
Pour ce qui eft de la confbmmatîon dés pommes
de terre , dans le voifînage des villes, on peut tour
jours'les vendre comme aliment pour les hommes;
mais , dans les campagnes éloignées des marchés,
on ne peut en élever une grande quantité que pour
nourrir le bétail*. Au premier cas , on les a quelquefois
vendues jufqu’à 14 fehelings le fac de trois
boifïèaux, c’eft-à*dire , environ 16 livres de France.
M. Clofe penfe que, pour les bêtes , on ne peutpas^
les évaluer au-delà de 3 fehelings le fac , ou environ
70 '■ fols de France ; c’eft , dit-il, une excellente
nourriture pour les cochons. Le porc rôti
n’eft jamais fi fùcculent & fi délicat que quand il
a été nourri avec des pommes de terre. Les vaches
en font particuliérement friandes; un demi-
boiffeau de pommes de terre pendant là huit, &
autant le matin , fuffifent, avec une petite quan*
tité de foin , pour entretenir trois vaches qui, donneront
abondamment du lait propre à faire du
beurre en aufli grande quantité & aufli doux que
fi elles étoient nourries avec les meilleures herbes.
On en donne au bétail qu’on engraiffe autant qu’il
en veut manger. Une bête pelant environ $o6 livres
, qui en confomme un tqoiffeau par jour, s’en-
graifte un tiers plutôt qu’avec des navets. Il faut
que les. pommes de terre aient été bien lavées ,
& ne les donner que bien féchées. On ne les fait
cuire que pour' engraifîer les cochons à lard , ou
pour la volaille qui en mange avec avidité. M. Clofè
obferve aufli que les pommes de terre feules ne
nourriflent pas fi bien les cochons que quand elles
font mêlées avec un tiers de pois ou de farine
d’orge. Dans toutes ces particularités , fir Bever &
les autres correfpondans de la fbciété font d’accord.
Obfervations fur une maladie des pommes de terre.
Il efl fùrprenant que, dans les mémoires multi- •
pliés fur la culture de la pomme de terre, il ne
fbit pas fait mention d’une maladie appellée par
les anglois curl, frifure, à laquelle la farine efl fu-
jette. Encore n’eft-ce qu’accidêjitellemeht, lorfque
M. Web décrit une manière fimple d’éprouver la
femence des pommes de terré, en s’aflurant fi elles
ont ou non cette maladie, il obferve avec rai- |
fbn que fi elle dépendoit du terrain , elle en in-
teéleroit également toutes les parties; mais il a. été
éprouvé que fi l’on employoit de la femence dé di-
vêrs lieux, une partie du terrain feroit infedée,
tandis qu’une autre demeurera faine. Dans un
champ femé de pommes de terre de différens endroits,
il ne s’efl: trouvé d’infedé que deux pièces,
dont la femence tirée d’un champ différent de ceux
des autres femences, a donné une récolte de pommes
de terre , dont un tiers étoient frifées. Il arrive
aufli que, dans certains diftrids étendus , le
mal n’eft point encore entré, & y efl: même en?
tiérement inconnu. Ces confédérations ont convaincu
JM, Webb que le mal, en tbut cas, provient du
vice des fêmencés ; d’où il conclut qué, pour l ’éviter,
il importe de choifir chaque femence comme
il l’enfeigne.
« Aufli-tôt après Noël, dit-il, je fis une cou ch &
» chaude de la manière fuivante. J’entafîai du fu-
» mier de cheval, jufqu’à la hauteur d’environ
» 18 pouces , comme on arrange ordinairement les
» couches : fur cette, première couche , je répan-
» dis environ quatre pouces d’épaifleur d’excellent
» terreau, & je plaçai, fur ce fécond l i t , un cer-
» tain nombre de pommes de terre de différentes
» efpèces dans différentes divifîons , que je cou-
» vris légèrement d’encore plus de terreau. Elles
» levèrent bientôt, & je diftinguai ce flui étoit
» fàin, de ce qui étoit frifé ou autrement gâté.
