
.Les liqueurs acides préviennent la corruption,
mais elles rcduifent les parties en mucilage.
Les efprits ardensdes racorniiïènt, en changeant la
couleur , & détruifent la couleur rouge des vaiflèaux
irijeCtés.
L ’efprit de térébenthine, outre qu’il a les mêmes
inconvéniens des liqueurs fpiritueufes, a encore
celui de devenir épais & vifqueux.
Mais., fans s’arrêter ici plus long-tems fur les
defauts des liqueurs qu*on peut employer, ilfemble
que la meilleure eft un efprit ardent reCtifié, n’importe
qu’il foit tiré du vin ou des grains ; lequel eft
toujours limpide, qui n!a aucune couleur jaune &
auquel on ajoûte une petite quantité d’acide minéral
, tel qu eft celui du vitrioL ou du nitre. L ’une
& l’autre de ces liqueurs réfîfte à la pourriture , &
les défauts qti’elles ont féparément fe trouvent corrigés
par leur mélange..
Lorfque ces deux liquides font mêles dans la proj
portion requife , la liqueur qui én réfulte ne change
rien à la couleur , ni à la confîftance des parties ;
excepté celles où il fe trouve des liqueurs féreufes
ou vifqueufes, auxquelles elles donnent prefqu’au-
tant de confîftance que l’eau bouillante.
Le cerveau, celui même des enfans nouveaux-
nés, acquiert tant de fermeté dans cette liqueur ,
qu’on peut le manier avec beaucoup de liberté.
L e cryftallin 8c l’humeur vitrée de l’oeil y acquièrent
aufli plus de confîftance , mais ils en for-
tent blànçs & opaques.
Elle coagule l’humeur que filtrent les glandes
fébacées, lamucofî.é, la liqueur fpennatique, &c.
Elle ne produit aucun changement fur les liqueurs
aqueufes ou lympatiques ; telles que l’humeur
aqueufe de l’oeil, la férofîté lymphatique du
péricarde & de l’amniôs.
Elle augmente la cou leur , rouge des injgCtions,
de manière que les vailfeaux qui-ne paroifloitnt
pas d’abord, deviennent trës-fenfîbies lorfque la
partie y a été plongée pendant quelque tems.
Si l’on compare ces effets avec ce que Ruyfch -a
dit en différens endroits de fes ouvrages , au .fujet
de ces p ré p a ra tio n s , on trouvera que la liqueur
qu’on vient de décrire approche beaucoup pour les
propriétés de fa liqueur balsam iq u e ; d eft ainfî qu’il
nomme celle dont il fe fert pour conferver les p rép
a r a tio n s humides. •
La quantité de la liqueur acide qu’il faut- ajouter
à l’ëfprlt ardent, doit varier félon la nature de la
partie qùe l’on a conferver, & félon l’intention de
î ’anatomifte.
Si l’on veut donner de la confîftance au cerveau,
aux humeurs de l ’oeil, &c; il faut une plus grande
quantité de la liqueur. Far exemple, il faudra.deux
gros d’efprit de nître fur une livre d’efprit-dê-virt
reCtifié.
Lorfqu’on veut feulement conferver les parties,
il fiiffiva d’y en mettre trente ou quarante gouttes,
ou même moins, fur-tout s’il y a des"os dan« la’
partie préparée. 'Si'on en mèttoit une’ trop- grande'
quantité les os deviendraient d’abord flexibles, &
enfuite iis fe difloudroient.
Lorfqu’on a plongé quelque partie dans cette liqueur
, il faut avoir une attention particulière qu’elle
en foit toujours couverte ; autrement, ce qui fe
trouve hors du fluide perd fît couleur , & certaines
parties fe durciflènt, tandis que d’autres fe dif-
folvent.
Pour prévenir donc autant qu’il eft poflibie l’évaporation
de la liqueur, 8c pour empêcher la communication
de l’air qui fait que la liqueur fpiri-
tueufe fe charge d’une teinture, il faut boucher
exactement l’ouverture de la bouteille avec un bouchon
de verre ou.de liège enduit de cire , & mettre
par-deflus une feuille de plomb, de la veflie ou
une membrane ; par ce moyen la liqueur fe con-
fervetâ un tems coiifîdérable, fans aucune diminution
fenfîble.
