
S ^ô P E I
Il n’ y 3. que trois fortes de vernis, qui tous trois
tirent leurs dénominations du liquide qui en fait la :
bafe ; lavoir , le,s vernis clairs ou à Vefprit de vin,
les vernis gras ou à L'huile , & les vernis a Vejfence
de térébenthine.
Tous les vernis doivent être rangés dans ces trois
claffes, parce qu’il n’y a que ces trois liquid.es qui,
puifTent fe déflegmer parfaitement, & fouffrir,l’in-
fufion ou l’incorporation des matières dont nous
allons parler ; plus ils feront parfaits , meilleurs
ils feront pour l ’objet dont il eft ici queftion.
& efprit de vin bien reCfcifié , Y huile de lin dé-
graiffée & Yëjfenc'e ou huile de térébenthine font
les liquides néceflaires ai^vernis : ce n’eft pas qu?on
ne puifle en .faire avec l ’eau de vie , & toutes
fortes d’huiles , ainfï que le parfait verniffeur l ’indique.
Mais cés vernis ne vaudront jamais rien, ne donneront
que de pauvres réfultats, feront toujours ou
farineux, ou fujets à gerfer, & ne pourront jamais
sécher parfaitement.
U efprit de vin eft la bafe de tous les vernis
clairs : on fait qu’il eft le réfûltat de la diftillation
de "l’eau de vie. Il faut qu’il foit parfaitement dé-
flegmé , c’eft-à-dire , dégagé de toutes fes parties
aqueufès.
Lorfqu’il eft reCtifié , il eft le liquide néceffaire
aux vernis clairs ; ils les rend brillans , légers ,
limpides : s’il ne leur donne, pas la folidité j c’eft
qu’il ne peut communiquer ce qu’il n’a pas.
Sa facile évaporation, lorfqu’il eft expofé à l’air ,
rend fouvent le vernis fùjet à gerfer; mais on y
remédie en y incorporant quelque matière qui donne
le liant aux fiibftances qu’il doit laiffer en s’évaporant,
qui d’ailleurs étant tenaces de leur nature
, empêchent fa trop grande évaporation,
C ’eft aufli cette évaporation facile qui l’empêche
de pouvoir s’unir avec les bitumes & de certaines
réfînes, qu’il faut fôumettre à une violente aCtion
du feu pour les liquéfier ; car., avant qu’ils foient
en cét état, il difparoît : de même on ne peut pas
l ’incorporer lorfqu’on a torréfié ces matières à feu
nud, parce qu’alors il s’enflamme & s’échappe ; aufli
a-t-on été obligé de chercher d’autres liquides pour
donner à ces corps durs la fluidité, & on a renonce
abfolument de faire des vernis à l’efprit de vin avec
ces matières.
Il faut que l ’efprit de vin foit bien redifié , al-
koolifé même fi on veut.
Quelques artiftes, dans la vue de perfectionner
l ’art, ont tenté d’employer l’efprit de vin tartarife,
qui n’eft autre chofè que l’efprit de vin qu’on dif-
tille avec du fel de tartre ; mais on a éprouvé qu’il
p’avoit plus alors affez de corps, parce que fà
P E I
manirèe de difloudre eft différente, & donne uti
état prefque fàvonneux à ce qu’il a diffôus.
Un procédé bien fimple indique fi l’efprit de vin
dont on-veut fe fèrvir pour faire des vernis , peut
être employé.
Mettez une pincée de poudre à tirer dans une
cuiller d’argent, & verfez deiïiis l’efprit de vin ;
on y met enfuite le feu avec une allumette : fi le
feu allume la poudre, l’efprit de vin eft bon ;
mais fi la poudre refte dans la cuiller fans s’enflammer
alors c’eft la preuve que l’efprit de vin
•porte encore du flegme & des parties aqueufès :
il faut donc le diftiller de nouveau, pour le déflegmer
entièrement.
