
2 1 0 P E I
Dans ces mêmes ouvrages, ils travailloient les
chairs à la carnation toute pure , couchée fort
claire & bien adoucie avec le balai , & couchoient
le revers de la pièce d’un lavis de blanc.
Lorfque ce travail étoit fini , ils le laiffoient
fécher pour y appliquer enfiïite le coloris.
Si ces ouvrages étôient de pure grifaille, c’eft-
à-dire, s’ils ne dévoient pas être colorés de dif-
férens émaux , ils couchoient fur le revers de la
pièce un lavis de leur couleur roulTe, fi la grisaille
devoit être de cette teinte, ou de leur couleur
blanche, fi la grifaille devoit être blanche,
en l’étendant & adoucillant avec le balai, comme
le lavis de noir.
Ils ne couchoient jamais de lavis le derrière des
pièces qui dévoient être colorées , ce qui auroit
terni l’éclat du coloris.
Art de coucher fur le verre les différentes couleurs.
L’entente du claîr-obfcur , que le peintre fur
verre doit avoir acquifè, lui ayant procuré dans
ion travail , dont nous venons de lui tracer les
différens traitemens , ce bel effet d’union & d’obf-
curité dans les maflès par oppofition aux grandes
lumières , on pourroit regarder Ion ouvrage comme
déjà colorié, dans l’état où nous le fîippofbns Sorti
de lès mains : mais il n’eft pas encore colorié ; ce
n’eft encore qu’une manière d’eftampe qu’il faut
enluminer ; enleignons-lui les moyens de le faire
avec fùccès.
Nous nous fbmmes fuffifàmment étendus lùr la
compofîtion & l’apprêt des différentes couleurs propres
à la peinture Sur le verre aétuel. Nous avons
particulièrement indiqué la manière d’apprêter les
émaux blanc , verd, bleu, violet & pourpre, après
leur vitrification parfaite, & de les mettre en l’état
où ils doivent être pour les coucher lùr le verre
avant la recuiflon.
Nous fiippofons donc finie de blanc & de noir,
ou pour parler fiiivànt les termes de l’art, éclairée
8c ombrée, une fuite d’ouvrages de peinture fur
verre fiiffifànte pour remplir la capacité de la poêle
à recuire. L’ouvrage a féché pendant quelques
jours. L’arfifte a apporté tous fès foins pour enlever
avec le balai de pôil » dé ' gris tous les atomes
de pouffière, qui , malgré fès précautions ,
auraient pu Séjourner fur fbn ouvrage.
Il doit commencer par coucher de rouge ou carnation
■ toutes les parties -où cette couleur doit entrer
, de la même manière & avec les mêmes foins
que pour le lavis de Couleur noire.
Elle eft, ainfi que lui , de toutes lés couleurs
propres à peindre fur verre Cëlle qui porté le moins
d’épaifteur & celle .qui eft- le’ moins -fiijétte à s’éf-
P E I
facer avant la recuiffon ; c’eft pourquoi nous la
mettons la première dans l’emploi des couleurs.
Les couleurs de bois, de cheveux, d’animaux ,>
qui tirent fur le roux, s’employant comme la carnation
dans la manière de les coucher, tiennent
le fécond rang dans leur emploi.
Le lavis blanc peut aufli s’employer de la même
manière.
Quant aux émaux verd, bleu, violet & pourpre,
détrempés , comme nous l’avons preferit, voici la
manière de les coucher.
On place la pièce que l’on doit coucher d’un
ou de plufîeurs de ces différens émaux , félon l’ordre
du coloris du tableau ou du blafèn des armoiries
, dans un jufte équilibre & dans un exaft
nivellement fur les bords d’un verre à boire à-
patte, porté fur la pancarte qui couvre le defliis'
de la table, couverte elle-même d’une feuille de
papier blanc,
Alors le peintre debout prend avec le pinceau,
qui ne doit fèrvir que pour la coulèur dont il a
été imbibé la première fois, autant de l’eau gommée
de cette couleur qu’il en faut pour emboire
légèrement & proprement, du côté du travail,.la
partie qui doit être colorée.
On prend jenfiiite avec le pinceau , de la couleur
défîrée, de façon qu’elle ne fèit ni trop claire
ni trop épaifïè.
Trop claire, outre qu’elle ne donneroît pas la
teinte que l’on défîre, elle courroit rifque d’effacer
le travail fur lequel on l ’applique. Trop épaifîè,
elle ne s’étendroit pas uniment fur la ' fiirface
qu’èlle doitxouvrir. Alors on promène légèrement,
promptement & également cette couleur avec le
pinceau, plus incliné fur fa mafiè que porté fur
fa pointe.
La tranfparence, fèntie au travers du verre par
le reflet de la feuille de papier blanc qui eft au-
deflous, en annonce le plus ou moins d’égalité.
Enfin on agite doucement la pièce en tout fèns ,
en la tenant des deux mains , de façon que l’extrémité
des doigts ne porte pas defliis, mais qu’ils
ne faifent que la maintenir par fbn épaifleur, afin
que toutes les parties de l ’émail colorant fè réunifient
dans une parfaite égalité*
On laiffe alors fécher les pièces pbfe.es à plat
& de niveau fiir la table pendant deux jours.
On peut traiter de la même manière l ’émail
blanc , fur-tout lorfqu’on veut lui donner une certaine
opacité au-deflus de -la demi-tranfparence ,
comme il en eft quelquefois befoin dans les draperies
blanches, &c.
