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Verfez l’eau par inclinaifon dans un autre vaif-
feau, laiflez deifécher l ’argent qui fe fera précipité
au fond de la terrine ; brayez-le enfuite fur la platine
de cuivre, ou fur l ’écaille de mer pendant lîx
à fept heures fans interruption; ajoutez-y douze
fois autant d’ochre jaune, que vous aurez fait rougir
& calciner au f e u & réduite en poudre.
Continuez de broyer le tout enfemble pendant
une bonne heure au moins avec là même eau que
defîus : levèz votre couleur de deffus la platine ou
écaille de mer, & mettez-la dans un pot de faïence
bîen net.
. Lorfque vous voudrez vous fervir de cette couleur
, vous la 'détremperez avec de l ’eau claire ,
en la réduifànt à la confîffance d’un jaune d’ceuf délaye,
& obfervez très-exaâement de remuer continuellement
la couleur, avant de la coucher fur
le verre.
Au lieu du .creufèt pour calciner l ’argent par le
foufre & l’antimoine mêlés enfemble,. nos artiftes
récollets fe fervoient d’une cuiller de fer qu’ils fai-
foient d’abord rougir au feu pour emporter, la :
rouille & les ordures qu’elle auroit pu contracter. I
Ils -ftratifioient dans cette cuiller réfroidie un lit'
d’antimoine , un lit de foufre & un lit d’argent,
qu’ils avoient réduit fur l’enclume à coups de marteau
en lames bien minces & coupées de la grandeur
d’un fou marqué.
Ils mettoient le tout fur le feu, jufqu’à ce que
l ’argent fût fondu. Us le reconnoiffoient pour t e l ,
lorfque la compofîtion bien rouge ne donnoit plus
de funiée. Alors ils la verfoient dans une écuelle
d’eau bien nette, qu’ils tenoient auprès d’eux.
Ils l’en retiraient enfuite pour la faire fécher fur
un morceau de craie blanche, qui en épuifè l’humidité
dont il s’imbibe, ou fur une tuile sèche,
bien nette , échauffée fur un réchaud de cendres ;
rouges; après quoi ils la broyoient avec la même
eau qui avoit fervi à l’éteindre, à la rendre friable,
ou fur une écaille de mer, ou fur la platine
de cuivre avec la molette d’acier.
Pour faire une belle couleur d’or, ils broyoient
huit fois autant d’ochre jaune, ou de terre glaife,
ou de vieille argile provenant de la démolition d’un
four, pourvu qu’elle fut bien douce & point fablon-
neüfe.
Ils mettoient l’ochre ou la terre glaife au feu,
l ’éteignoient dans l ’eau claire lorfqu’elle était rouge,
la laiffoient féchér, la broyoient enfuite à fec 8c
féparément, puis la mêloïent avec l ’argent qu’ils
avoient broyé à part pendant fîx ou‘fept heures :
ils broyoient enfin' le tout enfemble pendant une
bonne heure.
Quand le tout, avoit été ainfî broyé, ils le.dé- '
frempoient dans un pot ou gobelet de plomb, où
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ils l’avoiént dépofé , peu à peu avec la même eau
qui avoit fêrvi à éteindre l ’argent en fufîôn, jufi-
qu’à la confîffance d’une bouillie .claire, & couvraient
enfuite le pot avec un couvercle de même
métal.
Pour avoir un jaune plus couvert, au lieu d e huit
onces d’ochre ou de terre glaife rougie au feu , ils
n’en ajoutoient au poids de l ’argent que fîx onces.
Il n’y a point de danger de la trop détremper,
en prenant foin , avant de s’en fervir, & lorfqu’elle
eft raflifè, de retirer par- inclinaifon le trop d’eau
qui y fumage, pour la réduire à l’épaiffeür defîrée ;
& après en avoir employé ce qui étoit nécefîaire,
d’y remettre cette même eau, pour l’empêcher de
fécher, ce qui néceffiteroit à la rebroyer de nouveau.
Le jaune foible, qui fe couche derrière la couleur
verte pour lui donner dans les feuillages un
ton plus gai, fe fait avec la terre de l’ochre qui
a déjà pané par la recuiflon.
On la brode pour Penlever de defîus le verre
recuit, & on la ramaffè à cet effet fur une feuille
de papier.
On la détrempe avec de l’eau claire, en prenant
la précaution d’y ajouter un peu de jaune lorfqu’il
paraît trop foible ; ce dont on peut juger par les
eflais qu’on en fait au feu de la cheminée.
Ils obfèryent encore fort à propos , comme une
chofe conffatée par l’expérience, que le jaune qui
paraît encore foible en retirant les effais du feu,
■ fe fortifie en refroidiflant, & que la qualité d’un
verre trop chargé de fable prend plus difficilement
le jaune à la recuiflon.
La couleur jaune peut fe tranfporter facilement
à la campagne dans une boîte bien couverte.
On l ’y enferme après l’avoir fait fécher, pour
l ’y rebroyer enfuite & l’y détremper pour le befbin
avec un petit bâton garni d’un linge à l ’extrémité j
comme l ’appuie-main d’un peintre.
Couleur rouge dite carnation.
Cette couleur qui a fait à fi jufte titre l ’objet des
recherches de nos aïeux, & dont la vivacité nous
furprend tous les jours dans les belles, vitres peintes
qui décorent nos anciennes-églifes , fbit qu’elle fôit
incorporée dans toute'la mafle du verre., foit qu’elle
-foit pàrfondue fur une de fès. furfaces feulement,
eff, dans le fîècle ou nous vivons, celle dont le
défaut a pu donner lieu dé croire & décrier fî
haut que le fecret de la peinture fur vèrre eft
perdu.
