
P A S T E L S
ET LES CRAYONS DE DIVERSES ESPECES.
( Art de compofer les )
JL a partie des beaux arts, en traitant de la peinture
, enféignera Tillage des paftels. Mais leur gcSh-
pofîtion, comme celle des crayons ordinaires , appartient
aux arts-méchaniques. La première Encyclopédie
s’explique à peine fur ces deux objets :
Cependant âücün dés procédés de l’induftrie n'eft
étranger à la tâche que ce grand ouvragé s’eft im-
poféè par fbn titre.
DES P A $ T É t 5.
Le motpüfiel dérivé de pâte ou pafte, ainfî qu’on
l ’ortographioit anciennement» Les paftels, en effet,
lont de véritables pâtes contournées en petits rouleaux
d’environ trente lignes de longueur, fur trois
à quatre de diamètre.
L e blanc de Troyes, vulgairement appellé petit
blanc y la terre a pipe 3 & les diverfés matières colorantes
j fôurniffènt la baie dés paftels.
Premier broÿémëht à l'eau fimple.
L e blanc de Troyes éft exempt de ce premier
broiement. La craie dont il eft formé, le trouvé
réduite en molécules fi fines, qu’un nouveau frottement
n’àugménteroit point leur ténuité. Ce blanc
s'achète en pains, & (a préparation eft nettement
décrite, tome i. pag. z i z & fiiivântes dé cet où-
yrage.
L a terre à pipe doit être prife toute purgée du
fable & des pyrites qu’elle contient naturellement-.
Je. confeillerai même de s’épargner encore l'embarras
de la corroyer, en la demandant dans l’état
de perfe&ion où les ouvriers la moulent : elle eft
alors très-pure. Les merciers en débitent des tablettes
fous le nom de pierre a détacher, & ces tablettes
ne coûtent pas fîx deniers l’once,
A l’égard des ftib fiances colorantes, on gagnera
fans doute à les apprêter foi-même.
Ecrafez fur un carreau de marbre ou de porphyre
la couleur, que vous voulez travailler. Hu-
meftez-la d’eau naturelle & broyez-la le plus exactement
pofllble. Ne verfèz l ’eau qu’à foible dofe,
& ramenez toujours au centre du carreau la couleur
qui s’étendra trop. Remettez la molette en
mouvement : bientôt la matière acquerra la con-
fiftance d’une pâte molle & douce au toucher.
Lès couleurs, ainfî broyées , ne doivent point
reftér en maffe. On les partage en petits tas que
les peintres appellent grains ou trockifques : pour
fécher ces grains , on les range fur des feuilles, de
papier, à l ’abri de la pouftière.
Toutes lès couleurs fubiflent le même procédé.
Quand oh a formé des trôchifques , & qu’ils font
fecs, on les renfermé féparément dans autant dé
boîtes particulières.
Ces couleurs en grains font connues & Ce vendent
fous la dénomination de couleurs broyées à
l'eau. Dans cet état, elles fe conferyent fiipérieu-
rement : on ne Gourt donc aucun rifque de s’en
approvifionner même pour lés befoins a venir.
Second broyement à fec.
Le fécond broyement confîfte à pulvérifér le
blanc , la terre à pipe, & , de chaque couleur en
grains, la quantité qu’on prévoit employer de fuite.
Comme juftju’ici toutes cgs matières ne font liées
que par l’intermède de l ’eau , elles fe diviféront
aifément foiis la molette.
Troifiéme broyement a Veau de favoh & à Peau de
gdnïthe. Paftels blancs.
Répandez fuir la pierré autant de blanc que fâ
fîirface vous le permettra. Arrofez-le d’une eau
fortement chargée de favon d’Alicante, & broyez.
Quand la matière bien remuée préféntera le coup-
d’ceil d’un mortier épais , ajoutez-y pour la liaifôn
un peu de gomme , & broyez de nouveau. Cette
. matière donnera les paftels blancs : prélevez fur
Je monceau de quoi fournir à votre nombre , & le
mettez en référve.
N’oublions pas que , pour améliorer ces paftels
qui fêroient de craie pure , on mêle toujours un
peu de cérufe a u blanc de Troyes ; cette addition
lui communique à la fois & plus de corps, & plus
de blancheur : l ’union de l’un à l’autre s opere
en rebroyant l’enfemble fur un coin de la pierre,
ou fur un 'marbre féparé.
Obfervation,
Les' effets -du fayori de la gomme dans les
pdftels j “faciles à faifir : lé faŸôh les ’ rend
moelleux' T là SJmme lès çpnfoiidè,.' Trop tendres? !
ils s’écràfeYpiW dans lès doigts 't r o ^ durs ils !
dratteroient1 je fabliau &.;he marqueraient point. Il
faut hécèïfâïrement prendre uifjufte milieu.
Mélange, fte$ couleurs. .,.