» S’il n’y avoit de défedueux qu’une pouffe fur
» quarante à cinquante., j’en inféroL qu’on pou-
» voit sûrement fe fervïr de cette femence»*
Cette méthode n’efl pas difficile à pratiquera
peu de frais. Nous ajouterons que des cultivateurs
expérimentés affinent que les pommes de terre,
venues d’une femence frifée, ne manquent jamais
d’être de la même forte : que ces fèmgnces font
ordinairement petites : que les petites font par confisquent
à rejetter : outre une couleur maladive ,
elles ont la peau verreufè , défauts affez fenfibles
à l’oeil , pour pouvoir les fqparer des bonnes. On ne
fàuroit trop prendre de précautions pour éviter une
maladie capable de diminuer quelquefois la récolte
d’un dixième. •
Maniéré de cultiver les pommes de terre;
L a culture des pommes de terre fe pratique de
différentes manières ; mais la meilleure efl sûrement
celle qui confîfle à les planter à la main par
rangs , en alignant des trous d’environ un pied en
quarré, & de dix pouces de profondeur. On faille
deux pieds entre chaque trou, ce qui forme trois
pieds de diftance entre chaque plant. La terre
ayant été préparée par différens labours pendant
l’hiver, on y dépofè, vers la fin de mars , Une
pomme de terre, depuis la groffeur d’une noix
jufqu’à celle d’un oeuf de poule. Si elle efl plus
groflè ,* on la coupe par quartiers ; on met'fur chacune
une jointée de bon furpier : on recouvre le
tout d’environ fîx pouces de terre. Quand les tiges
fè font élevées de cinq à fîx pouces au-deffùs de
la furf^ce, on les étend en éventail, on les couvre
d'une couche de terre de cinq pouces d’épaifi-
feiir environ : on a foin de laifler quatre à cinq
pieds d’intervalle entre les rangs : ce binage détruit
les mauvaifes herbes. En mai & vers la fin
de juin, on recouvre encore de terre les tiges, en
obfervant de laifler toujours à l'air leurs extrémité^
, autrement elles dépériroient. Après lé fécond
recouvrage, ce qui formoit une cavité devient une
butte qui reffeflible à une grolfe taupinière. S’il
paroiffoit encore quelques mauvaifes herbes, il fau-
uroit les. détruire , foit en binant oit réchauffant les
tiges une troifîème fois, foit en les arrachant a 1,1
main ; car elles nuifent beaucoup a 1 accroiiïement
des pommes de terre. Cette façon .efl difpendieufe
par-tout où la main-d’oeuvre efl chere ; mais e le
pave amplement les dépenfespar l’abondante récolté
Il y a une autre méthode qui confîfle à cultiver
les pommes de terre avec la charrue. On prépare,
à cet effet, la terre par deux & , même .trois labours,
fuivant quelle a befoin d’être divifée. Au
dernier labour, on la fait former en filions de quatre
raies de charrue , les plus égaux & les plus
droits qu’il efl poflible. Avant de femer, il faut
approfondir encore la raie par un trait de charrue,
& y mettre des pommes de terre, en obfervant de
laifler entr’elles feize à dix»huit pouces de_ diftance.
On met enfuite fur chaque femence, foit entière
ou coupée par quartiers , une jointée de^ fumier ,
& on la recouvre d’un trait de charrue à environ
fix pouces de terre. Lorfque les tiges ont fîx pouces
à-peu-près-de hauteur , on/les fait couvrir d’un côté
d’un trait de charrue , avec .l’attention de laifler
à l’air les extrémités des tiges. Trois fe main es
après, on les fait recouvrir de l’autre côté , aufli
avec la charrue, & dreffer la terre autour des tiges
avec le bident, ou fort rateau.
S’il vient de mauvaifes herbes, il faut les arracher
au commencement de juillet : alors on fait
creufer les raies*pa^la charrue, & jetter la terre
vers les tiges*. Une charrue à pointe droite & à
deux verfoirs efl excellente pour cette opération.
