P I N C E A U ( Art de graver au ).
C^ ette nouvelle méthode de graver au pinceau,
mife au jour par M. S tapait en 1773, eft plus
prompte qu’aucune de celles qui font en ufage. Elle
peut même être exécutée facilement, fans avoir
l ’habitude du burin ni de la pointe.
. C’eft ce qui a fait dire au célèbre M. Coehin,
cenfeur royal, bon juge en cette matière, que les'
recherches contenues dans le petit traité que nous
inférons dans ce dictionnaire-, & le défîntéreflement
avec lequel l’auteur les communique, font dignes
4’éloge de font de la plus grande utilité.
Tout ce qui fuit eft dans les propres exprefftons
de M. Stapart.
î La manière de graver au pinceau, dît cet auteur
généreux, n’eft due qu’à mes recherches, dirigées
du coté des arts que j’ai toujours aimés.
Je ne donne le fecret de perfbnne. C’eft mon
propre bien dont je difpofe en faveur des artiftes
& amateurs ; la foiblefle de ma vue ne me permettant
pas d’en-faire ufage, je me fais un fcrupule
de laifler éteindre avec moi une découverte qui
deviendra utile.
Non-feulement les paveurs trouveront de quoi
les intérefler', mais meme les' peintres & les defli-r
nateurs auront cet avantage, que fans avoir l’ufàge
du burin, ils pourront, avec fupériorité, exercer
ce genre de gravure , qu’ils trouveront facile dans
fbn exécution ,& fî prompt, qu’ils pourront graver
avec moins de temps qu’on n’en emploie à faire Jp
deflin. Je dis plus, ceux qui ont le don de la
composition pourront defliner & finir leur fujet fur
Ja planche , comme fur le papier, fur-tout après
s’être un peu familiarifés à cette méthode , qui em-
hrafle tous les genres , figures , marine , payfàges,
hifioire naturelle, même le portrait, fuivant le goût
le talent de l ’artifle.
Les auteurs qui donneront des traités d’architecture
ou de fortifications ; ceux qui traiteront de la
géométrie, perfpeâive , planimétrie , &c. n’auront
rien dre plus convenable pour multiplier leurs def-
fins, qu’ils pourront graver eux-mêmes, ou qu’ils
pourront faire exécuter plus promptement, en diminuant
considérablement les frais de l’impreflion.
On pourra ? par les inoyens que j’indique , renr
dre par gradation, depuis la plus légère demkteinte,
jufqu à la plus foncée ; il fera poflîble de les fondre
& noyer imperceptiblement Igs unçs dans Içs au*
très, s’i l eft nécefîaire.
h dijUngue deijs opératiens, P^t lu presnjçrç,
on pourra imiter un deflin lavé , d’un bon maître :
en y réunifiant la fécondé, on pourra copier
exaftement un tableau ; cette découverte , entre
les mains d’un habile artifte , deviendra d’autant
plus utile, qu’elle fera plus agréable & plus prompte
quç la gravure à la pointe.
Pour ne pas interrompre ma narration, j’aî renvoyé
à la fin , la compofîtion des vernis, mordans
& eaux-fortes,. &c.
J ’ai infère à la fuite de chaque opération , des
obfervations & des notes que j’ai cru abfolument
néceflaires.
Le premier morceau fa it, mettra l’artifte en état
de varier l’ordre que j’ai donné, fuivant la défie-*
rence des fujets qu’il exécutera enfuite : fans autrç
feçpurç pn pourra mettre la main à l ’oeuvrç.
Maniéré de graver à Vimitation du lavis,
Si je n’écrivoîs que pour les graveurs, je débiw
térois par le détail du genre que j’annonce.
Mais "comme ii fuffit de polféder le deflin (fans
avoir fait ufage du burin ni de la pointe ) poue
l’exercer, je me crois obligé de tranferire les préceptes
préliminaires des auteurs qui ont écrit fur
cet art.
C ’eft dans çès fôurces que j’aî puifé pojir m’in-£
truirç d’un art que je ne connoifTois pas; mais je
ne rapporterai de ces auteurs que ce qui fera né*
cefîaire à mgs opérations.
Choix du çuivre, -
Jufqu’à préfent pn a donné la préférence au
cuivre rouge ; on convient cependant de les défauts ;
je ne parlerai que de ceux qui fbnt relatifs à l’effefc
de l ’e^u-forte.
Les petitsirous qui fè trouvent fouvept fiir le oui-?
vre,quoiqu’imperceptibles, ne peuvent faire qu’un
très-mauvais effet, quelque bien qu’ils puiflent être
recouverts par le brunifloir : l’eau forte qui 11e doit
agir fuivant mon procédé, qu’en formant de pareils
petits trous, fe rencontrant au-defliis, s’y forme
bientôt un-partage qui nuit à l ’égalité, & fait un
effet défàgréable , fiir-tput fur une demi-teinte.
*
Mais lç cuivre aigre d,ans des parties, & mou
dans d’autres, eft encore plus mauvais ; l ’.eau forte
mange durement les parties aigres, & ne travaille
d$n$ jLe§ cpdrpit? , ce quj
forme une irrégularité ; les graveurs à la pointe
s’en plaignent également.
