
d’Allemagne ou de Saxe : c'efl de ce fa vaut que
nous emprunterons tout ce que nous allons dire fur
cet art, fl long-temps ignoré en Europe; ce ne fut
que dans le fiècle dernier que le hafard fit connoître
en Saxe, un fecret que les chinois & les Japonois
prenoient fi grand foin de réferver pour eux feuls.
Un gentilhomme Allemand, nommé h baron
de Boeticker , ehymiffe à la cour d’Augufle, électeur
de Saxe , en combinant enfemble des terres
de différentes natures pour faire des creufets , fit
cette découverte précieufe, qui s’eft confervée avec
loin dans la manu fa dure de MeifTen , près de
•Drefde. Lé bruit de cette nouvelle fabrique fe répandit
en France & en Angleterre , & les chy-
miftes de ces deux royaumes travaillèrent à l ’eiiYi
à faire de la porcelaine.
Les anglois firent venir à grands frais du kaolin
de Chine ; mais n’ayant point les autres fubfiances
que ies chinois mêlent à cette terre, au lieu de
porcelaine ils ne firent que des briques.
Les françois firent également venir de la
Chine des matériaux de ce pays-là , pour fervir
d’objets de comparaifon avec ceux que notre continent
poifvoit fournir. Un jéfuite, Je père d’En- -
trecolles, joignit aux matières qu’il envoya, des
obfervations fur le travail des. chinois ; mais elles
étoient fi peu exa&es, que les chymifles françois :
opérant d’après les fauiïes inftru étions de ce mif- |
lîonnaire', ne purent parvenir à faire de la vraie
porcelaine.
On défefpéroit prefque d’y réuflir en Europe,
-lorfque JVL de Tfchirnhaufen trouva Une compofition
de porcelaine qui, félon les apparences , était .. 3a même que celle dont on fait ufàge en Saxe : il
la confia en France, au feul M. Homber ; mais ces-
deux amis moururent fans en communiquer le fecret
an public. M. de Réaumur foupçonha, à force
jde génie, quelles étoient lés-vraies fubfiances qui
«ntroient dans la compofition de la porcelaine de 2a Chine , & nous donna le premier des idées très-
Jufies fur la nature de ces fubfiances y & la manière
de les employer. •
Après cèt \ académicien , MM. de Lauragais ,
Guettard, Montamy, Laflone., Baumé, Macquer,
IVÏontigny & Sage, tous chymifles du plus profond
lavoir, fe font occupés iruétueufement du même
objet.
M. de Lauragais préfenta en y/66, à l ’académie,
de la porcelaine de fon invention, elle fut jugée
aufli parfaite que celle de Sève & de Saxe ; mais
cet illufire favant n’a point publié la compofition.
Il y a aujourd’hui plufieurs manufaéiures de por- ’ [
celai.nt- en Allemagne;, en Angleterre, en Hoî- 5
lande & en Italie : les plus célèbres d’Allemagne ;
font 1' après la; manufacture de Drefde , celle de )
Jr’rankspdal, dans.le Paljtfinat \ & celle de Louis-, ,
bourg , près de Sttitgard : la première devient
tous les jours plus intéreflante & plus digne de la
proteétion du grand prince qui.l’a appellée dans fes
états.
La porcelaine de Frankeüdal a le même fonds
de riclielfes que celle de Saxe & de France ; elle efi,
comme elles, bien au-deffus de celle de la Chine
: & du Japon; elle efi fur-tout recommandable par
l éclat de l ’or qtvon y applique en feuille avec tant
d’adrefle, qu’on prendroil les vafes qui en font enrichis
pour etre d’or maffîf : cette manufacture excelle
aufii dans les figures ; elle a atteint le degré
de perfection de celle de Saxe, & approche de celle
de France par la variété & le' defiin correCt des
figures, par la force & le naturel des fiatues, &
par la vérité de l’exprelfion ; à ces bonnes qualités
elle joint l’avantage du bon marché, le prix étant
de piès d’un tiers au-defious de celui des porcelaines
de Saxe.