L ’habile, mais trop myftérieux Kunckel , s’eff
contenté d’écrire qu’il avoit le fecret ^de ce beau
vernis rouge pour le verre.
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' Les trois fortes de couvertes ou émaux tranf-
parens rouges que ce chymiffe daigne indiquer, étant 1
deftinées pour être appliquées fur d’autres couvertes
opaques', comme le blanc, produiraient difficilement
fur le verre l ’effet déliré ► Etant d’ailleurs très-
fondantes , elles ne feraient pas propres à ce concert
que nous devons attendre au fourneau de recuiflon
de la part de tous les émaux qui s’emploient dans. \
la peinture fur verre : concert duquel dépend toute j
la perfection de l’ouvrage.,
Prenez, dit Kunckel, dans la première de ces
trois recettes ci-deflus annoncées, trois livres d’antimoine
, trois livres de litharge & une livre de
rouille de fer-: brayez ces matières, avec toute
l’exaétitude poffible,.& fèrvez-vous en pour peindre.
Autre.
Prenez deux livres d’antimoine, trois livres de
litharge, une livre de fafran de mars càlciné, &
procédez comme ci-deflus;
Autre.
Prenez des morceaux de verre blanc d’Allemagne
, réduifez-leS en poudre impalpable ; prenez
enfuite du vitriol calciné jufqü’à devenir rouge,
ou plutôt du caput mortuum, qui refte après la dif-
jtillation du vitriol verd ; édulcôrez-ie avec de l ’eau
chaude pour en enlever les fels ; mêlez avec le verre
broyé de ce caput mortuum autant, que vous-jugerez •
en avoir befoin.
Vous aurez, par ce moyen, un rouge encore plus
beau que les précédens , .dont vous pourrez vous
fervir à peindre. Vous ferez enfuite recuire votre-
ouvrage.
Suivant Haudicquer de Blancourt, il faut, pour
faire cette couleur,, prendre un gros d’é„çaille de
fe r , un gros de litharge d’argent, un demi - gros
de harderic ou ferret d’Efpagne , & trois gros &
demi de rocaille.
Broyez bien le tout enfemble fur la platine de
cuivre durant une bonne demi-heure, pendant laquelle
vous aurez foin de faire piler dans un mortier
de fer trois gros de fanguine. Mettez-les fur
les autres matières.
Ayez enfuite un gros de gomme arabique-très-
sèche; pilez-la dans le même mortier, en poudre
fubtile , afin qu’elle attire ce -qu’il peut y être refté
de fanguine. Ajoutez-la aux autres matières qui
font fur là platine de cuivre , mêlant bien le tout
enfemble & le broyant promptement, crainte que
la fanguine ne fe gâte..
Pour broyer toutes ces matières, prenez un peu
d’eau, & n’en verfez peu à peu qü’autant qu’il en
faut.,pour leur donner une. bonne confîffance ; de
manière qu’elles ne deviennent ni trop dures ni
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trop molles, mais comme toutes autres couleurs
propres à peindre.
Etant en cet état, vous mettrez le tout dans un
verre a boire, dont le bas foit en pointe , & ver-
fèrez aù-deflûs un peu d’eau claire, pour le détremper
avec un petit bâton bien n e t, ou avec le
bout du doigt, ajoutant de l ’eau jufqu'à ce que le
tout -foit de la. confîffance d’un jaune d’oeuf délayé
, ou même un peu plus clair.
Couvrez enfuite le verre d’un papier , crainte
qu’il ne tombe dedans de la pouffière.
Laiflez repofer pendant trois jours & trois nuits,-
fans y toucher.
Verfez le quatrième jour, par inclinaifon, dans
un autre vaiffeau de verre bien net, le plus pur de
la couleur qui fumage, & prenez garde d’en rien
troubler.
Laiflez repofer la liqueur extraite pendant deux
autres jours, après lèfquels continuez de verfèr ce
qui en fumage, comme la première fois.
Mettez-le dans le fond d’un matras Gaffe qui foit
un peu creux, puis le faites deflecher lentement fur
un feu de fable doux , pour le gàrder.
Pour s’en fervir , .on prend un peu d’eau claire
fur un morceau de verre, avec laquelle on détrempe
de cette couleur la quantité dont on a befoin , &
on l ’emploie dans les carnations , à quoi elle eff
très-bonne.
. A l’égard de la couleur reffée au fond dû verre,
& qui eft fort épaifîe , on la fait auffi deflecher #
& oh s’en fert pour les draperies , pour les couleurs
de bois , & autres auxquelles elle peut être
nécefîaire, en la détrempant de même avec de
l’eau.
Selon mes fecrets de famille, dit M. le Vieil ,
prenez deux gros de rocaille jaune, un gros de
pailles ou écaillés de fer, un gros de litharge d’o r,
un gros de gomme arabique , autant.pefant de
fanguine que le tout.
Pilez toutes ces matières dans un mortier de
bronze, & les broyez enfuite fur une platine ;de
I Cuivre.
Quand le tout fera fuffifâmment broyé , c’eff-
à-dire , réduit à une confîffance plus dure que molle,
levez vôtre couleur de defîus la platine, & la
mettez dans un verre de-fougère*
Délayez-y le tout avec de l’eau bien claire ,
puis laiflez repofer la liqueur pendant trois jours
confécutifs. .
Vous vérferez enfuite lentement ce qui en fur-
nagera-fur une boudiné creufè, & vous le mettrez
fécher au fo le il, en .le couvrant de manière que
la pouffière ne puiffe le gâter.
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