la même ferveur dans fes exercices.
La vieillefle ne l’obligea ni à prendre une nourriture
plus délicate, ni à changer la maniéré de fe v ê tir , ni
à fe laver mêmeles pieds. Toutefois il n’avoit aucune
incommodité, fa vûë n’étoit point affoiblie : fes
dents étoient feulement ufées : mais il n’en avoit pas
perdu une feule. Enfin il étoit plus fort Ôc plus vigoureux,
que ceux qui fe nourriflent de diverfes
viandes : qui fe baignent ôc changent fouvent d’habits.
Ses difciples l’enterrerent comme il leur avoit
ordonné , & perfonne qu’eux deux ne fçût le lieu de
fa fepulturc.
S. Athanafe & S. Serapion de Thmoiiis reçurent
comme un grand tréfor les habits qu’il leur avoit
laiffez. Ils croïoient voir Antoine en les regardant ;
& les portant fur eux, ils croïoient porter fes inftruc-
tions. Sans aucune fcience humaine, fans aucun art
qui le rendît recommandable, fa pieté feule le fit
connoître par tout -, & fa réputation s’étendit bientôt
; non feulement dans l’Orient, mais à R om e ,
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Hier. Chr.
Pagi ann. 358.».