
P O E L I E
L E Poelier eft celui qui fabrique, achète , &
vend des poêles de toutes les façons.
L e poele eft un grand fourneau de terre ou de
métal qui a un conduit par ou s’échappe la fumée,
& qui fert à échauffer une chambre fans qu’on voie
le feu : on le met communément dans les antichambres
pour faire chauffer les domeftiques , &
afin que l’air froid ne pénétre pas dans les appartenions
du maître.
Les Romains en avoient de deux efpèces ; la première
confifloit en des fourneaux fouterrains , bâtis
en long dans le gros mur , & ayant à chaque étage
de petits tuyaux qui répondoient dans les chambres
, à-peu-près comme ceux de nos ferres chaudes
; la fécondé étoit des poêles portatifs , qu’ils
changeoient de place quand ils vouloient.
Il eft cependant à préfumer que les poêles, dont
dont l’ufage eft fi fréquent dans tous les climats
froids, doivent leur origine aux.habitans du Nord,
qui , s’étant apperçus que le courant d'air qui entretient
le feu dans une cheminée , refroidit le
Volume d’air qui eft contenu dans la chambre , à
moins què ce même air ne foit échauffé à la longue
par un grand feu continuel, qui occafîonne
une dépenfe confîdérable en bois, imaginèrent une
efpèce de fourneau où le feu eft concentré , 8c
dont la fumée fort par le moyen d’un tuyau qui ne
laîffè point entrer d’air extérieur dans l’appartement
où eft le poêle.
Ce meuble de commodité devint bientôt un'
fujet de luxe , & on eft parvenu à en faire des or-
nemens pour la décoration des endroits qu’ils échauffent.
Ces ornemens font étrangers à l ’art du poelier,
ils font du reffort du fculpteur, du marbrier , &
d’autres artiftes qui font appellés pour décorer les
poêles ; & qui font fouvent des modèles en plâtre
avant d’exécuter en marbre ou en bronze ces objets
de décoration.
Quelque utiles quefoieut les poêles pour entretenir
une chaleur toujours à-peu-près égale , quelque
économiques qu’on les prétende, relativement
à la grande confommation de bois qui fe fait dans
une cheminée où il y a un feu continuel, Sc à
ce qu’on eft le maître d’augmenter ou de diminuer
Taélion du feu qui eft dans le poêle, en modérant
à fon gré, & en ouvrant plus ou moins les iffues
par lefquelles l ’air attiré par le feu embrafe plus ou moins les matières combuftibles qui y font renfer-
R (
Arc du ).
mées ; il eft certain que les poêles de fonte, de
fe r , même de faïence, dont on fe fert ordinairement
, quoiqu’ils donnent beaucoup de chaleur, &
qu’ils , puiffent-être moins nuîfibles dans dffs appar-
temens humides, ou fouvent ouverts, que dans
des appartement foc?, occafîonnent cependant
beaucoup de maladies par le défféchement & la
grande raréfaétiôn qui détruit l’élafticité de l’air
qu’on refpire, affe&ent la poitrine , donnent de
violens maux -de tete , & même des langueurs
d’eftomac jufqu’à tomber en foiblefle, à ceux qui
ne. font pas accoutumés à cette chaleur.
En \6%6 , M. Dalefme imagina un nouveau
poêle, où par un. courant d’air bien ménagé , il
forçoit la fumée de defcendre dans le brafier * de
de s’y convertir en flamme.
Comme cette invention débarrafloit de l ’incommodité
de la fumée , & qu’on la croyoit plus propre
à échauffer un appartement y on s’emprefla de
la mettre en ufage ; mais on s’apperçut bientôt que
ces poêles devenoient pernicieux , & que, quoiqu’ils
ne chargeaffent point l’air d’une fumée grof-
fîère , ils le chargeoient d’exhalaifons plus fubtiles,
& en même-temps capables de nuire aux perfonnes
qui les refpiroient.
