
< 7 ® P R Ä
Celui que je Vous ai indiqué, dans ma dernière
lettre , pour les prés de bonne qualité , mérite
la préférence fur ceux dont je vais vous
donner le détail, parce qu’on peut le pratiquer
par-tout fans rien acheter.
Vousfavez que c’eft avec la pierre calcaire qu’on
fait la chaux, en la calcinant, vous pouvez l’employer
très-avantageufement ; mettez, de diftance
en diftance, dans les rigoles qui conduifen* l'eau
fur les prés , des pierres de chaux ; l’eau , en paf-
fent par-deffùs les amortit, & abforbe les fels qu’elles
contiennent, pour les dépofer enfuite fur tous les
endroits par où elle coule. Cet engrais mérite votre
attention par fa fîmplicité, par fes bons effets, qui
font tels qne l’on.eft bien dédommagé des frais qu’il
peut occalionner ; il faut en m e t t r e à plufieurs re-
prifes, en février, dans les rigoles des prés printaniers
; en mars pour les tardifs, & recommencer au
mois de mai.
Le gypfe calciné produit le plâtre ; on a reconnu (
1 cet engrais une propriété bien furprenante ; il détruit
les plantes aquatiques, le jonc, le glayeul, j
le rofeau, &c. &c., & fait pouffer le triolet, fans
être obligé d’en ferner. Voici la manière de s’en
fervir, & à-peu-près la quantité qu’il en faut: au
mois de mars on choifît une foirée où il y ait du
brouillard, ou qui annonce beaucoup de rofée pour
la nuit ; on en répand quinze à dix-huit quintaux
fur chaque arpent ( bien entendu qu’il doit être
battu) ; fi après avoir pafTé deux nuits, au plus, on
le voyoit encore fur la pointe dés herbes, il feu-
droit promener deffus une perche en travers * un
peu pefante, & y attacher quelques buiffons, pour
le forcer à tomber à terre.
La première année on voit peu de changement >
mais à la fécondé, ou au plutard à la troifîeme, toutes
les mauvaifes herbes ont difparu, & le triolet
très vigoureux, très touffu , fe montre à leur place.
Si par hafard il reftoit quelques mauvaifes plantes^
il feudroit jetter encore du plâtre, il augmente puif-
famment la végétation des bonnes herbes ; & pendant
cinq ou fix ans il procure* d’abondantes- récoltes.
On peut renouveller céf engrais, il ne nuitnul-
lement à la terre ; il y a dix huit ans que j’e.u fais
ufage fur mes prés, & je puis dire qu’il y en a peu qui
foîent en fi bon état, & d’un auffi grand produit.
Je penfe que fi on faifoit ufage des pierres calcaires
& du gypfe, tels qu’il fortent de la mine,
ils feroient plus d'effet, mais il feudroit des moulins
pour moudre l’un & l ’autre ; d’ailleurs le poids
de la pierre calcaire excède de beaucoup celui qu’elle
a, lorfqu’’elle eft réduite en chaux, le tranf-
port en feroit plus embarraffant & beaucoup plus
coûteux.
Voilà deux engrais dont on fait trop peu d’ufàge,
en raifon de leur bonté 8c de leur utilité ; la craie
p R A1
peut y fuppléer dans les endroits où l ’on n’a pas la
facilité de fe procurer l’un & l ’autre, en la mêlant
avec les cendres du bois, même celles qui ont
fervi aux leflives, pour les terres légères & chaudes
; en y joignant de l’argile pour les terres fortes,
du gravier pour les glaifeufès, on a un fort bon engrais,
non-feulement aux prés, mais même aux
terres, ainfî qu’aux vignes : c’eft un des moins coûteux,
des meilleurs dont on puifle fe fervir; c’efl
au printems qu’il faut l ’appliquer aux prairies : on
le porte fur les terres aufli-tôt après avoir femé; 8c
dans les vignes, avant qu’elles fe mettent en fleur.
La fuie éft très-bonne dans les près frais, elle
détruit les infedes, qui ordinairement y abon4ent;
la cendre de tourbe, le tan, après avoir fervi { i )
la potafle ( z ) les balayures des appartemens , des
greniers; lesplatras écrafés des édifices démolis,
les décombres du pîfet (3) les torchis ( 4 ), &c., tous
font avantageux lorfqu’on peut s’en procurer abondamment
& à peu de frais.
