du potier, on applique fur ce modèle de la terre propre
pour les moules : cette terre s’y imprime & le
moule fe Fait de pluneufs pièces , dont chacune eft
d’un affez gros volume : on le laiffe durcir quand la
figure y eft Imprimée.
Lorlqu’on veut s’en fervir, on l’approche du feu
pendant quelque tems, après quoi on le remplit de
la matière de porcelaine a proportion de Fépaiffeur
qu’on veut lui donner : on preffe avec la main dans
tous les endroits, puis on prélente un moment le
moule au feu. Aufli-tôt la figure empreinte fe détache
du moule par l’adion du feu, laquelle con-
fume un peu de l ’humidité qui colloit cette matière
au moule.
Les différentes pièces d’un tout tirées feparément,
fe réuniffent enfuite avec de la matière de porcelaine
un peu liquide. C’eft ainfi qu’on fait des figure.s d’animaux
toutes mafïives : on laiffe durcir cette maffe,
& on lui donne enfuite la figure qu’on fe propofe,
après quoi on la perfectionne avec lecifeau, ou l ’on
y ajoute des parties travaillées féparément. Ces fortes
d’ouvrages fe font avec grand foin, tout y eft recherché.
Quand l’ouvrage eft fini, on lui donne le vernis,
& on le cuit : on le peint enfuite fi l’on veut de
diverfes couleurs ; & on y applique l ’or, puis on le
cuit une fécondé fois. Des pièces de porcelaines
ainfi travaillées , fe vendent extrêmement cher.
Tous' ces ouvrages doivent être mis à couvert du
froid; leur humidité les fait éclater, quand ils ne
sèchent pas également. C’eft pour parer à cet inconvénient
qu’on fait quelquefois du feu dans ces laboratoires.
Des moules de la porcelaine.
Ces moules fe font d’une terre jaune, grafie, &
qui eft comme en grumeaux : on la tire d’un endroit
qui n’eft pas éloigné de King—te-tching. Cette terre
fe pétrit ; quand elle eft bien liée & un peu durcie,
on en prend la quantité néceffaire pour faire un
moule, & on la bat fortement. Quand on lui a donné
la figure qu’on fouhaite, ôn la laiffe sécher; après
quoi on la façonne fur le tour. Ce travail fe paie
chèrement. Pour expédier un ouvrage de commande,
on fait un grand nombre de moules, afin que plusieurs
troupes d’ouvriers travaillent à-la-fois.
Quand on a foin de ces moules, ils'dùrent très-
long-tems. Un marchand qui en a de tout prêts pour
les ouvrages de porcelaine qu’un Européen demande,
peut donner (a marchandise bien plutôt & à meilleur
marché , & faire un gain plus confidérable que nefe*-
roit un autre marchand qui autoit ces moules à faire.
S’il arrive que ces moules s’écorchent, ou qu’il s’y
faffe la moindre brèche , ils ne font plus en état de
fervir, fi ce n’eft pour porcelaines de la même
figure, mais d’un plus petit volume, On les met alors
fur le tour, & on les rabote afin qu’ils pulffent fervir
une fécondé fois.
Des peintres fur la porcelaine.
Il eft tems d’ennoblir la porcelaine en la fai Tant
paffer entre les mains des peintres. Ces hoa pei, ou
peintres de porcelaine, ne font guère plus confidérés
que les autres ouvriers : il n’y a pas de quoi s’en étonner,
puifqu’à la réferve de quelques-uns d’eux, ils
ne pourroient paffer en Europe que pour des appren-
tifs de quelques mois. Toute la fciencede ces peintres
chinois n’eft fondée fur aucun principe, & ne
confîfte que dans une certaine routine , aidée d’un
tour d’imagination allez bornée. Ils ignorent toutes
les belles régies de cet art. Il faut pourtant avouer
qu’ils ont le talent de peindre fur la porcelaine, aufti
bien que fur les éventails & fur les lanternes d’une
gaze très-fine, des fleurs , des animaux & des payfa-
ges qui font plaifîr.