Entre Ja teinte la plus légère 8c chaque couleur
purè, il eft cTufage de compofer quatre A'cinq teim-
feS intérmédiàires. Lès ‘un? fé contentenr de divi- ;
fer le blanc eh autant de ta é ,& de nuancer ce tas
par une augmentation graduelle de couleurs. D’autres,
au lieu du blanc, emploient la terre à pipe
feuleenfin jai.vu mélanger, par égale portion’,
la terré à pipe & le' blanc,' & ce mélangé prp-
dûifoit pour lès paftels un excellent fondement. Le
blanc, refté fur la pierre & broyé , devient donc
une avance.'Lés retranchemens qu’on y fera fans
Celle, Tépuifefont encore affez tôt. .
| Un débutant n’attrapera pas toujours dé prime-
I abord la nuance à laquelle il vifé. Il doit compter
fur des fatonnemens, 'du moins jufqu’à ce que l’ha-
: bitude & la pratique , guides infiniment plus sûrs
dans, les arts que toutes les leçons écrites , aient
[ familiarifé fés yeux & fa main avec les dofés. On
peut , -en attendant, imiter des échantillons.
Les tas deftiriës àux premières teintes , aux teintes
foibles , veulent être rçfèrvés fous de plus
grands volumes. L ’açcroiiïement qu’ils reçoivent de
Tintromiffion des Couleurs, eft prefque nul : les
fuivans , au contraire , en font augmentés d’une
manière fènfîble. Sans cette attention , les tas’finalement
fêroient inégaux , & les afiortimèns incomplets.
, Je n’obfervexai pas que des couleurs ajoutées
toutes sèches fur la terre à pipe & le blanc eh
[ pâte molle , entraînent de nouveaux arîofémens :
\Tépaifieur de. lar matière eh avertit' allez è mais ,
. dans la diftribution des eaux de gomme & de fà-
,Yon , il eft .efténtiel de Jie-point perdre de vue leurs
. effets- îdiftèréss - & .oppofés.
Le fécond .volume ci-dêffiis, page première &
t fui vantés , traite amplement de la compofition des
l diverfes couleurs.' J'y renvoie le le&eur , ainfi qu’à
| l’art du peintre en, bâtiment.
Fqfon des paftels,,
Pou?- bien -façonner les paftels , la matière ne
| doit être ni trop molle, ni trop redurcie. Profitez
du moment o ù , fans avoir perdu fâ foupleiïé ,
elle cefté pourtant de s’attacher, comme une glu ,
aux corps qui font en contaft avec elle.
On partagera la pâte en portions égales , & telles
que/ chacune puiffe fournir une boulette de huit
lignes de diamètre ou environ* A l’aide d’un mouvement
circulaire , la main arrondit les boulettes
fur une table ; & les faifânt enfùite aller & revenir,
elle les allonge en rouleaux.
Cette méthode eft la méthode üfuélle : mais les
paftels ont 'beaucoup meilleure grâce, quand, pour
les allonger, on fait agir fur eux, au lieu de la
main, une fiirface plus régulière. Il eft même aifé
de rendre leur grofteyr absolument fembiable, Pro-
çurez-vous une planchette de fix a fépt pouces de
longueur fur quatre de largeur ; qu’elle foit.ou d’ébène
ou de buis, foigneufement. rabottée. Elevez
cette planchette' fur deux petits fùpports ', que
vous clouerez à fés extrémités les plus diftantes. Il
eft évident que ces deux pièces qui occupent le
deflous de la planchette , la tiendront . élevée de
toute leur épaifleur, & que des boulettes molles
fur lefquelles cette planchette fera promenée juÇ
qu’à ce qu’elle p ° fé , prendront nécefiairement un
diamètre, uniforme. Je ne dis rien de l’élévation
des fùpports : la grofleur qu’on voudra donner aux
paftels y peut feule déterminer cette élévation.
Quant au plan fur lequel on allongera les boulettes
, le plus poli mérite la préférence , & je ne
vois rien de mieux qu’un fragment de glace.
C’eft à Tombre , & lentement, qu’il faut laifièr
fécher les paftels. Le feu d’une cheminée, la chaleur
même du fbleil les erev.afferoit de toutes parts*
Obferv allons.
On lit dans le recueil intitulé Secrets concernant
les arts y tome i , pag. 9 9 une méthode
particulière de eompofér les paftels. Je la tranf-
crirai littéralement, & je m’en permettrai l ’examen,
« Prenez de la terre blanche toute préparée pour
» faire des pipes à tabac , que vous broyerez fur
» le porphyre ou Téçaîlle avec de l ’eau commu-
» ne, enforte qu’elle fo-it en pâte, & prenez des
» couleurs que vous voudrez chacune en fôn par-
» t i ç u l i e r& les broyerez féehement fur la pierre
» le plus fin que vous pourrez, puis les pafîéz par
» un taffetàl ou une toile très-fine , & mêlez cha-
». que couleur avec la pâte , félon que vous vou-
» drez la colorer plus ou moins ; ajputez-y un peu
» de miel commun * & de. l’eau dé gomme arabi-
. ,»• que à .diferétion ».
. Cette recette eft donnée fouade nom du prince
Robert, frère du prince palatin. L ’éditeur courti-
fan Ta qualifiée de très-excellente : un éloge coûte
moins fans doute qu’une vérification : f expérience
lui eût cependant appris :