La manufaéhire de Louisbourg, établie par la
magnificence du duc de Wurtemberg , ne le
cède guère à celle de Frankendal ; la pâte en
efi des plus réfraCtaires, elle r efi fie au feu le plus
violent , & foutient le p a liage fubit du froid' au
chaud & du chaud au froid fans fe caffer Les formes
en font agréables, & l’on y exécute des morceaux
d’architeâure pour la décoration des deiïerts d'une
grandeur énorme : le feul défaut de la pâte efi de
n’être pas d’un blanc aufli parfait que celui de
Saxe & dë'France; elle efi d’un gris cendré, &
refle grenue dans fa caffure ; la couverte participe
au meme défaut, & n’efi jamais -de ce beau blanc
qui plaît à l’oeil & qui.caraCtérife les-’pellesporcelaines
y mais il ferait aifé d’y remédier,
"Lesporcelaines qu’on fabrique en Angleterre ne
valent abfolument rien les anglois "qui ont perfectionné
tant d’autres arts, font bien au-defious
des françois, des allemands , des liollandois & des
italiens, à l ’égard de celui dont nous parlons. Ce
qu’ils appellent porcelaine n’efi qu’une vitrification
imparfaite, à laquelle il rie manque qu’un degré 4^
feu un peu plus fort pour en faire du verre.
La porcelaine de Hollande & celle d’Italie font
belles , mais au-defious de celle deSaxe.
Porcelaine de France,
La porcelaine de France étoit, il n’y a pas longtemps
, fi fragile qu’on craignoit. de f expofèr à la
moindre chaleur : elle étoit îujelte à fë fêler Comme
le verre, de la natme duquel elle parricipoit.
On avoit tâché de fuppléer à la y raie eompofi-
tion q.u’oir ignorait, ( dit M. Macquer dans un mémoire
fur une nouvelle porcelaine, qu’il lut à l’académie
des. Sciences, de Paris y le 17 juin 17 69 )
'par un afibrrimént dont la biafe étoit-de; fable & de
caillou broyés , qu’on faifoit blanchir-'par i ’aâion
‘du feu & par le mélange de -différens fels. On
ajoutoit à cette compofition une certaine quantité
de terre liante pour la mouler plus facilement &.
la travailler lur le tour.
L ’argille dont on fe fert ne procurant pas à la ;
porcelaine cette blancheur qui efi une de fesplus ;
belles & plus apparentes qualités, on lui prcfera j
les marnes comme confervant plus de blanc dans ;
les cuites.
Ces dernières ne pouvant point fimtenir l’aélion
d’un grand /eu fans fe fondre , les ouvrages qu’on
en faifoit 11’acquéroient point par la cuite la dureté
& la compacité néceiïaires pour réfifler à l ’alter-
native du chaud & du froid fans fe cafier ; tendres
& friables par leur nature , ils ne pouvoient recevoir
pour couverte, ou vernis, .qu’un verre de
plomb plus tendre encore & plus fufible , par con-
féquent fufceptible de fe rayer , de fe dépolir , de
jaunir & de perdre toute fa beauté par le fervice.
Cette faufie porcelaine a été en u’fage jufqu’à ce
que des favans, tels que MM. de Réaumur, Guet-
tard, Hellot, Macquer & Baumé , trouvèrent à
force d’expériences les moyens de faire une porcelaine
aufli dure & aufli folide que celle du Japon
Sc de'Saxe, approchant de leur beauté, mais n’ayant
pas encore le dernier degré de blancheur qu’on lui
defiroit.
S En 17^6 , M. le comte de Lauragais préfenta de 1
la porcelaine de fon invention à l’açadémie ; cette
porcelaine fut reconnue pour être aufli parfaite
qu’on pouvoit la defirer ; mais comme ce feigneur
n’en a point publié la compofition, on ne peut
point dire de quelle terre elle étoit fabriquée.