Le travail de la peinture eft partagé dans un même
laboratoire entre un grand nombre d’ouvriers. L ’un
a foin déformer uniquement le premier cercle coloré,
qu’on voit près des bords de la porcelaine : l’autre
trace des fleurs, que peint un troifième : celui-ci
eft pour les eaux & pour les montagnes : celui-là
pour les oifeaux & pour les autres animaux. Les figures
humaines font d’ordrnaire les plus maltraitées :
certains payfages & certains plans de ville enluminés,
qu’on apporte d’Europe à la Chine, ne nous permettent
ils pas de railler les Chinois fur la maniéré dont
ils les repréfentent dans leurs peintures.
Des différentes couleurs de la porcelaine.
Pour ce qui eft des couleurs de la porcelaine, il y
en a de toutes les fortes. On n’en voit guère en Europe
que de celle qui eft d’un bleu vif, fur un fond
blanc. Il s’en trouve dont le fond eft femblable à
celui de nos miroirs ardens : il y en a d’entièrement
rouges, & parmi celles-là les unes font d’un rouge à
l’huile, les autres font d’un rouge foufflé, & font fe-
més de petits points à-peu-près comme nos miniatures.
Quand ces deux fortes d’ouvrages réufliffent dans
leur perfection, ce qui eft affez difficile, ils font extrêmement
chers.
Enfin il y a des porcelaines où les payfages qui J
font peints, fe forment du mélange de prefque toutes
les couleurs relévées par l ’éclat de la dorure. Elles
font fort belles G l’on y fait de la dépenfe ; mais au:re-
meiit la porcelaine ordinaire de cette elpèce n’eft
pas comparable à celle qui eft peinte avec le feul
azur.
Les annales deKing-te-chingdifent qu’ancienne-
ment le peuple ne fe fervoit que dz porcelaine blanche
: c’eft apparemment parce qu’on n’avoit pas trouvé
aux environs de Jao-tcheou un azur moins précieux
que celui qu’on emploie pour la belle porctr.
laine} lequel vient de loin & fe vend affez Cher.
On raconte'qu’un marchand de porcelaine ayant
fait naufrage fur une côte déferte, y trouva beaucoup
plus de richeffes qu’il n’en avoit perdu. Comme il er-
roit fur la côte tandis que l’équipage fe faifoit un
petit bâtiment du débris du vaiffeau, il uppercut que
les pierres propres à faire le plus bel azur y étoient
très-communes : il. en apporta avec lui une groffe
charge; & jamais, dit-on, on ne vit à King-te-tching
de-fî bel azur. Ce fut vainement que le marchand
chinois s’efforça dans la fuite de rétrouver cette côte
où le hafard l ’aVoit conduit.
Telle eft la manière dont l’azur fe prépare : on
l’enfevelit dans-le gravier qui eft de la hauteur d’un
demi-pied dans le fourneau : il s’y rôtit pendant 24
heures, enfuite on le réduit en une poudre impalpable
, ainfi que les autres couleurs, non fur le marbre,
mais dans de grands mortiers de porcelaine, dont le
fond eft fans vernis; de même que la tête du pilon
qui fert à broyer. " ~ ,
Il y a là-deiïus quelques obfervations à faire :
1®. Avant que de l’enfevelir dans le gravier du fourneau
où il doit être rôti, il faut le bien laver, afin
d’en retirer la terre qui y eft attachée. 2,0. Il faut
l’enfermer dans une caiffe à porcelaine bien luttée.
3°. Lorfqu’il eft rôti on le brife, on le pafie par le
tamis, on le met dans un vafe verniffé, on y répand
de l ’eau bouillante, après l ’avoir un peu agité, on en
ôte l’écume qui fumage ; enfuite on verfe l’eau par
inclinaifon.
Cette préparation de l’azur avec de l’eau bouillante
doit fe renouveler deux fois, après quoi on prend l ’azur
ainfi humide, & réduit- en une efpèce de pâte
fort déliée pour le jetter dans un mortier, où on le
broie pendant un tems confidérable.
On dit que l ’azur fe trouve dans les minières de
charbon de pierre, ou dans des terres rouges voifi-
nes de ces minières. Il en paroit fur la fuperficie de
la terre; & c’eft un indice affez certain qu’en creu-
fantun peu’avant dans un même lieu, on eu trouvera
infailliblement. Il fe préfente dans la mine par petites
pièces, groffes à-peu-près comme le pouce, mais
plates & non pas rondes. L ’azur groflier eft affez commun
; mais le fin eft très-rare, & il n’eft pas aifé de le
difcerner à l’oeil : il faut en faire l’épreuve fi l'on ne
veut pas y être trompé.
