
Jo S.
P L O N G E U R ( Art du ).
XjE plongeur efl éefui qui defcend dans la mer
pour y chercher quelque chofe , &' qui a çontradé
l'habitude de demeurer quèîqüé temps au „fond des
•aux, fans y être étouffé.'
Parmi les marins on donne le nom o urinateurs
a ceux d’entre les plongeurs qui defcendent au fond
des mers pour y .chercher des perles ou certains
coquillages ,_ des coraux , des. éponges j& c .
Il y a encore des plongeurs exercés à-fë précipiter
dans les eaux, à l’effet de radouber un vaiffeau
en pleine mer, de fermer une voie d’eau, ou d’en
faire une à deflein dans un yaifïeau ennemi, pour
Je faire périr.
On fe fert beaucoup de plongeurs dans les Indes , 3t c’efl le moyen d’ayoir de beaux coquillages.
Leurs belles couleurs ne fe confervent qu’autant
qu’ils ont été péchés vivons en pleine mer ou à la
rade.
Ceux que les flots amènent fur le rivage, font
roulés ou fruftés , & les bivalve^foirt’ordinairement
dépareillés.
Les nègres de l’Amérique , Turtout :a la Martinique
& à Saint Domingue,.vont-en canot, plonger
fans aucune précaution , à une demi-lieue du rivage
, & à plufieurs b rafles d’eau.
Dans un calme l’eau efl fi claire qu’ils voient
diftinâement à huit & à dix braffes d’eau 7 les
coquillages & les productions marines qui font au
fond.
Ils les vont détacher à.la ma’n l’une après l’autre
, n’ayant point de paniers comme les plongeurs
de perles.
Quand les plantes tiennent fur le rocher , deux
plongeurs vont palier un bâton-3t une corde defîous
pour les tirer.
Il 11’y a que les jeunes nègres qui puiflènt retenir
allez 4 long-temps leur haleine pour être propres
au métier de plongeur, Ils fe rempliflent la
bouche d’huile de palmier , afin de rejetter cette
huile dans l’eau , ce qui leur procure un moment
de refpiration.
C ’efl un métier qu’ils ne peuvent faire que
quatre a cinq ans de fuite ; ils ne font prefque
plus maîtres de retenir fuffifamment leuf haleine à
vingt-quatre ans.
Un bon plongeur mange peu , 3c toujours des
viandes lèches.
Les plongeurs qui . vont à fix ou fept lieues du
: rivage pêcher des huîtres & des coquillages , portent
dès paniers appelles canois , dans lèfquels ils
' mettent les coquillages & ce qu’ils rencontrent.
Ils plongent huit à neuf fois de fuite , ordinairement
à douze brafies d’eau.
Ce qui les incommode le plus, c’efl la froideur
!de l ’eau : * ils craignent encore un poifîbn appelle
tibofon , grand comme un marlou in , lequel coupe
tout ce qu’il rencontre.
Pour prévenir ce danger, ils portent avec leur
panier un bâton ferré pour l’enfoncer dans la gorge
du poiifon.
Quand on veut pêcher les huitres qui" portent
des perles dans le golfe perfîque, à dix ou douze
braffes d’eau , fur des bans éloignés de terre de
cinq à fix lieues, la barque où efl un plongeur 8c
deux rameurs , part de la cote avant le lever du
fqleil, avec un vent de terre qui dure environ
jufqu’à dix heures.
Le plongeur fe met du coton dans les oreilles,
& fe garantit le nez pour empêcher que l’eau n’y
entre, enfuite on lui lie fous les bras une corde
dont les rameurs ' tiennent le bout, il s’attache au
gros doigt du pied une pierre d’environ vingt livres
pefant, dont la corde efl tenue par les mêmes
hommes. Le plongeur prend un refeau fait comme
un fac , qu’un cerceau tient toujours ouvert, lequel
efl attaché à une corde dont le bout efl encore
retenu dans la barque.
Alors il defcend dans la mer , où la pefant sur
de la pierre l’entraîne au fond de l’eau ; il détache
auflî-tôt la pierre que ceux qui font dans la barque
retirent. Le plongeur remplit fon refeau d’hui-
très & des coquillages qu’il trouve.
Sitôt qu’il manque haleine il en donne le fignal
en tirant la corde qui efl liée fous fes bras ; alors
on le remonte'le plus vite que l’on peut.
On retire enfuite le rets rempli de coquilles
d’huitres;
Le manege peut durer enviroh un demi-quart
d’heure , tant à tfrer le refeau qu’à donner au plongeur
le temps de fe repofer & de reprendre haleine ;
il retourne enfuite avec les mêmes précautions.
Cette pêche dure fept à huit heures , pendant
lefquelles il plonge une douzaine de fois.
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Quand les huitres perlières font tirées de la mer,
en attend qu’elles s'ouvrent d’elles-»êmes , pour
en retirer les perles.
Les habitans de Pîle de l’Archipel font prefque
tous de bons plongeurs : & dans l'île de Samos on
ne marie guère les; garçons , félon Tournefort,
qu’ils ne puiffent plonger fous l’eau au moins a hait
braffes de profondeur.
Hérodote rapporte que Scyllias macédonien rendit
fon nom célèbre fous le rcgne d’Artaxerxes
Memnon , en faifant fous les eaux de la mer
un trajet de huit flades, pour porter aux Grecs la
nouvelle du naufrage de leurs vaiffeaux.
