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qu’elles ne (oient ni trop légères, ni trop épaiffes. 1
Pour détremper, il faut mettre les couleurs broyées
dans un pot, verfer peu à peu le liquide qui doit
fervir à les détremper, & l ’introduire en remuant
bien, jufqu’à ce que la couleur (oit délayée au point
que l’on defîre : ne verféz de liquide qu’autant qu’il
en faut pour étendre les couleurs fous le pinceau
ou la brdflé.
L e précepte de ne broyer & de ne détremper de
couleurs qu’autant qu’on en a befoin, eft eiïentiel à
fuivre , parce que tel foin qu’on emploie pour les
conferver , elles fe graillent & perdent toujours de
leur qualité.
Cependant, fi l’on en avoit préparé une plus
grande quantité, il faut, quand ce font des terres
broyées à l’huile, y mettre un peu d’huile par def-
fus ; & pour qu elles ne fe glaifent pas quand elles
font broyées à l’eau, il faut les noyer d’un peu
d’eau qui les fumage.
Application des couleurs,
i° . Ne préparez, luivant les obférvations de
M. Watin, que la quantité des couleurs nceflaires
pour l’ouvrage que vous entreprenez, parce qu’elles
ne le confèrvent jamais bien , & que cêlles qui
font fraîchement mélangées font toujours plus vives
& plus belles.
i ° . Tenez votre broffé droite devant vous, &
qn’il n’y ait que fa furface qui foit couchée furie
fujet; fi vous la teniez penchée en tout fens, vous
courriez rifque de peindre inégalement.
Il faut coucher hardiment & à grands coups,
& é,tendre néanmoins uniment & également les couleurs
; ' prenez garde d’engorger vos moulures &
fculptures; fi cet accident arrivoit, ayez une petite
brofle pour en retirer les couleurs.
4°. Remuez très-fouvent les couleurs dans le
pot , afin qu’elles conlervent toujours la même
tel ï , & qu’elles ne faffént pas de dépôt au fond.
5°. N’empâtez jamais la brofle, c’eft-à-dire, ne
la furchargez pas de couleur.
6°. N’appliquez jamais une fécondé couche que
la première ou précédente ne foit absolument sèche;
es que l’on, connoit aifément, lorfqu’en y portant
légèrement le dos de la main, il ne s’y attache
en aucune façon.
7°. Afin de rendre cette fication plus prompte
& plus uniforme , faites toujours vos couches les
plus minces poflibles.
8°. Avant de peindre, il faut abreuver le fujet :
abreuver, c’efl étendre une couche d’encollage ou
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de blanc a l’huile furie fujet qu’on veut peindre,
pour en remplir ou boucher les pores, de façon que
le fujet devienne Uni ; par-là on ménage les couches
de couleurs ou de vernis , qu’il faudroit repeter
très-fouvent fans cette précaution.
9°. Tous les fujets qu’on veut peindre ou dorer
doivent être en fonds blancs ÿ ils confèrvent les
couleurs fraîches & vives; les couleurs qu’on applique
empêchent que l’air n’altère la blancheur,
& cette blancheur répare les dommages que les
couleurs reçoivent de l’air.
Emploi des couleurs préparées en détrempe,
P eindre en détrempe , c’efl peindre avec des
couleurs brovées à l’eau & détrempées a la colle.
La détrempe eft sûrement la plus ancienne manière
de peindre ; il eft naturel de croire que les
premiers qui ont‘ trouvé les matières qui donnent
les couleurs, les ont d’abord détrempé avec de
l ’eau, & qu’enfuite pour donner de la confîftance
à cette eau colorée , ils l ’ont préparée avec de la
gomme ou de la colle.
Cette forte de peirtture bien faite, fè conferve
long-temps; elle eft la plus en ufàge, elle s’emploie
fur les plâtres, les bois, les papiers ; on en
décore les appartemens ; tout ce qui n’eft pas fujet
à être expofe aux injures de l’air, comme boites,
éventails, efquiffe, eft ordinairement peint en détrempe.
On peint aufïi à la colle tout ce qui n’a qu’un
éclat momentané, ou ce qui eft dans le cas d’être
commédécorations de fêtes publiques ou de théâtre.
Il y a trois fortes de détrempe', la détrempe commune
, la détrempe vernie, qu’on appelle chipolin,
& la détrempe au blanc de roi_, que les procèdes
fui van ts , qui font tous d’après la do&rine de
M. Watin, feront fuffifamment connoître.
Mais voici quelques obfervations préliminaires
de cet auteur.
i®. Prenez garde qu’il n’y ait aucune graiflê fur
le fujet; s’il y en a , grattez, ou leflivez avec de
l’eau fécondé, ou frottez la partie graflè avec de
l’ail & de l ’abfinthe.
i° . Que la couleur détrempée file au bout, de
la brofle, lorfque vous la retirez du pot; fi elle s’y
- tient attaehée, c’eft la preuve qu’il n’y a pas allez
de colle.
3°. Que toutes vos opérations , c’eft - à- dire ,
que toutes les couches, fur-tout les premières,
foient données très-chaudes, en évitant toutefois
qu’elles foient bouillantes.