C ’eft pourquoi je fuis fùrpris qu’on n’ait* pas !
cherché à y remédier ; j’ai cru devoir l’entreprendre,
& je me flatte, après-plufîeùrs expériences,
d’y avoir réufli : la peine & les frais feront plus
confidérables ; mais la beauté & la facilité de l’exécution
en dédommageront.
Sur deux parties de beau cuivre de rdfette, il
faut une partie de bon laiton, tel que celui dont
les horlogers fe fervent pour faire des roues de ren- '
contre.
On fait fondre dans un creufet, chez un fondeur,
premièrement le cuivre ; lorfqu’ii eft en fufîon
, on y jette le laiton , on couvre la fuperficie
avec une bonne poignée de cendre gravelée ou de
fbudé, pour garantir le zinc qui entre dans la .
compofîtion du laiton ; il fe brûlerait facilement
fans cette précaution.
Par ce moyen vous pouvez attendre une fufîon
complette ; dans cet état faites couler la matière
en forme de planche de cinq à fîx lignes , épaif-
feur qu’elle doit avoir avant d’être planée*
Evitez le laminoir autant que vous pourrez, à
moins que vous ne vous en fèrviez que lorfque la
planche approchera par-tout de l’épaifteur convenable
, autrement elle y fouffriroit inégalement une~
preflîon qui pourroit renouveller une partie des défauts
dont on veut fe garantir.
Les graveurs .au burin auraient plus de fatisfkc-
tîon. du cuivre ordinaire, dont ils fe fervent, s’il
n’avoit pas été laminé.
En préférant le marteau, faites étendre la planche
le plus uniment qu’il fera poflîble, en recommandant,
dans le commencement de l ’ouvrage-, de
la faire rècuire de temps en temps, de crainte
qu’elle ne crève.
Si cela arrivoit, ce ne feroit. que fur les bords. Il
faudrait la faire’couper net à cet endroit, autrement
elle gagneroit, & on feroit obligé de la faire re
fondre : mais avec un peu d’attention on évite cet
accident ; car ce cuivre eft très-dudile. .
Quand Iaplarrche approche par-tout de l’ép ai fleur
Convenable, 011 ne doit plus la remettre au feu,
étant héceflàire qu’elle foit bien écrouie : cette
compofîtion eft beaucoup plus égale que celle du
cuivre ordinaire , qui n’a pas été purifié exactement.
Le. cuivre de rofette, au contraire, eft dans
toute fa pureté r le $inc ou la calamine qui entre
pour un tiers dans la compofîtion du laiton , facilite
la fufîon, qu’il rend plus complette, & fon
mélange le rend moins gras-, il eft vrai que l’eau-
forte a plus,, d’aétibn fur lui, mais également fur
Arts & Métiers, Tom.~ VI*
toutes fes parties, ainfî on en eft quitte pour l’afe
foiblir.
L e travail n’en eft que plus beau»
On doit drefler & couper net fa planche avec
l’équerre, avant de l’ufer & de la brunir, comme
il fera dit.
Cette manière de graver peut cependant être
executée fur une planche de cuivre ordinaire, fur-
tout pour la première opération.
A l’égard de la fécondé, on ne pourra réuflit
parfaitement fans avoir recours à cette compofîtion,
c’eft pourquoi je me trouve dans la n.éçeflité,
de tranferire ici la manière de préparer fa planche
, comme je l’ai trouvée dans l ’encyclopédie.
" « Le cuivre, dont on fe fert pour la gravure â
l’eau forte eft le cuivre rouge.
» Le choix, que l’on fait de cette efpèce de cuivre.
eft fonde fur ce que le cuivre jaune eft commu- ,
nément aigre ; que fa fubftance n’eft pas égale ; ’
qu’il s’y trouve des pailles , & que ces défauts,
font des obfiad.es qui s’oppofent à la beauté des
ouvrages auxquels on le deftineroit.
» Le cuivre rouge même n’eft pas totalement à
l’abri -de ces défauts ; il en eft dont la fubftance
eft aigre, & les- traits qu’on y grave fe reflen-'
tent de cette qualité ; ils font maigres & rudes : il
s’en trouve dont la fubftance approche (quant à
cette qualité ) de celle du plomb; les ouvrages que
l’on y grave n’ont pas la netteté qu’on voudrait
leur donner.
» .L’eau-forte ne l’entame qu’avec peine , elle
ne creufê pas, & trompe l ’attente du graveur.,
» Quelquefois on rencontre dans une même plan-,
che de cuivre ces qualités oppofées ; enfin , on y
trouve de petits trous imperceptibles , ou des taches
défagréables-.
» Le cuivre rouge qui a les qualités les plus propres
à la gravure, doit donc être plein , ferme,
liant, &c.
» La façon de connoître s’il eft exempt des défautscontraires,
c’eft d’y former quelques traits avec
le burin, en differens fèns ; alors, s’il eft aigre,
le bruit que fera le burin en le coupant, & le fèn-
timent de la main , vous l ’indiqueront; s’il eft mou,
ce même - - fentiinent vous rappellera l’idée- du
; plomb ; vous le découvrirez ainfî.
» Lorfqu’on a fait choix d’un cuivre propre à
graver, on doit mettre fes foins à ce qu’il reçoive
la préparation qui lui eft néceflaire pour l ’ufage
auquel on le. deftine.
» Les ehaudroniers l’applaniflent, le coupent, le
poliflent; mais il-eft à propos que lés graveurs con-
noifîent eux-mémes ces préparations, parce qu’il
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