Ce n’ëfl que depuis quelques années qu’au moyen
d’une terre que M. Vilaris, apothicaire de Bordeaux,
& de l ’académie des Sciences de cette ville,
a découvert en France , & dont le terrein qui la
contient a été acheté au nom de fa majeflé , qu’on
efi enfin parvenu dans la manufacture royale de
Sèves à faire de la porcelaine uniquement compo-
fée des terres de France, dans la pâte Sc la couverte
de laquelle il n’entre ni fritte , ni fe l, ni
aucune matière métallique, qui fe travaille facilement
fur le tour.,. &■ qui prend toutes fortes de formes
dans les moules ; qui ne peut être cuite qu’à
un feu de la dernière violence, & dont la couverte
exige le même degré de feu pour fe fondre, qui efi
Jnfufiblé au plus grand. feu des fourneaux, & qui
peut fervir de creufet pour vitrifier toutes les porcelaines
de fritte & de marne ; qui acquiert par la
cuite une denfité & une dureté égales à celles des
cailloux, & dont la couverte prend une dureté qui
y efi proportionnée ; qui rend un fon femblable à
celui d’un vafe de métal lorfqu’elle efi frappée ;
qui réfifle à l’impreflion fubîte & alternative du
chaud & du froid; qui, dans fa cafiure, a un grain
qui tient de celui de la porcelaine de Saxe &- de
l’ancien Japon ; qui a enfin utie blancheur & ■ une
demi-tranfparence égales à celles des plus belles
porcelaines de l’ancien Japon & de Saxe
Après avoir fait diverfes épreuves fur les nouvelles
porcelaines faites à Sèves avec la terre de
France, trouvée par M. Vilaris , l’académie des
Sciences de Paris ,'a certifié que les vafes faits de
cette matière font en état de réfifter à la plus grande
chaleur du café, du chpcolat & du potage ; qu’aves
tout le mérite de l’ancien Japon, ils font encor*
très-fonores, font feu avec le'briquet, peuvent fervir
de creufet pour vitrifier l’ancienne porcelaine
de Sève, ne font point déformés par un feu de
forge long-temps continué, vont au feu fans fe
rompre , peuvent fervir à faire fondre du beurre &
cuire des oeufs , & paflent du plus grand chaud au
plus grand froid fans fouffrir aucune alteration.
Mais ce que cette même académie afiure ctr*
plus intérefîant pour le public , c’eft qu avec le
îecours de cette terre nouvellement trouvée, ou
d’autres fembiables qu’il ne fera pas difficile de découvrir
dans ce royaume , on pourra peut-être donner
à un prix modique de la porcelaine qui aura
toute la folididité qu’on pourra defirer, mais qui, à
la vérité, fera moins ornée que celle de Sèves.
Il réfuite de ce que nous venons de dire, con-
tinue la même académie, que le kaolin quçn a
trouvé en France efi meilleur que celui du Japon ,
& qu’il fait une porcelaine plus blanche & plus
fin».
La porcelaine d* la manufacture royale efi au-
jouTd hui de l’aveu même des étrangers , Supérieure
à tout ce qu’on peut voir de plus agréable & de
plus parfait pour l’élégince des formes , la correction
du defiin, le brillant des couleurs, le vif-éclat
du blanc , le brillant de la couverte.
MM. Macquer Sc de Montigny , chargés par le
gouvernement de veiller aux travaux de la manufacturé
de Sèves, ont trouvé , comme nous veiion* (
dé le dire , une compofition de pâte qui réunit
toutes les qualités nccéflaires pour faire la meilleure
porcelaine ; elle n’eft point fujette à fe fendre
dans la déification , ni à fe tourmenter & à fe déformer
lorfqu’on la cuit ; elle efi alfez. ferme pour
n’avoir pas befoin d’étre étayée de tous les cotés-,
lorfqu’on la met dans les gafettes : elle a le dernier
degré d’homogénéité, & foutient, fans, nulle précaution
, le feu le plus violent fans en être alterne
d’une manière fenfîble.
La porcelaine de. Sève obtiendroit infailliblement
la préférence fur toutes les autres , tant d’üu-
rope que de la Chine & du Japon y fi le prix eft
étoit un peu plus à la portée de tout le monde ; il
ne "lui manque que cet avantage qui efi efientiel
pour le commerce ; mais on peut dire que la chert#
efi compenfée par la folidité.