
il faut y faire des folfés pour donner l'écoulement
aux eaux, & les entretenir toujours bien curés, ufer
d’une grande fobriété dans leur arrofement, & ne
jamais les arrofer avant la première récolte.
L ’air frais du printems, les neiges qui font tombées
pendant l’hiver , les pluies fréquentes dans
l ’une & l’autre faifon , les rofées abondantes fuffifent
pour produire la première herbe , comme il eft aifé
de le voir dans les prés fecs, où, à peine fur dix
années une , il arrive de perdre la première récolte
par la Sécher elfe.
Si on celfe d’arrofer les prés qui ont coutume de
l’être, il peut arriver qu’on récolte une moindre
quantité de foin à la première coupe ; mais en les
arro.fant enfuite, on aura une fécondé récolte aufli
abondante que la première, & une troifîème aufli
abondante que la fécondé. Or , le produit de cette
troifième récolte indemnifera largement de la perte
de la première, dont le foin fera égal en bonté à
celui des provinces dont on vient de parler.
Après la première coupe , il faut lailfer réchauffer
le pré par le foleil avant de l’arrofer j différer
l ’arrofement en cas de pluie ; avoir attention que
l ’eau n’y féjourne pas trop, & ne lui en donner que
ce qu’il en peut abforber, afin qu’elle n’entraîne
pas avec elle les engrais, le fumier & les parties
nitreufes fi néçefîaires à la-végétation.
Ce n’eft point pour profiter de la commodité de
l ’eau qu’il faut baigner les prés : que ce ne foit jamais
fans une néceflité abfolue. Palfé le mois de Sep-
tembre, à moins d’une grande Sécherelfe précédente,
il faut ceffer les arrofemens.
Si on fe donne la peine d’examiner avec attention
quelle eft- l’efpèce d’herbe qui croît dans les prés
qu’on a coutume de baigner ; on trouvera , pour la
plus grande partie, du jonc, de la bardanne, du
le fc a , de la renpncule j tous produits de l’humidité,
tels qu’il en vient dans les marais & lieux bourbeux.
On peut obferver aufli que le foin, une fois à fa
maturité, même dans les meilleurs prés du pays,
fans en excepter la Provence & le voifînage de
Turin, on n’apperçoit d’autres fleurs que celle de
renoncule. Perfonne n’ignore que cette plante a des
qualités âcres & vénéneufes, décrites par tous les
botaniftes, & particulièrement par M. de Bomare.
D’après des expériences sûres, & qui conviennent
prefqu’autant aux terres fortes qu’aux terres légères,
on a trouvé que le meilleur moyen de détruire les
plantes nuiftbles, & d’en faire poufîèr d’une qualité
fuperieure, étoit de nettoyer les prés, de les tenir
fecs, autant qu’on le peut, dans l’hiver, le prin-
tems & l’automne, de ne les arrofer que pendant les
grandes chaleurs de l’été , & encore avec beaucoup
de parcimonie.
Peu de fumier fuffira, fi on ne lui enlève point
fes fels par des arrofemens faits mal-à-propos. Si on
avoir coutume de les engraifler tous les ans félon le
bon ufage, on pourra le faire plus économiquement
par la fuite. On peut y fubftituer de la terre qui aura
été amoncelée pendant fix ou huit mois, & en retirer
la plus grande utilité , en mettant la terre foi te
dans les prés dont le fol eft léger, & la terre légère
dans les prés dont la terre eft forte.
Plufîeurs perfonnes ont été trompées par de faux
rapports fur les màrcices. Les milanois appellent de
ce nom certaines prairies qu’ils ont coutume de bien
fumer pendant l’automne , & de tenir couvertes
d’e^u pendant l ’hiver. Ils en font écouler l ’eau au
commencement de mars, tems auquel ces près font
déjà couverts d’herbe, qui croît en peu de jours,
& qu’on fauche dans le même mois, ou au commencement
d’avril. Iis donnent cette herbe à leurs
vaches aufli-tôt qu’elle eft fauchée , & les mettant
ainfî au vërd avant qu’il fe trouve de l’herbe dans
les pâturages ordinaires , ils leur procurent une
grande augmentation de lait.