. Ce procédé eft à-peu-près fuffifànt pour con-
noître le degré de rectification de l’efprit de vin;
mais on en fera beaucoup plus sûr fi on prend une
éprouvette jaugée , tenant une quantité’ certaine
d’un efprit de vin reconnu parfait : fi celui qu’on
examine n’eft pas aufli léger , il n’eft pas aiïèz
reCtifié.
'L'huile eft le liquide néceffaire aux vernis gras.
La meilleure qu’on puiffe employer pour l’art du
verniffeur, eft l ’huile de lin ; quand elle manque,
on peut la fiippléer par celle de noix ou d’oeillet ;
mais elles lui font inférieures en qualité.
L’huile naturelle ne feroit pas bonne au vernis,
fi on ne la travailloit pas , c’eft-à-dire, fi l’on ne
donnoit pas à fes parties une nouvelle maniéré
d’être, combinées , qui par-là deviennent ficatives ,
& rendent le <vernis prompt à fécher.
C’eft cette combînaifôn de parties que l’on opère,
en faifant Y huile grajfe ou ficative , qui a fait la
matière d’un mémoire lu à l’affemblée de l’académie
des fciences , par M. de Machy , célèbre
apothicaire de Paris, & habile chymifte : en voici
le précis.
» Les huiles fônt en général des fluides onc^
tueux qui graillent les: corps qu’ils touchent , &
qui s’enflamment au feu.
On en diftingue de deux efpèces ; les huiles
effentielles ; tirées par la diftillation & les huiles
graffes ou exprimées.
En examinant la nature dès huiles exprimées,
on voit d’abord qu’elles différent des huiles effèn-
tielles par la préfence d’une fubftancé muqueufè,
qui s’en fépare à la longue fous la forme d’un
fluide épais , vifqueux , coulant comme du blanc
d’oeuf, & qui pétille à la flamme au lieu de s’y
allumer.
On voit enfuite que cette fubflance, commune
-à toutes les huiles exprimées", eft plus abondante
dans les huiles tirées des fruits , comme l’olive ,
& dans celles qui font tirées fans feu ; on voit
qu’elle eft plus chargée de flegme dans celles-là
que
P E I
feue dans les huiles tirées par le feu, Si que parmi
çes dernières, celles qui ont le plus perdu de cette
humidité , en confervant toutefois beaucoup de
fubftancé muqueufe, telles que l’huile de lin , celles
de noix & d’oeillet font les plus propres à être ficatives
, tandis que celles qui ont cbnferve le plus
d’humidité font les plus propres à Wfaponification ,
c’eft-à-dire, à être converties en favon.
>vbans cette dernière operation, tout prouve que
les àlkalis fixes, en fe combinant avec ce mucilage
, deviennent la caufe de l’union fàvoneufe du
total ; au contraire , dans l ’opération qui rend
les huiles ficatives, l’union des chaux de plomb
& autres ingrédiens, en achevant d’abforber 8c dif- >
fiper le peu d’humidité de ce mucilage, le rend
mifcible avec le refte de l’huile ; d’où U fuit que
ces fubftances, la mucilagineufe & l ’huileufe, qui
toutes deux font les parties çonftituantes & naturelles
des fubftances exprimées , ne fe féparant
plus, comme elles le font ordinairement lorfqu’on
les expofe à l’évaporation , conftituent l’huile ficative,
8c laiflent'en féchant un enduit luifant, &
lùfceptible d’être poli ». s
L ’auteur du mémoire que nous analyfôns, appuie
.cette idée de plufieurs expériences, entr’autres, de
lacomparaifon qu’il fait entre la même huile, l’une
dans l’état naturel, & l’autre rendue ficative,'qu’il
expofe enfèmble à l’évaporation; de l ’examen qu’il
fait du'v depot, qu’on trouve dans la préparation de
l ’huile ficative; de la préfence du plomb, qu’il démontre
dans cette même huile; enfin, de la com-
paraifon méthodique de ces huiles ficatives avec les
emplâtres, qui n’en different que par la plus grande
quantité de chaux de plomb qu’on y a introduit 8c
combiné.