Ceux dont il eft ici queftion 8c auxquels on a
donné,le nom de poêles hydraulique*f, font exempts
de tous ces inconvéniens ; & à la place de cette
chaleur exceflive que beaucoup de perfonnes croient
mal-à-propos néceflaire, ils procurent une douce
température de douze à quinze degrés de chaleur ;
de manière, que, fans courir le danger des deux
extrêmes, ou. d’une trop grande chaleur ou d’une
qui ne foit pas afîez proportionnée à la rigueur de
la laifqn , on'y paffe fainement l’hiver à l’abri du
froid du dehors , c’eft-à-dire qu’en fortant du degré
de chaleur que nous communiquent ces poêles, on
peut refpirer 4’air extérieur fans craindre de s’expo
fer aux maladies que caufe la fupprefllon fubite
de la tranfpiration.
M. Vincent de Montpetit, connu par la fopério-
rîté de fes divers talens, 8c fur- tout par fon invention
ôe la peinture éludorique , ou peinture en miniature
à l’huile &à l’eau , étant obligé par état d’avoir
un poêle dans fon cabinet , & la délicateffode
fon tempéramment ne pouvant fupporter les inconvéniens,
qui réfultent des poêles ordinaires , s’eft
férieqfement appliqué à les prévenir pour ménager
& fan té.
Apics avoir fait pendant plufieurs années^ avec
différons poêles beaucoup d’expériences relatives a
fa fanté , & en même-temps, à l’économie , a enfin
trouvé une nouvelle manière de conflruire un poêle
qui, au moyen d’un bain-marie, combine enfemble
la chaleur feche & la chaleur humide , raffemble
dans un centré prefque toute la chaleur du fourneau
Si de fes tuyaux , & rend en même-temps ce pocle
économique & falutairè.
Quoique les favans puiffent fe rencontrer & avoir
quelquefois les mêmes idées, on diroit , a voir le
roéchanifme de fon nouveau poêle , que M. de
Montpetit a profité des expériences qui font rapportées
dans la douzième leçon de la phyfîque expérimentale
de l’Abbé Nollet, & qu il a confirme
l ’affertion de cet auteur qui prétend que l’eau que
l ’on fait chauffer , & qui n’a pas la liberté de fe
dilater & de s’étendre , reçoit un degré de chaleur
bien plus grand que lorfqu’on Ta fait chauffer
dans des vaiffeaux ouverts fous le poids de l’at-
mofphère. '
Flatté de l ’heureux fuccès de fes travaux , au
mois de juillet 1770, dans un mémoire qui fut lu ^
à une aflemblée de l’Académie des fciences, 1 au- -
teur préfenta fes nouvelles obfervations, & .for le
modèle du poêle de fa nouyelle invention qu il avoit
communiquée à cette académie , il fit executer un
poêle en grand.
D’après les expériences de fanté & d’économie *
qui forent faîtes dans le courant de 177* > enpre-
fence de plufieurs Médecins ,■ & principalement de
MM. Camus & • Pajon de Moncels , commiffaires .
