
Lorfque l’on veut extraire l’efprit des pommes
de terre, on coupe ces pommes par petits morceaux,
& on les laiffè fermenter pendant dix jours après
quoi on les diftille.
Plufîeurs perfonnes confëillent de les piler fans
eau, & de les mettre dans un tonneau bien fermé,
pour qu’elles y fermentent.
Lettre de M. Parmentier aux auteurs du journal de
Paris, fur la dégénèrefcenCe des pommes de terre
en divers endroits de l'Europe,
Confulté à différentes reprifès fur la caufè qui
fait dégénérer les pommes de terre en quelques endroits
de l’Europe, je m’emprefffe, avant leur récolte,
d’indiquet les moyens qu’on peut employer
pour prévenir les fuites d’un pareil«accident, regardé,
avec raifon, comme une vraie calamité par les ha-
bitans des cantons où ce végétal efl devenu une
denrée de premier befoin.
Il paroît bien conftaté, d’après l ’expérience &
l’obfèrvation des cultivateurs les plus, intelligens ,
qu’il eft abfblument néceffaire. de changer de temps
en temps de fèmence, G on veut obtenir des récoltes
abondantes & pourvues de toutes leurs qualités.
Cette lo i , commune pour une infinité de
productions, s’ étend aufti à là pomme de terre; on
ne fauroit la planter plus de dix ou douze années
dans le même terrein, fans qu’elle éprouve une
dégénération plus ou moins fenfible ; il faut, pour
en arrêter les progrès, renouveller cette plante par
femence. Ludwig eft le premier, qui ait fait en
Allemagne cet eflai intéreflânt; & il a été répété
_avec un égal fuccès en Suiflè, par M. Eugel, en
France par M. Blanchet, & en Angleterre , par
M. Raley.
I l eft à propos, cependant, d’avertir que les racines
ou tubercules qui en réfiiltent, ne parviennent
■ que la troifième année à être dans leur rapport ordinaire
; mais voici de quelle manière il convient
de procéder à cette opération.
Dans le courant d’oâobre, on cueillera les pé-
tites pommes ou bayes attachées aux tiges les plus
vigoureufes de la plante ; on les mettra dans une
caille ou boîte, avec du fable bien fée, lits fur
lits , en forte que la première ou la dernière couche
foîent de trois pouces de fable, & que. la boîte
ferme bien. On mettra cette caiffe à l ’abri de la
gelée & de la fermentation jufqu’au retour du printemps
; alors on mêlera enfemble' les bayes avec
le fable, pour le femer par rang dans' des rigoles
de trois pouces de profondeur, pratiqué fur des,
planches de terre, difpofées à cet effet, il y aura
un pied de diftance entre chaque rang, & les rigoles
feront recouvertes de terre. Lorfque les jeûnes
tiges paroîtront, il faudra en éclaircir le" nombre ,
afin qu’il y ait toujours huit à-neuf pouces d’intervalle
entre chaque pied ; on pourra tranfplanter
les autres de la même manière.
Dès que la .plante commencera à jaunir, on
enlevera les racines , & on les préfervera de. la
gelée & de la germination' ; au mois d’avril on les
plantera par rangées, on les cultivera, on les
recueillera à la manière ordinaire, „& la moiffon
de la troifième année fera aufti riche que de coutume.
C’eft ainfî qu’en faifant des fèmis de pommes de
terre à l’inftar des pépinières, non-feulement on
révifiera celles dont le germe eft fatigué & qui
s’abâtapdiffènt tous les jours , mais ce fera encore
le moyen de multiplier les variétés , de diftinguer
les précoces des tardivesde créer même des efi
pèces nouvelles , qui , appartenant à notre fol &
a notre climat, feront peut-être moins fufceptibjes
de l’inconvénient dont il s’agit. Enfin , j’ai, penfé
qu’avec des pômmes de terre, tirées dire&ement
de l’Amérique fèptentrionale, d’où elles ^|ont originaires
, je remplirois plus complettemenlce double
objet d’utilité; en conféquence M. le maréchal de
Caftries a bien voulu donner des. ordres aux con-
fuls du roi employés dans les provinces des Etats-
Unis, -pour m’en procurer, & M. le controleur
général pèrmet qu’on lui adreiïè tous les détails à
ce fujet, afin qu’en diftribuant gratuitement, comme
je l’ai toujours fait, le produit de mes recherches
& de mes expériences, je fois bientôt à portée de
propager & de perpétuer en France les meilleures
qualités de pommes de terre & les plus productives.
Lettre fur les pommes de terre > extraite du meme
journal.
Permettez - moi d’ajouter aux obfèrvations de
M. Parmentier, inférées dans votre- journal du $
de ce mois, le détail des expériences que j’ai
faites fur la même matière.
Ayant remarqué , il y a plus de vingt ans, que
mes pommes .de terre devenoient d’année en année
plus fortes & plus pâteufès , je m’en procurai
pour planter, d’endroits.où elles étoient plus fari-
neufes & meilleurs que les miennes.
Mais bientôt j’appris que, pour les renouveller,
il falloit les femer de grainès ; en- conféquence ,
je choifis, en auïomne 1773 , de ces bayes bien
blanches, c’eft-à-dire, bien mûres; j’en tirai la
graine, je la fèmai fur couche au mois de février
1774 , & au# commencement du mois d’avril
fuivant, j’ai planté les plantes comme on plante celles de choux, & les ai cultivées de même.
J ’ai non-feulement eu la fàtisfa&ion de les voir produire des feuilles & des tiges, aufti belles &
aufti fortes que celles provenues de pommes de
terre plantées, mais encore de trouver en automne
nlufieurs variétés de très-belles pommes de terre ,
qni différoient par la forme Scia couleur. Il y en
»voit de longues, pointues aux. deux extrémités ,
de rondes , de rouges & de jaunâtres.