Quand on a mis à-peu-près allez de liqueur pour
atteindre le haut de la p r é p a r a tio n , il faut pour la
couvrir entièrement, ajouter de l’efprit-de-vin fans
acide, crainte que celui-ci ne s’échappe.
Lorfque la- liqueur fpiritueufe devient trop colorée
, il faut la verfér & mettre fur les p ré p a ra tio n s
une nouvelle liqueur moins chargée d’acide que la
première.
On confervera cette ancienne liqueur dans une
bouteille bien bouchée, & on s’en fervira pour laver
les p rép a ra tio n s nouvelles, & pour les dépouiller
de leurs fuçs naturels ; attention qui eft toujours
néceflaire, avant que de mettre quelque partie que
ce foit dans la liqueur balfamique ; & toutes les
fois qu’on renouvelle cette liqueur, il faut laveries
p ré p a ra tio n s dans une petite- quantité de la liqueur
fpiritueufe limpide ,* afin d’en enlever tout ce qui
pourrait y réfter de la liqueur ancienne & colorée,
ou bien il faut faire une nouvelle p ré p a ra tio n .
Les liqueurs aufli qui ne font plus propres à fervir
dans des vailfeaux de verre tranfparens, peuvent
être encore d’ufage pour conferver dans des vaif-
feaux de terre- ou de verre commun , certaines parties
qu’il- faut tirer hors de la'liqueur pour les examiner*.
Il eft bon d’obferver ici que les vailfeaux de verre
dans lefquels on doit démontrer les préparations,
doivent être d’un verre épais, & le plus tranfpa-
rent qu’il eft poflibie, parce que ces vailfeaux laiflent
voir les parties d’une manière plus diftinCte , fans
rien changer à leur couleur, & groflîfîènt en même-
temps les objets., de forte qu’on découvre par leur
moyen les parties qu’on n’appercevroit pas, les yeux
nuds, lorfqu’elles font hors du vailfeau.
Puis dojic que le verre & la liqueur ont un certain
foyer auquel les objets font vus plus diftinCte-
ment, il fera à propos de trouver quelque expédient
pour tenir la partie préparée à une diftance
convenable des parois du verre.
C ’eft ce qu’on peut faire en mettant dans le vaifî-
feau quelque petite tige branchue de plante, ou un
petit bâton, ou en attachant le fil ou le cheveu
qui foutient la p ré p a ra tio n à un 'des côtés du vaif-
feau.
Quiconque s’adonne à l ’exercice de l ’anatomie,
trouvera fans peine de femblables moyens, nécef-
ïaires pour tenir les parties étendues, & pour les
faire voir dans le point de vue le plus favorable.
On doit enfin avertir ici les anatomîftes d’éviter
autant qu’ils pourront de tremper les doigts dans
cette liqueur acide, ou de manier les p rép a ra tio n s
qui en feront bien imprégnées , parce qu’elle rend
la peau fî dure pendant quelque temps, que les
doigts deviennent incapables d’aucune diflèCtion
fine. M. Mouro dit qu’il n’a rien trouvé de mieux pour
remédier à cette fécherelfe de la peau, que de fe
laver les mains dans l’eau à laquelle on a ajouté
quelques gouttes de tartre par défaillance.
O b fe rv a tio n s f u r l 'I n j e c t i o n p o u r les p ré p a ra tio n s
a n a to m iq u e s.
L ’ i n j e c t i o n eft un art nouveau qui a beaucoup
perfectionné les p ré p a ra tio n s a n a to m iq u e s ; elle
a fur-tout été très utile à l ’hiftoire des vailfeaux du
corps animal, pour en découvrir la liruéture la plus
in cime.