On a imaginé différentes méthodes 8c différens
inftrumens pour rendre l’art de plonger plus fûr &
plus aifé.
Le-point effentiel efl de procurer au plongeur
un air frais , fans quoi il n’eft pas poflible qu’il refle
long-temps dans l’eau fans ÿ périr.
Ceux qui plongent dans la méditerrahuée pour y
pêcher des éponges, ont coutume, comme on l’a
dit, d’avoir dans leur, bouche , lorfqu’ils font au
fond de l’eau, des éponges trempées dans l’huile ;•
mais fi l’on confidère d’un côté la petite quantité,
d’air qui efl renfermée dans les pores d’une épongé,
& de l’autre combien cette petite quantité d’air efl
comprimée par l’eau qui l ’environne , il 11’efl pas
poflible qu’un pareil fecours faffe fubfîfter long-temps
Je plongeur ; car il efl démontré par l’expérience
qu?une certaine quantité d’air renferme dans une
veflie , & que par le moyen d’un tuyau , l’on a
alternativement refpiré & fait fortir des poumons ,
ne peut fuffire à la refpiration que pour très-peu
de temps, parce que fon élaftiçité efl altérée en
paflant dans les poumons , & qu’outre cela, l’air
perd fes elprits vivifians & efl épujfé.
Un plongeur qui efl tout nud, & qui n’a point
d’éponge dans la bouche, ne peut, fuivant M. Haliay,
relier plus de deux minutes dans l’eau, fans être
fuffoqué ; & s’il n’a pas un longufage de fon métier,
il y'reliera beaucoup moins de temps , une demie
minute fuffifant pour étouffer ceux qui ne font point
dans cette habitude.
De plus , fi Feffdroit efl profond , la preflion de
l’eau fur les vaiffeaux du corps remplit- lès yeux
de fang, & ,o.ccafîonne ordinairement’ des crache-
meiis de fang.
C’efl pour cette raifon que pour pouvoir relier
long-temps au fond de l’eau, quelques përfonnes
ont imaginé deux tuyaux de matière flexible pour
faire, circuler 'l’air jufqu’au fond de l’eau,*dans
la machine où le plongeur efl renfermé -, comme
dans une armure : par "ce moyen on lui procure l’air
qui lui efl néceffaire , on "lé garantit dè la preflion
de Peau, & la poitrine fe dilate librement pour
refpirer.
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L ’eflèt de cette machine qui fait entrer avec
des: foufflets l’air par l’un des tuyaux, & le fait
fortir pat l’autre, efl le même que celui des artères
& des veines.
< Mais cette invention ne peut fervir dans les endroits
où la profondeur de l’eau efl de plus de
trois braffes , parce que l’eau reflerre fi ctroite-
ment les parties qui font à découvert , qu’elle y
empêche la circulation du fang, & elle preffe fi
violemment fur toutes les jointures de l’armure
qui ne font faites que dè cuir, que s’il s’y rencontre
le moindre .défaut, l’eau s’y fait un paffàge,
remplit dans un in liant toute la machine, & met
la vie du plongeur dans un grand danger.
La cloche du plongeur efl une machine que l’on
a inventé pour, remédier à tous les ihconvéniens
! dont on vient de parler.
Là forme- d’une cloche convient plus que toute
1 autre à la machine du plongeur. Les parties qui
■ la compofent s’appuient & fe conlolident entré
elles , Tou tien nént mieux le poids immenfe de
l’eau qui l’environne.
L ’air intérieur ne trouvant , point d’iffue pour
fortir, empêche l’eau d’entrer bien avant par l’orifice
, ;& de, mouiller , lè. plongeur ; car il arrive à
cette cloche ce que l’on-voit ,à l ’égard d’un verre
que l’on veut enfoncer dans l ’eau perpendiculairement.,
<
On fait donc defcendre le plongeur en fureté dans
cette machine jufqu’à une profondeur raifonnable ;
& il peut relier plus ou moins de temps dans l’eau ,
fuivant que la cloché efl plus ou moins grande.
Le plongeur affis fous cette cloche, s’enfonce
avec l’air qui y efl renfermé , jufqu’à la prôfon4
deur qu’il veut , & fi la cavité du vaiffeau peut
contenir , un tonneau d’eau ; un feul homme peut
relier une heure entière à une profondeur de cinq
ou fix“ braffes fans aucun danger.
Mais plus le plongeur s’enfonce dans l’eau , plus
l’air efl reflerre par la pefanteur de l’eau qui le
comprime. L ’inconvénient principal qui en réfulte
provient de la preflion qui s’exerce fur les oreilles
, dans lefquelles il y a des cavités donc les ou-
. vertures font en dehors; C’efl ce qui fait que dès
' que la cloché commence à defcendre dans l’eau-, •
i on fent une preflion fur chaque oreille , qui par
degré devient plus incommode , jufqu’à "ce que la
force de la preflion furmontant l’obilacle , & laif-
i faut entrer quelque peu d'air condenfé , le plon-
! geurTe trouve alors à" fon- aïfe',
j St on fait defcendre la cloche plus àvant, Pin.-
| commodité recommencé & cëiTe de même.
Mais le plus grand inconvénient de cette machi-
: ne ,' c’efl que l’eau y entrant , reflerre le olume.
d’air dans un fi petit efpace qu’il s’échauffe promp*
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