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& garantît le vernis qui ne doit être froiffé ni
ecrafé , au moyen de quoi vous procédez en toute
f reté , commençant par couvrir avec le pinceau
le vernis de Venife , mêlé de noir, la bordure ,
les blancs & les demi - teintes , - qui doivent
être préfervés de l’aftion de l ’eau - forte faite
au vinaigre, qu’on y met enfuite pour fortifier
celles qui leur fuccèdent, avec la même attention
, pour les formes & contours, que le fujet
exige , fur-tout pour le feuiller des arbres & autres
parties qui demandent du détail, laiiïant à
déceuvert celles qui doivent dominer, pour, après
l ’effet de l ’eau-forte, recouvrir jufqu’à la plus forte
& dernière teinte.
Sur la fin , il faut encore plus d’attention pour
bien détacher les fujets qui demandent du détail,
en obfervant les plans.
Ceux qui approchent, ne doivent être couverts
par gradation que les derniers ; la tranfparence de
votre vernis vous en facilite les moyens , fur-tout
fi vous travaillez fous un chaffis de papier huilé.
Etudiez bien l’effet de l’eau-forte , comme je
l ’ai dit ; je ne peux donner de règle : la variété
des faifons , l ’heure du jour , le degré de l ’eau-
forte & de la teinte font des caufes fuffifantes pour
en prouver l ’impoffibilité ; l ’ufage feul furmontera
cette difficulté.
En attendant, pour être plus fur , on fait mordre
enfemble le même diffolvant fur des morceaux
de pareil cuivre , également vernis & tamifés avec
le fel : on les découvre dans quelque partie pour
voir le degré de la teinte.
Quand elle eft bien, on eft certain que la planche
eft au même ton, 8c on retire le diffolvant
pour, après l ’avoir lavé, continuer fucceffivement
a couvrir & à faire mordre.
Il y a des teintes auxquelles il faut moins de
cinq minutes, d’autres trente, d’autres une heure,
quelquefois davantage, fuivant le ton.
Ainfi , celles où il faut plus de temps, font toujours
couvertes les dernières, comme les plus foncées
; les autres , plus foibles, ne le font que quand
on termine celle-ci, à la réferve de celle qui domine
qu’on laiffe à découvert pour lui donner les
dernières touches avec la difTolution d’argent, dont
il fera parlé, ou bien avec la pointe ; mais l’effet
de celle-ci eft plus dur.
Votre ouvrage fini, enlevez lé vernis, foit avec
l ’huile d’olive ou eftènce de térébenthine, même
avec le favon gras, à caufe de la différence des
compofitions ; mais tachez de ne rien rayer : la
planche bien nette , faites-en tirer des épreuves.
Obfcrvcitions néceffaires fur le-précédent travail.
L ’eau-forte feule ne pouvant faire que deux ou
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trois teintes très-foibles, il a fallu, pour donnet
plus de force aux feintes fuivantes, recourir à un
autre moyen.
De tous ceux que j’ai effayés, je n’ai trouve
rien de mieux que de féparer la continuité & liai-
fon du vernis, par le fel marin que j’ai préféré ,
parce qu’il fe diffout plus v ite , plus aifément, &
avec moins d’eau qu’aucun autre, & qu’il donne,
en lé pulvérifant, un grain qui approche plus de
la forme ronde.
Les cryftaux de fel marin font cubiques ; mais
après avoir été décrépite, fes petits angles s’émouf-
fent en roulant dans le tamis : le fucre ferait _ un
plus beau grain-s’il n’étoit contraire au vernis ,
ainfi que je l’ai éprouvé : fi l’on fe fervok d’un beau
fel gemme , on éviteroit la peine de faire k difïb—
lution , la nitration & l ’évaporation, néceffaires au
fel marin.
Pour tenir lieu du fel marin, on peut fe fervir
d’os de mouton calciné ou d’os de sèche, l’un ou
l ’autre pulvérifé ; je n’en confeille cependant pas
l’ufage.
La poudre des os de mouton , plus pelante que
celle de la sèche , n’a pas affez de poids pour pénétrer
jufqu’au nud du cuivre ; d’ailleurs c’eft une
terre alkaline qui fe diflout promptement par les-
acides , laquelle , en diminuant la force ^du diffolvant,
laiffe toujours une craffe houeufe dans les
petites-loges qu’elle s’eft formées, au lieu què notre
fel marin bien purifié , laiffe nettes les petites
cellules qu’il s’étoit faites, dont le diffolvant s’empare
en ménageant les parties qui l ’entourent, défendues
parle vernis: ainfi il formeroit autant de
petits trous fur toute la furface de la planche , fq
avant de s’en fervir, on n’àvoit pas couvert avec
le vernis noir, tous les endroits qui doivent être
réfervés.
Le diftolvant , autrement dit l ’eau forte, doit être
foible-; trop acide, il pourroit à la longue manger
le vernis qui environne tous les petits trous que le
fel a formés, il vaut mieux le laiffer féjourner
plus long-temps, le grain en fera plus égal, & le
vernis défendant les parties qui l’entourent, donnera
la facilité à l’eau-forte d’y pénétrer autant que
vous jugerez à propos; au moyen de quoi vous
pourrez parvenir au noir le plus' foncé , fi vous en
avez befo-in.
La planche faite ainfi réfiftera beaucoup plus
fous la preffe, & vous en tirerez un plus grand
nombre d’épreuves : quand vous couvrirez par
continuation d'une teinte ~à l’autre , il eft quelquefois
à propos de repaffer.fur le vernis précédemment
mis-, fur-tout fi vous découvrez quelques
bouillons ou .intervalles/
Ce
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çCe travail femme exiger plus de tetfts que je
n’ai annoncé ; mais quand on a fes matériaux tous
prêts, & qu’on, entreprend deux morceaux à la ,
fois, pour couvrir l’un pendant qu’on fait mordre 1
l ’autre, il ne faut que du foin. / i
Si l’on n’eft uniquement occupé que de fbn ouvrage,
on eft agréablement furpris de la promptitude
avec laquelle on opère j le refte dépend du goût
& du talent de l ’artifte.