nommés par la faculté de médecine de Paris, il
fut dît , dans le rapport que -ces derniers firent
à la fufdite faculté , què, pour s’acquitter de la
commiflion dont elle les avoit Honorés , ils s e-
toient tranfportés chez le fleur Vincent de Montpetit,
afin d’examiner un poêle hydraulique de fon
invention ; que ce poêle; étoit conftruit de deux
parties, dont l'inférieure & la plus petite contenoit
un fourneau^ ; que dans la partie fopérieure du
fourneau étoit une cheminée droite pour donner
une iffue libre à la fumée, au moyen d’une foù-
pape; que ce conduit étant bouché, la partie enflammée
qui fortoit du fourneau étoit forcée de parcourir
un1 efpace de quinze à feize pieds dans une
galerie à fpirale ; que cette galerie étoit enveloppée
d’une double cuvette de fer-blanc bien foudée,
dont la bàfe contenoit dans l’entre-deux , & fur-tout
à la furface du poêle , iiri volume d’eàu , au travers
duquel la chaleur qui étoit contenue dans la
galerie, paffoit dans l’appartement ; què cette cuvette
, qu’on pourroit former de toute autre matière
, étoit couverte de'façon qu’en s’élevant, la
vapeur de Peau s’attachoit fous Ton chapiteau &
retomboït dans là ciivètte qu’on peut faire évaporer
cette même eau à diferétion dans’ l’appartement,
râble , qu’au-delfos de cçtte cuvette étoit un ma-
tras renverfé qui fournifloit de l’eau à la cuvette a
me fore qu’elle diminuott, Sc dont levuide^avertif-
foit, quand la cuvette manquoit d’eau ; qu’à la fur-
face de l’eaü étoit une efpèce de thermomètre Ample
aa moyen .d’une .ouverture plus qu moins confîdé- {
qui indiquoit le degré de chaleur néceflaire
pour en procurer upe.tempérée ; qu’enfin ce poele
étoit fufceptible d’enjolivemens, & pouvoit devenir
un objet d’ornement dans ies appartemens.
Après la defeription focciiïâe de ce pocle , les
fufdits ^commiffaires ayant cru devoir entrer dans le
détail des avantages dont ils lé croyoieiit fufceptible
, fournirent au jugement de la faculté , ce qu ils
penfoient fur fon utilité, & dirent que, quoique la
partie économique ne fût pas de leur reflort , ils
avoient cependant obfervé que ce poêle pouvoit,
remplir fenfiblement cet objet, parce que la partie
enflammée qui s’échappe aifement dans les autres
'poêles par les tuyaux ordinaires, eft prefque toute
réunie dans un noyau fixé dans le centre, de manière
que la chaleur n’eft pas bien confîdérable à
îix pouces de diftance du poêle , quoiqu’avec très-
peu de bois on la porte au degre de 1 eau bouillante;
qu’on peut même y faire différons mets au bain-,
marie , fans qu’on s’en apperçoive par une odeur
défagréable ; que , par rapport aux avantages qui
intéreffent la fanté , ils penfoient que^ la chaleur
âcre & feche qui fort des poêles ordinaires, affeâe
fenfiblement le tiiïu délicat des organes de la refo
piration , occafîonne une crifpation dans toute la
furface’ des pores de la tranfpiration , produit de«
toux incommodes ; que différons médicamens peuvent
y être fournis à l’ébullition & à l’évaporation ;
& qu’ils ne connoiffoient point de moyen plus naturel
pour adminiftrér les fumigations humides des
bâ:ns de vapeurs , foit pour corriger les miafmes
chariées dans l’air, & la féchereffe , foit pour porter
au poumon des médicamens vulnéraires & baj-
famiques', que tous ces avantages réunis leur fai-
foient eftimer qu'en préfentant des vues économiques
, ce poêle peut être regardé comme très-utile
à la faute , à plus d’un titre, foit en évitant l'inconvénient
des poêles ordinaires pour les perfonnes
qui fe portent bien , foit en fourniffant le^ moyen
id'admiiiiftrer plufieurs médicamens dans bien des
'maladies.
E11 conféquence de ce rapport , fait le 4 février
1771 , & en vue des avantages qui refoltent de la
xonftru&ion de ce nouveau poêle hydraulique, tant
'pour la partie économique , que pour une évaporation
continuelle de matières falubres, & la cor-
Teétion d’un air trop fec , le fîeur le Theullicr,
'doyen de ,1a faculté , déclara qu’elle avoit,cru de- :
voir applaudir au zèle patriotique de l'inventeur,
Sc adopter en tout l’approbation de fes çommiffai-
res , & donna un décret en conféquence, le même
jour du rapport.
Ces poêles qui , par leur confiri’âion , donnent
| un degré de température telle qu’on en jouit dans