Cette épreuve confîfte à peindre une porcelaine &
à la cuire. Si l’Europe fourniffoit du beau lear ou de
l’azur , & du beau tfiu, qui eft une efpèce de violet,
ce feroit pour King-te-tching une marchandife de
prix , & d’un petit volume pour le tranfport ; & on
apporteroit en échange de la plus belle porcelaine.
On a déjà dit que le tfiu fe vendoit un tael huit nias
la livre, c’eft-à-dire, neuflivres : on vend deux taels
la boete du beâu lear, qui n’eft que de dix onces,
c’eft-à-dire , 20 fols l’once.
On a effayé de peindre en noir quelques vafesde
porcelaine, avecl’encrela plus fine de la Chine; mais
cette tentative n’a eu aucun fuccès. Quand h porcelaine
a été cuite, elle s’eft trouvée très - blanche*
Comme les parties de ce noir n’ont pas affez de corps,
elles s’étoient diflipées par l’adion du feu ; ou plutôt
elles n’avoient pas eu la force de pénétrer la coucha
de vernis, ni de produire une couleur différente du
fîmple vernis.
Le rouge fe fait avec de lacouperofe: peut-être les
Chinois ont-ils en cela quelque chofe de particulier,
c’eft pourquoi, je vais rapporter leur méthode. On
met Une livre de couperofe dans un creufet, qu’011
lutte bien avec un fécond creufet, au-deflus de celui-
ci eft une petite ouverture, qui fe couvre de telle
forte qu’on puiffe aifément la découvrir s’il en- eft
befoin. O11 environne le tout de charbon à grand
feu; & pour avoir un plus fort reverbère, on fait
un circuit de briques. Tandis que la fumée s’élève
fort noire , la matière n’eft pas encore en état; mais
elle l’eft aufli-tôt qu’il fort une .efpèce de petit nuage
( fin & délié. Alors on prend un peu de cette matière,
[ on la délaie avec de l’eaù, &-011 en fait l’épreuve
i fur du fapin. S’il en fort un beau rouge , on retire le
brafter qui environne & couvre en partie le creufet.
Quand tout eft refroidi, ou trouve un petit pain de
ce rouge qui s’eft formé au bas du creufet. Le rouge
le plus fin eft attaché au creufet d’en-haut. Une livre
de couperofe donne quatre onces de rouge, dont on
peint la porcelaine.
Bien que la porcelaine foit blanche de fa nature ,
& que l’huile qu’on lui donne ferve à augmenter fa
blancheur, cependant il y a de certaines figures en
faveur defquelles on applique un blanc particulier
fur la porcelaine , qui eft peinte de différentes couleurs.
Ce blanc fe fait d’une poudre de caillou tranf-
parent, qui fe calcine au fourneau de même que
l’azur. Sur demi-once de cette poudre on met une
once de cérufe pulvérifée : c’eft aafli ce qui entre
dans le mélange des couleurs. Par exemple, pour
faire le verd, à une once de cérufe & à une demi-
once de poudre de caillou , on ajoute trois onces
de ce qu’on appelle toug-hoa-pien. On croiroit fur
les indices qu’on en a , que ce font les fcories les
plus pures du cuivre qu’on a battu.
Le verd préparé devient la matrice du violet,
qui fe fait en y ajoutant une dofe de blanc : on
met plus de verd préparé , à proportion qu’on veut
le violet plus foncé. Le jaune fe fait en prenant
fept dragmes de blanc préparé, comme on l’a dit,
auxquelles on ajoute trois dragmes de rouge couperofe.
Toutes ces çouleurs appliquées fur la porcelaine
déjà cuite après avoir été huilée, ne paroiffent vertes
, violettes, jaunes ou rouges, qu’après la fécondé
cuiffon qu’on leur donne. Ces diverfes couleurs
s’appliquent avec la cérufe, le fàlpétre & la coiu-
perofe.
Le rouge à l’huile fe fait de la grenaille de cuivre
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