Vernis de Venife,
Il eft corapofé d’effence de térébenthine & de
térébenthine de Venife ; mais on en achète de tout
-$ut qui fe- vend, fous ce 'nom, chez les marchands
de couleurs.
1 II-faut en avoir dans une petite bouteille fermée
d’un bouchon , au travers duquel ori fait paffer
la plume ou tuyau du pinceau dont en fait ufage,
de façon que le poil foit en dedans fufpendu au-
deffus de la liqueur, ce qui le conferve toujours
frais & en état.
Pour s’eft fervir, on le fort de la bouteille, &
©n y met f hante; il fuffit d’y mêler le noir de
fumée avec le bout du pinceau , fans le broyer,
car il fèche vite.
Ce mélange de noirq non-feulement diftîngtie
ce vernis a avec celui qui eft deffous, mais aufti
par fa qualité tèrreufe & fpongieufe, il âbforbe &
retient fa trop grande fluidité , qui, fans ;cét intermède
, s’étendroit au-delà de l ’endroit où vous
le mettriez; comme il fèche vite, on profité du
moment favorable pour en faire ufage , car il jie
faut pas l’employer trop clair, mais plutôt épais,
par ee moyen il fe fixe jufte où il"eft pofé', fans
s’étendre.
Les "parties couvertes ainfi , font mieux défendues
de Tââfioft de l’eau-forte, ce que l’expérience
.vous apprendra.
Troçédfpour varier, .arrondir les teintes, ou les
lloyer imperceptiblement les unes dans les autres.
L ’ouvrage fait par la manière indiquée ci-deffus.,
lie convient. que dans le cas où l ’on a intention
d’imiter un: deffin d’un bon maître, foit au lavis
ou croqué avec Feftompe'& le crayon ; mais fi vous
voulez faire un ouvrage fini ^ comme là copie d’un
tableau, en fortifiant & graduant .vos teintes jufqu’à
ce qu’elles faflent parfaitement ce qu’on appelle
l’effet ; eii voici le procédé.
Vous pourrez y parvenir au point d’imiter les’
plus beaux morceaux de gravüçe , fi vous étudiez
bien ; & exécutez avec intelligence les nîoyéns
que je vais v'oiis ; donner-; mais jë vous: p'béy <è hsqü'e
<>eft un ’genre ,dé|travuil'^^iï,s lequel'Vo'us né Vous.’
petféâionnerez que par Fftlagê, '^ ‘^ùr'Vbu'^cà)«-’
Arts & Métiers. Tom, Vf*
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fera un peu plus de temps que pour la précédente-
manière, mais beaucoup moins que pour la gravure
ordinaire à la pointe.
. Pour cet effet, après votre trait fait légèrement,
comme j’ai dit, vos blancs couverts du vernis de
Venife mêlé de noir, faites mordre à nud les
teintes les plus foibles, en vous fervant d’efprit
de nitre affoibli, comme dans la première opération.
S i , cette opération faite, il s’y rencontre quelques
vapeurs imperceptibles , fervez-vous, pour les
- imiter, du fluide de la compofition , dont je vais
| parler fous le nom de mordant, parce que ce fluide
fait un effet moins fenfîble que, fa partie épaiffe.
Ce fluide eft un fuperflu qui ne provient que de
l’humidité de l ’a ir, que cette compofition attire.
On fe met par-deftus avec un pinceau , obfervant
de, ne le pofer que dans lé^plus Fort de la
teinte , pour laiffer étendre infenfiblement la liqueur.
Par ce moyen 011 imite parfaitement les objets
qjii doivent étc.e infenfiblement noyés les uns dans
les autres, comme la fumée, les nuages , &c.
Cette, mixtion que j’ai nommée mordant, à caufe
de fbn effet, ( voyez-en ci-après la compofition ) ,
: broyée avec du firop de vieux miel, s’emploie dans
là partie épaiffe comme couleur, coule facilement
fous le pinceau, & Corrode plus profondément, l’ouvrage
déjà commencé , par Peau-forte , fuivant fou
degre d’épaiffeur.. t
O« juge de foh effet par la teinte qu’elle prend ,
qui augmente à proportion.
Votre première teinte faite au degré convenable,
, on couvrecomme dit eft, avec le vernis de Venife
, mêlé de noir ; on repaffe du même vernis fur
les blancs qui âvoient été couverts, pour peu qu’on
ait lieu de. craindre l ’effet de l ’eau-fbrte qu’on doit,
;• y remettre*
Pour travailler la fécondé teinté, à laquelle on
procède avec le même foin & la même attention ,
obfervant toujours, foit que l’on couvre de vernis,
foit qu’on emploie le mordant, de ménager avec
goût les contours & les formes du deffin ; on peut
l’employer cette fécondé fois plus épais , mais avec
netteté.
S i .l’on ne fait ainfi que deux'teintes, (je dis
deux , parce qu’il eft difficile é!en ménager trois ,
& impoffible de paffer à. la quatrième ) : l’eau-
forte à nud continueroit de mordre , mais ne
iaiiïèro'it pas un grain plus fort, comme j’ai dit,
. o l a v ,e îa planche , on enlève le vernis & le
i mordant par lés moyens indiqués , ce dernier avec
jde l’eau pure ■ & la broffe ; enfuite on,la. débraillé
tp'oarf ét-eftdte le vernis clair dont j’ai parle dans