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Ces poêles font chauffés deux fois £ar jouf dans
les grands froids que {’ai obfervés , de 18 à 2,3
degrés au-deffous du terme de congélation du
thermomètre de Réàumur, pendant les deux ans
que j’ai féjourné à Pétersbourg, mais ce froid-ne
duroit que quelques jours à ce degré de rigueur,
6 remontoit au dix ou douxième.
1 Quelques, poêles ne paroiffent point dans, les
apparternens , mais font mafqués par les tapifferies,
& échauffent ordinairement deux chambres ; ils
s’allume alors dans l’entre-deux des portes; 011 leur
donne beaucoup de furface & il y en a ordinairement
deux dans chaque pièce.
I l y a des poeles de toutes fortes de formes &
de décorations ; quelques-uns faits en forme de
lits de repos, 8c couverts d’un matelas, portent
mollement le maître de la maifon , qui, couché
comme un fybarite , y lit ou foromeille agréablement.
On y a aufli des cheminées , mais on y fait
rarement du feu par les grands froids, excepté dans
des cabinets.
Les planchers de la plupart des chambres font
couverts de deux ou trois tapis l’un fur l’autre ;
le premier de feutre , le fécond d’étoffe commune
de laine , & le troifîème de drap plus ou moins
fin.
Les appartemens des pauvres confiftent en une
chambre baffe, qu’un poêle, qui leur fert aufli de
four échauffe confidérablement, & fur lequel, ou
autour duquel ils couchent fur dès nattes de feutre
, qu’ils roulent le matin dans un coin de la
chambre; le jour entre par une ouverture, par .laquelle
ils peuvënt à peine paffer la tête ; ils font
vêtus de longues foutannes de peaux de mouton
tannées, dont la laine leur touche la peau ; le de- ;
hors en eft propre & blanc, quand'elles font neu- j
,ves , mais elles font bientôt fales , couvertes de !
craffe, dégoûtantes & pleines de vermine : cette
peliffe, des bottes & un bonnet, forment tout
leur habillement d’hiver.
Les riches ont des peliiïès plus ou moins pré-
eieufos, dont ils fe couvrent en entier quand ils
fortent, & qu’ils laiffent dans F anti-chambre des
perfonnes qu’ils vont vifîter ; le fond de leurs voitures
eft garni d’une peau d’ours bien fourrée ; les
jointures des portières font aufli garnies de peliff-
fes ; les chevaux les tranlporte rapidement dans
des équipages dont on ôte les roues , & qui font
remplacées par deux luges peintes & ferrées, qui
font gliffer la voiture comme un traîneau fur la
neige ou la glace, dont la terre eft couverte depuis
le mois de Novembre jufqu’au mois d’Avril,
& permettent tous fes mouvemens.
Boule de terre•
O n a im a g in é des boule* de terre culte, q u i I
mifes dans un- poêle en nômbre proportionné à &
grandeur , y multiplient & eohfervent la chaleur
affez pour ménager un graqd tiers de la confom-
mation & produire une chalebr douce qu’on entretient
alors avec très-peu de boüi
. Moyens de conjlruftion & difiribution de Maifons ,
pour y être a. l'abri du froid, au moyen des poêles.
Les perfonnes nées ou habituées dans les noyau*
mes du nord de l’Europe, & les étrangers , qui ont
paffé un hiver, s’accordent à dire, quand ils féjour-
nent ici dans la même faifon , que dans ce climat ,
de glace & de neige , l’on ne foüffre pas du froid ,
qui y eft exeeflif, lorfqu’il fait du vent, autant que
l’on fouffre ici en hiver de froids, qui font en général
médiocres.
En effet, nous éprouvons les incommodités & les
maux du froid , foit dans nos maifons , foit dehors ,
parce que nous ne favon§ pas nous loger, chauffer &
vêtir fuivant la faifon ; nos foins, fe réduifent ou à
faire de très-grands feux de cheminées dont on ne
peut s’approcher fans fe griller, & cela dans des
pièces où plulîeurs croifées & portes malfermantes
laiffent entrée à des courans d’air qui nous frappent
par-tout, excepté en face du feu;-ou bien on échauffe
les appartemens par" des poêles , au point que l’air
n’a plus affez de reffbrt & de fraîcheur pourfoulever
les poumons & rafraîchir le fan g. En outre , dès
qu’on va au grand air, ne fut-ce qu’un moment, le
, contrafte ou la grande différence de température ne
peut manquer d’être nuifible.
Ainfî, ou nous n’évitons pas lés incommodités du
froid, ou nous y fobftituons des maux plus graves, &
nous paffons parmi les habitans du Nord pour peu
induftrieux ou ignorans de ce qui fe fait ailleurs.
M. le prince de Croy, dernier mort, ayant étudié
les moyens qu’on emploie dans les pays froids pour
fe garantir de la rigueur des hivers, a communiqué
à l’académie des fciences ce qu’il a vu & appris , par
un mémoire qui vient d’être rendu public*
Cet ouvrage a paru dans un temps où le bois eft
cher& difficile à acquérir pour ceux'même qui ont
de l ’argent.
Chacun, en approchant le plus qu’il pourra des
moyens que l ’on emploie dans le nord, diminuera à
proportion de fa dépenfe en bois ; ou s’en paffera,
parce qu’il eft poflible de chauffer les appartemens
comme dans le Nord, avec du charbon de terre &
de la tourbe, fans avoir les incommodités de ces
combuftibles.