Comme lès vifeères font compofés de vailfeaux ,
de pulpe nerveufe & de cellulofîté , & que ces vaif-
féaux deviennent invifîblesf, même avant que d’être
capillaires, V in je â io n augmentant leur diamètre ,
leur donne une couleur plus forte , & les préfer-
Vâhtde la pourriture , a révélé une grande partie
des parties élémentaires.des vifeères ; & fi l’on avoit
un moyen de colorer & de groflir également les
nerfs, on ferait, fans doute des découvertes bien importantes
encore.
C’eft Jacques Berenger de Carpi, qui le premier
s’eft fervi de V Jn jeü io n .
Il s’en eft tenu à l’eau fîmple , qui peut fèrvir à
découvrir la communication des vaiflèaux ; mais
qui ne les foutient pas, & s’écoulant par la moindre
blelfure, eft beaucoup plus imparfaite que ne le
font les in je lïio n s folîdes.
Ce fut Swammerdan qui aux liqueurs colorées
fubftitua la cire. Son. intention paraît avoir été
de conferver les parties du corps animal féchées.
Ruyfch profita de fon exemple & de Tes leçons, i l
fubftitua une liqueur plus fine à la cire qui eft trop
dure & trop tenace, &.qui fe prend trop aifément
par le moindre degré de froid.
On croit que ce fut le fuif qu’il in jedôit ; mais
on préfiime quec’étoit une matière plus fine. Ruyfeh
avoit certainement des fecrets qu’on a perdus,
comme celui de conferver des enfans- entiers & des
vifeges avec la couleur & l’embonpoint naturels.
Cela eft très-aifé pour un temps. Une inje&ion
de colle de poiffoii colorée avec la cochenille rend
au cadavre toutes les grâces attachées à la v ie, &
le coloris le plus flatteur. Mais la colle a le défaut
d’aroir befein d’eau ou d’efprit de vin pour être
rendue fluide: ces liqueurs s’exhalent à l’air, les
vailfeaux s’affaiflènt, le fujet fe ride en fe féchant
& fe réduit à rien; c’eft un inconvénient qu’on n’a
pas encore fu éviter.
Il faut avouer que les préparations de Ruyfch
étoient d’une grande beauté ; elles avoient cependant
un inconvénient : il rempli (foit les veines avec
les artères, & il eft fort difficile de féparer les deux
claffes de ces vaiflèaux dans fes figures anatomiques.
Il les a certainement confondues dans l’anatomie
de l’oeil.
Albinus imita Ruyfch, & injeCta fupérieurement
fans reveler la matière dont-il s’eft fervi. Les injections
qù’il faifoit pour des p ré p a ra tio n s étoient
de la plus grande beauté. Cependant M. Lieber-
kuhn lui reprochoit l’épanchement de la liqueur
injeCtée dans le tiflu cellulaire.
Ce dernier ànatomifte étoit doué d’unefineflè
dans la vue prefque unique; fes tafens le mirent
en état de perfectionner l ’art d’injeCter. On 11e pou-
voit voir làns admiration le réfeau vafculeux répandu
fur la furface intérieure de la choroïde, les
petits vaiflèaux des rayons ciliaires & d’autres préparations
de ce favant ; & c’eft une vraie perte pour
l’anatomie qu’il n’ait écrit que fur la tunique veloutée
des inteftins. ,
Nicholls avoit inventé l’art d’injeCter des vaif-
feaux avec une matière folide; de détruire par le
moyen des elprits acides, ce qu’il y avoit de cellulaire
& de membraneux, & de ne conferver que la
matière qui s’étoit moulée fur les vaiflèaux.
M. Lieberkuhn fuivit cette idée; ilinjeCtoit dans
les vaiflèaux de la cire mêlée d’une cinquième partie
de celophonium, & d*un dixième de térébenthine
; il colorait cette matière, •& quand elle étoit
refroidie, il détruifoit' par l’huile de vitriol la partie
membraneufe de la préparation. Il enfermoit
enfuite le tiflu des vaiflèaux dans du gypse; il le
mettoit au feu r la cire fe détruifoit, & le gypse
fervoit de moule au vif-argent que M, Lieberkuhn y
faifoit couler.