Cette herbe n’eft qu’une efpèce de lefca plus tendre,
appellée blache par les favoyards. Mais le foin
qu’on en retire, n’eft propre qu’à déranger le corps
des boeufs & des chevaux. Ceux de ces animaux
qu’on entretient avec.cette nourriture, paroifîent,
en moins d’une heure , vuides , flafques & pour
ainfî dire moins nourris que s’ils n’avoient rien
mangé.
Un ancien officier de cavalerie attribue le dépé-
riffement des chevaux qui étoient en quartier dans
le Biellefe, à la crudité de fes eaux. Je Crois qu’il
s’eft trompé fur la caufe. Depuis que quelques particuliers
qui éprouvoient les mêmes inconvénient
dans leurs propres chevaux , ont change l’ufage du
pays de baigner les prés dans toutes lés faifon s j depuis
qu’ils ont adopté la méthode de fumer les prés
tous les ans, ce qu’ils ne faifoient point auparavant,
& de ne les arrofer que dans le milieu de l ’été, &
jamais fans néceflité , les chevaux qu’on nourrit
dans le Biellefe y réufliffent aufli bien que ceux qui
font élevés dans les autres provinces.
Pour bien connôître la vérité de ces propofîtions,
& pour en retirer tout 4’avantage poflible, il faut
que le propriétaire fuive inexpérience de fes propres
yeux, loin de's’èn fier aux payfans qui font tenaces
dans leur avis, & qui fe départant difficilement de
leurs préjugés.
Ce n’eft qu’après une fuite de plufîeurs années de
récoltes abondantes, & par la comparaifon de la
qualité & de la quantité de leurs foins avec celui
des prés voifîns arrpfés félon l’ufage ancien, qu’ils
conviennent de l’avantage des nouvelles méthodes
auxquelles on les a contraints, & qu’ils font bien-
aifes de les avoir -adoptées.
Quiconque pratiquera avec foin cette manière de
gouverner fes prés , trouvera encore que la chair
des
des ‘beftiaûx qui y feront élevés , fera d’une meilleure
qualité. ' '
'C’eft une obfervation confiante parmi les bouchers
, que la chair eft fleurie ( comme ils s expriment
) & la graille blanche, quand les boeufs font
engraiffés dans ■ les prés fecs ou arrofes a propos ;
tandis que la chair eft d’un rouge noirâtre & la
graiffe jaune, quand lés boeufs font nourris dans des
pâturages où il croît des herbes âcres & mareca-
geufes.
L ’air environnant deviendra fec & falubre, & on
n’y verra point, comme dans les près arrofes lelon
l’ufage ordinaire, s’élever, au lever & au coucher
du foleil, de ces vapeurs qui reflemblent à des brouillards.
On ne s’y fentira point pénétré jufqu’aux entrailles
par un air humide , qui, outre qu il mouille
les vêtemens, fait ordinairement éprouver un froid
éonfîdérable à toute la perfonne.-
Si on ne fait les arrofemens qu’après la moiiïon ,
ou peu de jours auparavant, l’atmofphère étant alors
plus pure, les bleds qu’on récoltera dans les champs
voifîns feront plus pefans, St donneront plus de
farine. On fera une épargne d’eau qui pourra etre
employée à un autre ufage.
On n’aura plus à craindre, ces dangereufes infiltrations
qui portant au loin 1 eau furabondante, oc-
cafionnent des dégâts dans les campagnes , entrent
dans les maiforis, croupiffent dans les caves , & fe
communiquant aux puits d'eau v ive , en corrompent
la falubrité.
Pour parer à ces inconvéniens, plufîeurs communautés
ont fait à grands frais des folfés de circonvallation
à quelque diftance dé leurs habitations,
dont ils n’ont pas retiré tout le bon effet qu’ils en
attendoient, comme on peut le voir à Santia, a
Saint-Germain, à Tronçano & à' Biançe.