Si ce n’eft pas toujours par la violence, c’eft par
l’humidité encore plus malfaifante , que nos hivers
deviennent difficiles à fupporter fans fouffrance &
fans maladie, du moins pour les vieillards, les gens
délicats, foibles, convalefcens, & les femmes 3 enfin,
pour tous ceux dont un peu de mouvement n’entre-
tient pas la chaleur naturelle.
Le mémoire intéreffant de M. lejprincê de Croy , ;
& auquel eft joint un plan, a pour titre:
Maifons des pays froids, ou difiribution de maifon
propre a garantir des froids rigoureux de l hiver , & même de grandes chaleurs de l ’été, avec les moyens
de l’échauffer au meilleur marché poffible.
»• Les maifons font confiantes de la manière la
plus parfaite, pour que l’air extérieur ne pénétré
dans les appartemens qu’on habite, qu’apres s’etre
échauffé , 8cqu’au meilleur marché poflible elles fe
trouvent échauffées dans toute leur étendue, au degre
de la chambre de fanté ; avec cette différence néanmoins
que le milieu eft iin peu plus chaud , & que
les parties éloignées du milieu font tant foit peu au-,
défions’ de ce degré ; au moyen de ce procédé que
l’on fuit toujours dans la proportion de -la température
extérieure, on fait régner dans tout l’intérieur,
pendant tout l’hiver, line chaleur égale & douce ,
dans laquelle les orangers pourroient vivre.
Au-deffus de l’entrée ( & il eft à ôbferver qu’il n’y
en a jamais qu’une ) , s’élève en faillie un grand auvent
de fer-blanc, foutenu par trois barres de fer,
pour éloigner la neige.
Il y a au-deffous, pour le même effet, une grande
marche de huit pouces de hauteur ; les carrofles joignent
tout contre , & de la portière on enjambe fur
la marche.
Le grand art eft d’intercepter toute communication
avec l’air extérieur , & d’échauffer, par un ou
plufieurs poêles, des tuyaux defquels on tire le meilleur
parti poflible, de façon que pas un des atomes
de chaleur, que peuvent fournir un poêle & fes tuyaux
parfaits, ne foit perdu.
Les contours qu’on donne pour cela en Suede aux
tuyaux de poêle, méritent d’être étudiés : c’eft un
chef-d’oeuvre.
Il en réfulte que la chaleur étant entretenue nuit
& jour au degré nécèffaire, une très-petite quantité
de feu fuffit.
Dans certaines parties de la Suède, le bois eft à
bon marché, & dans la plus grande partie du Nord,
on fe procure à très-bon compte des boulettes & briquettes
de charbon de terre, mêlées d’argile tami-:
fée,& fur-tout des boulettes & briquettes de tourbe,
de terré alumiueufe & autres qu’on tire, tant du
pays, que du retour des vaiffeaux de Hollande.
. Ainfî, les poêles font échauffés prefque fans dépenfe
, & on fait que c’eft dans le Nord qu’on les fait
en perfedion, tant en fonte de Suède, qu’eif terre.
On peut comparer les défauts multipliés de nos
tnaifons_ avec le plan ci-joint.
C’eft l’aïr extérieur qui introduit le froid en hi<-
ver, & la chaleur en été...& nos maifons font
garnies de cours, de corridors & d’efcaliers qui y
communiquent en plein. Rien ne ferme; le vefti-
bule & l’efcalier font comme en plein air, &
refroidiffent toute la maifon. D’une chambre tres-
échauffée en hiver, ou fraîche en été, pour aller
à cellê qui lui correfpond, il faut paffer par des
endroits de communication , froids l ’hiver, &
brûlans l’été. Nous allons fournir les moyens de
faire la comparaifon.
Après- quelques explications préliminaires , _ je
donnerai le plan d’une bonne maifon ^ bourgeoife
des pays froids, difiribuée félon mes idees.
Je développerai les avantages de ce plan, pour
rendre une maifon de cette efpècé inacceflîble au
froid dans les pays où il eft le plus rigoureux, &
pour l’échauffer même à beaucoup meilleur marché
que dans les climats tempérés où l’on ne fait
pas prendre les mêmes précautions.
On comprend aifément que le nombre des poêles
fe règle fur l’étendue de la maifon & les facultés
de ceux qui l ’habitent. Avec trois o u fix ,
les plus vaftes maifons peuvent être à l ’abri du
froid.
Celle dont je donne le plan, eft de cinq ou fix
chambres, pour loger'toute une famille, ou plu-
fîeurs maîtres.
Les moindres maifons n’ont befoin que d’un
petit poele très-peu difpendieux, & encore eft-on
dans l’ufage de ménager, dans l ’intérieur de ce
poêle,,| de petites cavités'qui fervent de cuifîne
pour faire cuire les viandes à l’étouffade dans des
petits pots de terre bien fermés.
C’eft aufli l’ufage en Allemagne , & ces ragoûts
font excellens.
On ne peut trop répéter, qu’avec le foin d’éviter
la communication de l’air extérieur par le
moyen des tambours multipliés & des portes à valet,
dont j’expliquerai la forme , tout confifte dans ht
perfedion des poêles , & fur-tout dans l’art de distribuer
leurs tuyaux.
Nous faifons dans cette partie des fautes fans
nombre : outre que nous n’avons pas foin d’interdire
tout accès à l’âir extérieur , nous ne tirons
prefqu’aucun parti de nos poêles & de leurs tuyaux,
ni même de nos tuyaux de cheminée.
La cheminée, pour 11e pas fumer, a befoin de
tirer l’air extérieur, par conféquent nous l’attirons
au lieu de l ’éviter.
Nous nous brûlons d’un côté pour geler de l’autre
: nous nous enrhumons aupfes du feu, & nous
i perdons tous les effets de chaleur que pourroient