I l conclut que les huiles ficatives fônt une efpèce
de vernis réfultant de la diffolution complette de la
matière muqueufe des huiles exprimées & de la partie
huileufe proprement dite, à l ’aide d’une petite
quantité de chaux de plomb.
L ’huile que les ouvriers appellent improprement
huile grajfe, & qu’ils emploient dans les couleurs &
vernis , eft celle qui a été , comme on l’a d it, préparée
, dégraiflee, clarifiée.
Vingt-quatre heures après que l’huile . graffe eft
dégraiflee , il doit fe former une pellicule deflus,
qui lui ferr d’enduit : fi on ne trouve pas cette pellicule
, c’eft la preuve qu’il y a encore de l’humidité
, qu’elle n’eft pas affez defîechée, & qu’elle n’a
pas acquis aflez de corps.
L 'huile grajfe ou ficative préparée, eft le feul
liquide qui conferve affez bien au karabé 8c au copal,
leur tranfparence, & qui les maintienne en
jBu'idité le temps néçeflaire.
pL de Réaumur , dans les mémoires de faça-
rfrps & Miticrs, Tpm> KJf
P E I
demie , fait mention d’une huile tellement dé~
graifTée, qu’il en faifoit des vernis en bâtons.
Il convient lui-même que ces fortes de vernis ne
pouvoient fervir qu’à quelques ufages particuliers s
ïl n’eft pas riêceflàire que cette huile foit préparée
& portée à ce point de folidité, il fiiffit fimple-
ment de la bien difpofer.
Non-feulement il faut, pour la beauté du vernis
, que l’huile de lin foit bien dégraiffée ; mais
on doit encore la blanchir le plus qu’on peut, en
l’expofant pendant un été au foleil, dans une cuvette
de plomb : plus elle eft ancienne , meilleure
elle eft, parce que dans les temps de repos, elle
dépofe toujours un peu^ & devient plus claire.
Nous le répétons ici, il faut abfolument éviter
de fe fervir de l’huile de navette ou d’afpic, &
fur-tout de l’huile d’olive, qui , ne pouvant jamais
épaiflir ni fe dégraiffer, fônt par confequent
impropres aux vernis.
L 'ejfence ou Y huile de térébenthine , que l’on fépare
par la diftillation, eft la feule fubftancé fpi-
titueufè de la térébenthine qui foit bonne pourrie
vernis gras ; lorfqu’elle eft incorporée avec l’huile
de lin, elle leur donne de la limpidité & du brillant
: il y a quelques artiftes qui , pour la perfection
de leur art, ont voulu employer de YeC- fence rectifiée, qu’on appelle efprit, ou huile ethe-
i rée de térébenthine ; mais elle eft trop légère 8c n’a
pas aflez de corps.
On n’emploie l’eflence de térébenthine que dans
les vernis gras : fa propriété eft de Us rendre
extenfibles & ficatifs , & d’empêcher qu’ils n’empâtent
le blaireau lorfqu’on l’applique.
s II eft eflentiel pour le verniffeur que l’eflence
qu’il emploie foit bien re&ifiée, 8c qu’elle ne contienne
pas de flegme. Il faut la choifîr claire comme
de l’eau, d’une odeur forte , pénétrante & dé-
fagréable : elle fumage l’efprit de vin ,. avec lequel
elle ne fe mêle qu’en les amalgamant bien en-
femble.
Des matières qui entrent dans la compofition du
•vernis.
Les liquides ne font utiles aux vernis que pour
les maintenir dans un état permanent de fluidité,
8c rendre d’une extenfion facile les fubftances qui
entrent dans leur compofition ; fi ces matières ,
lorfqu’elles font 1 iquéfiées par,-, l’aCtibn du feu ,
pouvoient, étant refroidies , persévérer dans cet
■ état, 8c ne reprencient pas leur loüdite, il feroit inutile d’y ajouter aucuns liquides ; ce qui prouve
qu’ils ne font pas effentiel-s ,&■ qu’on fe pafferoit aife-
m.çnt de ces intermèdes de liquéfaction, fi l’induftne
ayoit tropvé le fecref de liquéfier les foliées, de façon