Dans les grifâilles qu’on veut émailler de blanc,
on Remploie qu’une teinte plus ou moins forte du
P E I 2 1 I
lavis de ce même blanc, qui fè couche comme le
lavis de couleur noire fur le revers du travail.
On ne peut, en couchant le verre de ces couleurs,
apporter trop de foin pour bien border tous
les contours des draperies & des membres qu’elles
couvrent, de manière qu’elles n’en débordent pas
le trait , ou qu’elles le couvrent aflèz pour n’y
laiflér aucun vuide en s’en écartant.
Les couches de ces émaux colorans étant bien
sèches , c’eft-à-dire, deux jours au moins après
qu’elles ont été appliquées fur l’ouvrage, on couche
de jaune fur le côté qui lui eft oppofé.
On couche cette couleur plus ou moins épaiflè
félon la nuance qu’on en défîre.
On peut en faire des eflais fur de petits morceaux
de verre au feu domeftique.
Il faut fur-tout prendre garde de coucher le
jaune trop épais, lorfqu’il avoifîne quelqu’un des
cinq émaux vitrifiés; parce que cette couleur étant
très-fondante , & la première qui fè fait au four- :
neau de recuiflon , elle eft fujette à s’extravafèr ; '
& s’étendant fous ces émaux, elle les tacheroit.
Lorfque cette couleur eft couchée fur le revers
de la piece, on l ’étend en l’agitant légèrement entre
les deux mains , comme on l ’a dit pour les
émaux.
On prend garde fur-tout qu’en la remuant dans le
pot avant de la coucher, iî ne s’élève , en la couchant,
quelques bulles fur fà furface, qui, venant
à fécher avant la recuiflon, y laifîèroient des points
vuides de couleurs. Si l’on y en appercevoit, il fau^-
droit les crever , en y appliquant la pointe de
l’aiguille.
Comme l’eau gommée n’entre point dans l’ex-
tenfîon de cette couleur, on ne peut la toucher
avec trop de précaution , lorfqu’elle eft sèche.
Sans cela , l’on rifqueroit de l ’emporter par les
frottemens, ou de l’égratigner par la rencontre de
quelque corps dur.
L a couleur jaune demande encore une autre précaution
en empoêlant , c’efLà-dire , en introduisant
l ’ouvrage dans la poêle de recuiflon.
Comme dans la fufîon elle traverfè toute l’é-
paiflèur du verre , ce que ne font pas les autres
couleiirs, qui, parce qu’elles ont un corps plus fb-
lide , ne pénètrent pas fi avant dans le verre , &
ne font que s’attacher à fa fuperficie , il faut bien
fè^ donner, de garde d’étendre dans la poêle une
piece couchée de jaune au-deflus d’une autre couchée
de bleu.
^La couleur jaune en fè parfondant, venant à
s wfinuer dans la couleur bleue, la dénatureroit,
& donneroit une couleur verte, au lieu de celle
que le peintre en attendoit.
P E I
Nos artiftes Récollets fuivoîent l ’ordre & la manière
que nous venons de preferire pour coucher
le coloris.
Ils couchoient la couleur de carnation aflèz
épaiflè pour qu’on ne put prefque point apperce-
voir le jour au travers, après qu’elle étoit couchée
& adoucie avec le balai.
Ils en agifloient de même par rapport aux couleurs
de bois & d’animaux , faites avec le mélange
de la couleur noire & des fondrilles de carnation.
Pour mieux reconnoïtre fi les couleurs étolent
couchées bien uniment & également , ils fè ca-
choient le jour avec la main portée au-devant de
la piece, qui leur faifoît une ombre que le papier
blanc fur lequel étoit placé le verre à patte qui
fupportoit la pièce, leur reflétoit.
Ils ^couchoient l ’azur plus épais , le violet de
même.
Ils veulent néanmoins que l ’azur foit couché de
façon que, quand il a féché fur la pièce , on
puiffe lui fèntir quelque tranfparence, parce que,
couché trop épais , il pourroit noircir à la re-
cuiflon.
De la recuiffon#1
La recuiflon , fôurce de nouvelles inquiétudes
pour le peintre fur verre par l’incertitude du fiic-
eès, eft la dernière opération qui afliire ou qui
détruit tout le fruit qu’il doit attendre de fon
travail. '
Nous ne lui répéterons pas ce que nous lui
avons tant de fois inculqué fur l’exa&itude avec
laquelle il doit faire valoir, dans la compofîtion ,
la préparation ou le choix de fès émaux colorans,
toutes les combinaifèns d’expérience qui doivent
opérer entr’eux ce parfait concert de fufîbilité,
dans un même efpace de temps, à l’adivité d’un
même feu.
| Sans ce concert heureux les uns fèroient déjà
brûlés, quand les autres ne feroient que commencer
à fè parfondre à la recuiffon.
C ’eft fur le traitement de ce feu, c’eft-à-dire,
fur ce qui le précède , ce qui l’accompagne & ce
qui le fuit, que nous nous propofons dé l’infiruire,
avec le fècours des maîtres qui nous ont fèrvi de
guides dans ce que nous avons dit de la compofîtion
de fès émaux.
Notre artifte , avant toutes chofès , doit fè rap-
peller ici ce que nous lui avons preferit fur le
choix d’un bon emplacement pour fbn attelier ,
dont le fourneau fa t une des parties principales. Il
y a vu les inconvéniens dangereux à la recuiflon ,
qui réfulteroient d’un mauvais emplacement.
D d i