Vers le 8fèptembre, on peut couper les tiges à
Irait pouces au-deffus de la terre , & les donner à
manger au gros bétail : ce qui leur fournit une excellente
nourriture pendant un mois. Ce retranchement,
loin de nuire à l’accroiflëment des pommes
de terre, fait qu’au contraire elles grofliflent davantage.
Elles font mûres au premier oftobre, & meme
plutôt; ce qu’on reconnoît lorfque les tiges commencent
à jaunir. Pour les récolter , on les dé-
.chauffe avéc la charrue , & les deux dernières raies
renverfées à droite & à gauche, mettent en rigoles
ou- raies ce qui étoit en filions, en jettant dehors
affez. proprement les pommes de terre que l’on fait
ferrer dans dès paniers, & on les dépofe à la mai-
fon dans un lieu fec, en les couvrant de paille afin
de les pféferver de la gelée , feul inconvénient def-
trufteur de cette utile production.
Extrait d’une lettre de M. Dombay a M. Duché]
ne , écrite de Lima le io mai 1779 , . fur
l ufage des pommes de terre cher les péruviens.
Depuis quelques années, nos favans s’occupent
a tirer le meilleur parti de la pomme de terre.
U s péruviens, de temps 'immémorial > ont fu fè
préferver de toute efpèce de difette & de famine,
par la culture de cette plante , qui, avec le mais,
efl leur nourriture. Je vous envoie ci-joint la manière
fuccinte de les préparer, avec une lettre a
M. Daquin, fecrètaite de votre refpeftable Académie
de Chambéry, que je vous prie de lui faire paflèr*'
Je crois que _'c.’eit particuliérement en Savoie où
cette préparation doit être exécutée , parce que cte
peuple a là plus grande reflemblance avec le péruvien
, & par fa pofition , & par fa douceur, fa
frugalité & fa confiance au travail,
On recueille, comme vous favez, monfieur &
très cher confrère, les pommes de terre en automne
, & on les conferve pour l ’hiver ; mais il s’en
pourrit un tiers. Les péruviens ont obvié à cet
inconvénient par ces deux maniérés fîmples de les
préparer. Ces peuples fbbrës entreprennent les plus
grands voyages à pied , avec unhavrefac plein de
pommes de terre deflechées & un peu de mais en
grain., qu’ils mâchent continuellement. Comment-
des peuples aufli labres ont-ils pu être conquis ?
Mais que ne fait pas entreprendre la foif de l ’or !
Préparation de la pomme de terre (fblanum tuberofum.)
.nommée par les péruviens papa fecà.
On fait cuire la pomme de terre dans l ’eau ; "on
la pèle , .on l ’expofe enfuite au ferein & au fôleil ,
jüfqu’à ce qu’ elle fbit sèche.
* Cette pomme de. terre , ainfî préparée, peut fe
•confprver plufieurs fiècles, en la garantiffant de
•l’humidité.
Les péruviens & les habitans de Lima font une
très-grande confbmmation de cette pomme de terre ,
mélangée avec d’autres alimens.
Autre préparation de la pomme de terre , nommée
chûjiô.
Les péruviens font geler la pomme de terre, &
la foulent enfuite aux pieds pour lui faire quitter
la peau : ainfî. préparée, ils la mettent dans un
creux d’une eau courante & la chargent de pierres ;
quinze ou vingt jours après, ils la fortent de l’eau
& l’expofent au fôleil & au ferein, jufqu’à ce qu’elle
fbit sèche.
Cette pomme de terre , ainfî préparée , efl ma
véritable amidon , avec lequel on pourroit faire de
la poudre pour les cheveux. Les péruviens font de
cette préparation , ; des confitures , une farine poux
les convalefcens, & la mélangent aVec prefque tous
leurs mets.
Méthode pour préferver les pommes de terre d'être
détruites par la gelée.
Quelques naturaliftes ont anciennement découvert
que les fruits , corrynp Jçs ponyues & les pci?