Les meilleures de toutes étoient les longues,
terminées en pointes, & enliiite les rondes, ces
deux variétés avoient la chair blanche, line, . Sc
pas du tout filamenteufe , & la fécondé peau très-
fine , d’un beau rouge foncé; la ronde avoir 1 ept-
derme gercée , & l’autre très-liffe.
Il y en avoit de ilriées , d’autres panachées , &
d’autres bigarrées de rouge & de blanc.
J’ai remarqué que plus elles avoient de rouge,
plus-elles étoient fortes.
Au printemps 1,7.7,} , j’ai fait planter de ces
pommes de terre , venues des graines coupées par
morceaux, & .elles: ont fendu, une récolte très-
abondante.
La nature de la terre contribue beaucoup à la
I bonté de ce légume.
En général il réuflit mieux, & devient meilleur
dans une terre légère que dans aine terre I forte. Mais il fàudroit pouvoir prévoir quelle I fera la conftitution- météorologique pendant les
|. cinq à fîx mois qu’il refte en terre, & choifîr
| fôn terrein en conféquence , parce que dans une
r année pluvieufè il réuflira mieux dans un fonds fèc,
| & en cas de fèchereffe, dans une terre froide.
y Nouvelles obfervations fur la dégénération des pommes
de terre & leur culture, par M. Parmentier.
Cette culture n’eft fondée que fur un féal principe,
quelle que fiait la nature du fol. Ce principe
confifte à rendre la terre aufti meuble qu’il eft pofi
fible, avant la plantation & pendant toute la durée
de la végétation*
On cultive la pomme de terre de deux manières,
on à bras d’hommes, ou par l e moyen des animaux.
La première fe réduit J. les planter en rangs,
à la main, en alignant des trous -d’environ un
pied en quarré, dix pouces de profondeur, &deux
pieds entre chaque trou, ce qui forme trois pieds
de diftanced’un plânt à l’autre.
La terre étant préparée par différens labours pendant
l’hiver, on ÿ difpofe , vers la fin de mars ou
dans le courant d’avril, une pomme de terre,
depuis la groffèur’ d’une noix jufqu’à celle d’un
oeuf de poule; fi elle eft plus groffè, on la coupe
par quartiers. On met fur chacune une jointee de
bon fumier; on en recouvre le tout d’environ fîx
pouces de terre : après que les tiges font élevées
de cinq à fîx pouces ' au-defïùs de la furface du
fo l, on les étend en éventail, &c,Dans ce binage
on détruit les m au y ailes herbes.
En mai, ou vers la fin de-juin, on recouvre
encore de terre les tiges , obfervant de laiiïèr toujours
à l ’air leurs extrémités, autrement elles dé-
périroient. Après le fécond recouvrage, ce qui for-
moit cavité , devient butte comme une groffe mère
taupinière.
S’il paroît encore de mauvaifès herbes, il faut
les détruire, foit en binant ou réchauffant les tiges
une féconde fois, foit en les arrachant à la main„
car elles nuifent beaucoup à l’accroiffement de
ces 'racines.
La féconde méthode confifte à les cultiver à la
charrue. On prépare le-terrein par deux ou trois
labours, fuivant que la terre a befoin d’être, di-
vifce ; au dernier, on la forme en filions de quatre
raies. de charrue , les plus égaux & les plus droits
qu’il eft poflible , les filions étant d’environ trois
pieds de large chacun. Avant de, fémer on rappro-
fondit la raie par un trait de charrue , & oh' y
sème les pommes de terre à. féize ou dix-huit pouces
de diftance l’une de l’autre. On met fur chaque fè~
mence, foit entière ou coupée en quartier, une
jointée de fumier , & enfuite on la recouvre d’un
trait de charrue, à environ fîx pouces de terre. .
Lorfque les tiges ont fix pouces à-peu-près de
hauteur , on les couvre d’un côté d’un trait de
charrue, obfervant de laifîèr à l’air les extrémités
des tiges. Trois femaines après, on les recouvre
de l’autre côté, aufti avec la charrue, & on drefle
la terre -autour des tiges avec le bidant ou le fort
rateau : s’il y a de mauvaifès herbes, on les arrache ;
au commencement de juillet, on creufé les raies
par la charrue, & on jette la terre vers les tiges.
Une charrue à pointe droite & deux verfoirs eft
excellente pour cette opération. Au huit féptembre
on peut couper les tiges, c’eft-à-dire , ce qui eft
bon à manger pour les gros beftiaux, environ à
huit pouces au-deftus de la terre : les pommes de
terre n’en groftiflènt pas moins, & c’eft une très-
bonne nourriture, pendant un mois, pour les b e ftiaux
: ces. racipes font mures au premier o&obre ,
fi Tes tiges jauniflènt. “
Pour les récolter, on les déchauffe avec la charrue.
Les deux dernières raies renverfees à droite
& à- gauche, mettent en rigoles ou raies ce qui
étoit en filions, en jettant en dehors aflèz promptement
les pommes de terre, que l’on fait férrer
- dans des paniers pour les tranfporter dans un lieu
fec, & où l’on puiflè les couvrir de paille, afin
de Tes préferver de la gelée, féul inconvénient
deftruâeur des pommes de terre. La récolte annuelle
en eft plus sûre que celle de tous les grains cultivés
en Europe,
Dégénêration des Pommes de terre.
La multiplication des pommes de terre eft un
exemple frappant des grandes reflources de la nature
pour la régénération des végétaux, en même