A l ’égard des prés qui ne font humedés que par
les pluies, il eft à propos d’y faire parquer les moutons
, & aufli-tôt qu’ils en font fortis, bien herfer
le terrein avec la herfe à dents de fer; fi l’on n’a
point de moutons, ou qu’on ne foit point dans l’u-
fage de les faire parquer ( ce que j’ai vu à regret
dans differentes provinces ) , il faut y conduire quatre
ou cinq^voitures de patullo.
Voici la manière dont je m’y prends pour le faire
dans la baffe-cour contre les écuries : je pratique un
trou proportionné au befoin que j’ai de fumier, & à
la quantité de mes beftiaujè; je m’arrange de manière
à conferver les; eaux, en glaifànt, s’il eft
nécefiaire, le fond du trou dans lequel fe rendent
les égouts de la pluie & des écuries ; je commence
par mettre une couche de fumier d’environ un pied
d’épaiffeur, je fais jetter deffus quelques pierres de
chaux ,v que je recouvre d’une couche de terre pareille
à celle du fumier.
Je? continue ces couchés alternées de chaux & de
terre, j’y enfouis pêle-mêle les récurures des foffés,
lès raclures des jardins, des allées, lès mauvaifes
herbes qu’on arrache autour des plantes, lès rognures
de celles qu’on mange, les rebuts des râteliers
( 5 ) les baiflîèrés des tonneaux , le marc du
f 1 ) Le tan eft l’écorce du chêne pour préparer le cuir. , qu’on emploie (( 13 1) LLae ppoifteatf feef te uftn l ems ucre nfadirte asv deecs d fea vlao ntenrerreie bsa.ttue. la (p 4a i)l leL em têolréceh.is eft un mur fait avec de la terre & de pre( fsq u) eL peass ecnognrnauiss ; tiirlsé sf odnut creèpgenned avnétg méteailll,e nuers fqounet lc’eauvxa ntitraegse defsu rr èlg’anneism mali n, émraal i&s ialn aim daels : ilnec omnivnéénraiel nas qmuail l, ’eqmuopiêqcuhee lnet pdl'uêstr aen pcireantinceambleen tp caor-ntnouu,t e; ft& l el ’palnuis
défectueux. Celui qui fournit le plus • en proportion
P R A
prefloir, toutes les immondices enfin y apportent
chacun des fels très-propres à Ja. végétation ; toutes
les fois qu’on y met de la-chaux , il faut l’arrofer
avec l’eau qui eft au fond du trou pour qu’elle fe
fonde bien ; ce procédé détruit les infe&es, leurs
oeufs, les graines qui fe trouvent dans le fumier,
$c qui font toutes fi pernicieufes aux récoltes.
Au bout de trois mois au plus, il faut fortir cet
amalgame du trou, 8c en faire un tas dans la cour:
on peut femer deffus des falades qui feront extrêmement
printannières & fort délicates : on recommence
enfuite à remplir le trou de la même manière
; par ce moyen on fe procure quatre ou cinq
fois plus-, d’un fumier t e l , qu’avec la moitié moins
on fume une plus grande quantité de terrein ; ce
fumier eft propre à tout lorfqu’il a paflé une couple
de mois au grand air, ce n’eft plus qu’un terreau
facile à conduire , & encore plus facile à retendre:
cinq ou fîx tombereaux, tirés par deux bons chevaux,
ou deux boeufs, fuffifent fur un arpent de
pré: herfez fortement fans rien craindre; après
l ’avoir retendu vous ferez étonné de l’effet que cela
produira, fur tout s’il y a de la moufle.
Voici une expérience qui m’a parfaitement réufli,
mais qui ne peut fe pratiquer que dans les endroits
ou il y a beaucoup de terres en friches, couvertes
de bruyères ; j’en fis couper une grande quantité,
que je fis retendre fur un pré au mois de novembre :
comme j’avois fouvent obfervé que dans les endroits
ou il fe trouvoit quelques buiffons coupés, ou bois
mort fur l’herbe, elle étoit plus printanière, plus
haute & plus abondante, j’imaginai que la bruyère
pouvoit faire le même effet.