Une bonne chaleur fait bien mieux pénétrer la
couleur ; mais employée trop chaude , elle fait
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bouillonner l’ouvrage Ce gâte le fujet, & S c’eft
du bois, l’expofe a éclater.
La dernière couche que l ’on étend avant <pie
d’appliquer le vernis, eft la feule qui doive etre
donnée à froid.
4°.Lorfqu’on veut faire de beaux ouvrages, &
rendre les couleurs plus belles & plus folides, on
prépare les fujets qu’on veut peindre par des encollages
& des blancs d’apprêts, qui fervent de fond
pour recevoir la couleur; c’eft afin de rendre la
furface fur laquelle on veut peindre bien égale &
bien unie.
5°. Cette imprefïion'doit Ce faire en blanc, telle
couleur qu’on veuille y appliquer, parce que les
fonds blancs font plus avantageux pour faire ref-
i fortir les couleurs , qui empruntent toujours un peu
du fond.
6°, Si on rencontre des noeuds au bois, ce qui
5 arrive fur-tout dans les boifèries de lapin, il faut
| frotter ce noeud avec une tête d’ail, la colle prendra
[ mieux#
Autres obfervations fur les dofes,
Pour que les détails fe faflènt mieux fentîr, nous
[ prendrons pour point fixe de toute fuperficie à peîn-
I dre, une ou plufîeurs toiles quarrées, c’eft-à-dire ,
I fix pieds de haut fur fix pieds de large, qu’on peut
I répartir comme on juge à propos. L ’on fixera en-
I fuite la quantité de matières & de liquides nécef-
[ fàires pour couvrir cette fuperficie.
Il ne faut pourtant pas croire que celles indiquées
[ feront toujours précités & fuffifàntes; on ne peut
l préfènter que des à-pèu-près; car il y a des fubf-
tances qui boivent plus ou moins de liquide ; les
[ mêmes terres, félon leurs degrés de féchereflè, s’en
abreuvent plus ou moins.
Il y a des parties, comme plâtres , lapins, qui
i en pompent davantage.
Le lapin eft même fi poreux, que les couleurs
filtrent fôuvent au travers, comme fi on les paflbit
par un tamis.
La manière d’employer les couleurs y fait aufli
beaucoup; l’habitude fait mieux les ménager qu’une
première tentative : enfin il faut toujours s’attendre
i que les premières couches confommeront plus de
matières que les fécondes & fubféquentes , qu’un
[ fujet préparé en exigera moins qu'un autre qui ne
S l ’eft pas.
La raifôn en eft fenfible; il faut d’abord abreuver
t les pinceaux, les broflès, les bois, les toiles, les
plâtres qui doivent recevoir les couleurs ; le premières
couches qui font deftinées à cela, font &
j, doivent être en plus grande quantité que les autres.
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Qu’on emploie les couleurs fur du bois , de la
toile, du plâtre, les dofes doivent être toujours les
mêmes pour la toife quarrée, il n’y a jamais que
la première couche qui foit dans le cas d’eprouver
une différence fénfîble, parce qu’elle fèrt a abreuver
les fujets.
Mais la fécondé & la troifîème ne doivent pas
fiibir ces variations, \ puifque par la première cou-r
che tous les fujets deviennent égaux entr’eux, en
forte qu’une muraille qui a reçu une première couche
bien donnée, n’exigera pas plus de couleurs a
la féconde & à la troifîème , qu’un lambris qui aura
pareillement reçu une pareille couche.
Quand on parle de la toife quarrée, il faut l ’en-
tehdre d’une fuperficie unie & egale ; car fi les bois
font enrichis de moulures, fculptures, l ’évaluation
ne peut plus être la même pour remploi.
En général, il faut à-peu-près une livre de couleur
pour peindre en détrempe une toile quarrée,
fur-tout lorfqu’on lui a donné un encollage.
Pour compofér cette livre, prenez trois quarterons
de couleurs broyées à l’eau, & quatre à fix
onces de colle pour la détremper.
Détrempe commune,
La détrempe commune eft celle qu’on emploie
pour des ouvrages qui ne demandent pas un grand
foin, & n’exige pas de préparation, comme plafonds
, planchers, efcaliers ; elle fé fait ordinairement
en infufant des terres à l ’eau, & en les détrempant
avec de la colle.
Grojfe détrempe en blanc,
i° . Ecraféz du blanc d’Efpagne dans l’eau, laif-
fèz-le s’y infufér une couple d’heures.
i ° . Faites pareillement infufér du noir de charbon
dans l’eau.
j®. Mélangez le noir avec le blanc, ne les mêlez
qu’à mefure, fuivant la teinte que vous defirez.
4°. La teinte faite, détrempez-la dans de la
colle -d’une bonne force, fuffifamment épaifle &
chaufte.
f °, Couchez fur le fujet : on peut en donner plu-
fieurs couches.
Dofe pour une toife quarrée.
Blanc de Bougival, deux pains, c’eft à-peu-près
deux livres, une chopine d’eau pour l’infùfer; plus
ou moins de charbon aufli infufé à part , autant
que l’on veut pour foncer le blanc, & près d’une
pinte de colle pour détremper le tout.