L e foin étant une denrée de première néceflité
par-tout & dans tout les pays , fi par un bon régime
oh réuflit à en faire pouffer dans chaque pré une plus
grande quantité & d’une meilleure qualité , il en
réfuitera un avantage 'général qui contribuera fans
doute à la félicité publique.
Ce que je viens de preferire, ne convient point
aux prés fabioneux. Ils exigent plus d’eau ; il faut
les arrofer plus tard, en feptembre, & quelquefois
même en oétobre.
On pourra regarder comme une règle générale
qui convient à tous les'cantons, que , là où il croît
de la renoncule & du lefca , il faut nécelfairèment
diminuer les arrofemens ; & on appellera, à jufte
ti re, bien gouvernés, les prés dont les fleurs les
plus élevées au tems de la première récolte, reffem-
blent à des épis de millet, ou qui ont la forme de
panachés de diverfes couleurs, dont les femmes
ornent leur tête , & que les payfans appellent vulgairement
fénérole.
Arts & Métiers. T&rn. KL
Quiconque n’adoptera pas ces préceptes, retirera
de fes prés moins de foin & d’une moindre qualité.
En outre, dans les années fuivantes, il aura beaucoup
de peine à les nettoyer des mauvaifes herbes
que les arrofemens hors de faifon y auront fait pul-
luller, & à y faire croître les bonnes que l’eau aura
étouffées. La perte fera en raifon de la ténacité du
terrein , c’eft-à-dire, plus grande dans les terres ar-
gilleufes & fortes, & graduellement moindre en ration
de la plus grande légéreté du fol.
Le foin qu’on récolte dans les prés bien cultivés,
eft, d’après les calculs, du double plus pelant qu un
pareil volume de foin qui contient des herbes marçca-
geufes & aquatiques. Il s’en trouve meme dans les
prés dont les arrofemens ont été furabondans, dont
le poids n’eft que le huitième : ce poids diminuant
en raifon de la plus grande quantité d’herbes
marécageufes. (Mémoire, traduit de l’italien , tire
du Journal de Phyfîque de novembre 17845 Pac
M M . l’abbé Rozier & Mongex.
Moyens de'faire un bon pré d’un terrein auparavant
inutile & impraticable ' ; par. M. L'Abbé
Tessier.
L’exemple en agriculture, eft l ’agent le plus adif
dont 011 puilfe faire ufage. Les confeils & les leçons,
à moins que des faits avérés & bien connus ne
lés foutiennent, ne font prefque jamais écoutés;
&:fî on réfléchit bien, on verra qu’ils ne doivent pas
l ’être, parce que les hommes les plus empreffés^ d’inf-
truife les autres, ne font pas toujours ceux qui craignent
le plus de les induire en erreur. Puifque- c’eft
par des expériences feulement qu’il faut efîayer
d’être utile à la claffe des cultivateurs, j’en rapporterai
une qui m’a paru importante pour eux, & digne
d’être communiquée au public. '
En 1780, époque où des circonftances m’avoient
fait aller dans un pays fîtué à 40 lieues de Paris ,
le fermier général d’une térre me fit part du projet
qu’il avoit de convertir en pré un terrein fur lequel
il me conduifit. Son étendue étoit d’environ cent ar-
pens. On y . voyoit une grande quantité à e g a le ou
piment royal, qui fe plaît dans les terreins frais &
fablonneux : de grolfes mottes entre lesquelles l ’eau
féjournoit; des inégalités plus ou moins confîdéra-
bles, des places allez, fpacieufes, où le fol étoit mou
jufqu’à une grande profondeur, le rendoient impraticable
pour les hommes & pour les beftiaûx. On
m’aiïùra même que quelques bêtes à cornes , qu’on,
avoit eu l’imprudence d’y lailfer entrer, n’avoient
pu en fortir, & qu’elles y étoient mortes. Enfin, ce
terrein étoit non-feulement dangereux, mais encore
fans rapport.
Pour le mettre en état de produire de l’herbe de-
bonne qualité , & en abondance, il y avoit deux
opérations à faire ; la première, de le rendre uni,
d’en arracher lès brouïTaUles & les autres plantes
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