Je ne fus pas trompé dans mon attente: au mois
d’avril je la fis râteler partout où j’en avôis mis,
l ’herbe étoit de deux où trois pouces plus haute
qu’ailleurs ; je fis porter cette bruyère fur une terre
forte qui avoit- reçu un labourage avant l’hyver; je
la fis retendre, & la laiflai jufqu’au milieu de mai,
que je l’enterfai par un bon labour; au labourage
du mois d’août elle tomboit toute par morceaux,
& aux femailles il n’en reftoit prefque aucuns vef-
tîges.
La récolte fut belle, & les épis bien graines ; &
le pré qui avoit été couvert me donna environ dix
à douze quintaux de foin de plus que le même ef-
pace de pré à coté, & où je 11’en avois point mis.
'Comme je n’ai pas été à même de réitérer cette
expérience , d l e peut ne pas être infaillible, peut-
être faudroit-41 la perfedioiiner ; je la rapporte,
tcioqnuve eanuaxb lfee, udilel els'a, ier fft ixlee amuexi llreaucri.n es, & du pblogif- debris d« plantes mêlés-avec de 1la1 mte’ar rpea,r u aqvuoei elenst npâirt-,d epfalru sf al eds éacuotrmesp coefitt aiovann, tuagnee ;q cuaarn ctietmé êplrao'npgoer tfioounrnée
de principes fertilifans»
P R A 671
parce que vous pouvez en faire l ’eflai, & que cela
peut vous faire naître, ou à quelques agricoles ob~
fervateurs, vos voifins, d’autres idées heureufes $
c’eft ainfi que les hommes s’inftruifent, & que la
fcience s’accroît.
Si avec les procédés que je Vous ai donnés , fi
avec ceux qui fontufités dans votre canton, vous ne
pouvez pas vous procurer une allez grande abondance
de fourrage pour fournir amplement aux be-
foins de vos beftiàux ÿ il faut faire quelques prairies
artificielles ; mais hors ce cas, confervez toutes vos
terres en labours, & laiflez vanter cette culture aux
amateurs de J a nouveauté, qui citent fans ceflè ce
qui fo pratique au. loin , fans avoir examiné auparavant
fi cela 11e tient point au fo l, au climat, aux
ufages, & fur-tout à la néceffïté.
Les grains en France font bons & de bonne qualité
; leur haut prix, & la fâcheufe obligation où
l’on eft d’avoir de temps en temps recours à l’étranger
, annonce une prodigieufe çonfommation ,
d’après laquelle il faut encourager la culture du
grain & l’étendre, plutôt que de la reftreindre.
M A X I M E S .
De toutes les fubftances du régné minéral, la
craie eft celle qui fournit le plus de principes nour-
riflans.
La chaux vive ne peut fertilifer la terre que
lorlqu’elle eft retournée à l ’état de craie; ce n’eft
pas, je crois, fa caufticité qui a de la propriété",
ainfî qu’on l’a dit, puifque la chaux des décombres
eft un bon engrais ; il feroit^donc à fouhaiter qu’on
pût réduire en poudre la pierre calcaire par des
moyens méchaniques, & non par le feu ; car dans
ce dernier état, fon effet eft moins confidérable, SC.
peut-être préjudiciable à la longue.
Précautions pour prévenir les dégâts des Prés bas»
Lorfqu’on a des bas prés qui ont une grande
étendue, & dans lefquels on mène les beftiàux ,
comme ces animaux vaguent par-tout, ils gâtent
beaucoup d’herbe en piétinant. Il eft à propos de
divifer ces. prés en plufieurs portions d’une étendue
raifonnable & relative au nombre'des animaux qu’on
doit y mettre en liberté : tandis qu’ils font dans
l’une, l’herbe croît dans les autres. Ces divifîons
fo font par des foffes un peu larges & profonds , ou
mieux encore, par des aunes allez ferrés pour qu’ils
ne puiffènt les traverfer, fi les prés font marécageux
, & par des haies d’épines ou de prunelliers,
fi le terrein eft une prairie flottante; ce dernier
moyen eft préférable, parce que les bèftiaux font
fujets en courant à fe jetter dans les foffes, où ils
peuvent fe noyer ou s’eftropier, 8c donner beaucoup
de peine pour le, en retirer.