
P O U R P R E .
( A r t de la couleur )
&^8
L es naturalises appellent pourpre lè coquillage
operculé & univalve dont on tire cette liqueur colorante
fi vantée'par les anciens, & auquel les auteurs
ont donné différeits noms ; les uns I on nomme
buccinum, d’autres l ’ont appelle murex.
On trouve ce coquillage dans-différentes mers;
il y en a plufîeurs efpèces'. La plus grande que l’on
pêche fur nos côtes a douze à treize lignes de
longueur , fur fept à huit lignes de diamètre
•pris à l’endroit le plus gros.
- Ces coquillages réffemblent afîèzpar leurs formes
aux limaçons des jardins ; les- uns font blancs nu ;
bruns ; d’autres ont des raies longitudinales ou
tranfverlàles. • J~ •" 1 l, ‘. 4
L e réfervoir d e l a l iq u e u r c o lo r a n te e ft p e t i t * &
fitué fu r l e c o l l i e r d e l ’a n im a l , G’ e f t - a -d i r e , fur l a
ïnafie d e c h a i r q u i e n t o u r e l e c o u , c om m e dans
l e l im a ç o n .
Il eft aifé d’obferver ce réfervoir en plaCe, eft
cafîant la coquille un peu au-deffous de fon ouverture.
Il paroit d’une autre couleur qué la chair ; la
liqueur qui y eft renfermée eft d’un blanc jaunâtre ;
elle reffemble parfaitement au pus qui fort des
ulcères ; elle a aufli quelquefois une couleur verte.
M. Duhamel, qui a obfervé ce coquillage , attribue
la caufe du changement de couleur à quelque
maladie de l’animal.
Le réfervoir eft plus ou moins grand. Il a ordi-
neirement une ligne de largeur & deux ou trois de
longueur.
Si on répand de cette'liqueur fur un linge ou fur
une étoffe de foie ou de laine, elle leur donne une
couleur jaunâtre , femblable à celle du pus des
ulcères ; ft on expofé ce linge à la chaleur modérée
du foleil du matin, la couleur jaunâtre paroit bientôt
verdâtre ; elle devient enfuite couleur de citron
qui fe change en verd , d’abord clair , & en-
fuite foncé : le violet fûccède à cette couleur;
enfin la partie imbibée du linge prend une belle
CQuleur de pourpre.
Les changemens fucceflifs de couleurs fe font
plus ou moins rapidement, félon les degïée-de chaleur
du foleil. On les diftmgue^'^eme quand on
expofe le linge aux rayons brulans que le foleil
darde en été.
La chaleur'du feu produit les mêmes effets, mais
plus lentement.
Pour avoir les changemens de couleur aufli
prompts, il faut que le degré de «chaleur du feu
foît beaucoup plus fort que celui du .foleil.
La chaleur, n’eft cependant pas néceffaire pour
faire fuccéder toutes ces couleurs les unes aux autres
; le grand air ou le vent fiiffifent.
Si on n’expofe au foleil qu’une partie du linge
imbibée- de la liqueur Contenue dans le réfervoir
de la pourpre ; la partie qui eft à l’ombre refte
verte , tandis que l’autre partie prend une belle,
couleur de pourpre.
M. de Réaumur a obfervé, fur les côtes du rol-
tou , de petits grains qu’il foupçonne être des oeufs
de poiffon, & qui teignent en couleur de pourpre
les linges qui en font imprégnés, comme -la liqueur
■ des vraies pourpres,
Ces grains ont la , forme d’une boule alongée,
dont le petit,diamètre a un peu plus d’une ligne,
& le plus grknd deux lignes ou deux lignes & demie.
On trouve une très - grande quantité de ces
grains collés fur certaines pierres.
M. de Reaumur à obfervé que les pourpres^ s’af-
fembloient en grand nombre autour d’une pierre ;
ce qui lui a fait foupçonner que ces grains pour-
roient être les oeufs des pourpres^ mêmes ; mais il
n’a jamais pu confirmer ces Gonjeétures.
La liqueur que contiennent ces grains eft blanche
; elle rend d’abord un peu jaune le linge fur
lequel on en laifle tomber, & aù bout de deux ou
trois minutes , le linge prend une belle couleur de
pourpre , pourvu qu’il foit expofé en plein air ; car
M. de Réaumur a éprouvé qu’il ne fe coloroit aucunement
dans une chambre, quoique les fenêtres
fuffent ouvertes.
La pêche des deux, coquillages nommés murex
& purpura fe faifo.it, dans l’ancien temps , fur les
' côtes de Phénicie, d’Afrique^ de Grèce, & autour
de quelques files delà Méditerranée.
Les tyrîens, excelloient dans l’art de teindre la
pourpre foit par quelques fecrets particuliers , foi£
, qu’ils donnaffent à leur pourpre plus de teint qu’aux
i pourpres ordinaires,
s lu i
P O U
La beauté & la rareté de cette couleur Pavoient
rendue propre aux rois de l’Afîe , aux empereurs
romains & aux premiers magiftrats de Rome. Les
dames mêmes n’ofoient l’employer dans leurs habits
; elle étoit réfervée pour les robes prétextes de
la première magiftrature.
Alexandre s’étant rendu maître de Suze, trouva
entr’autres rlcheffes dans le château , cinq mille
quintaux de la riche pourpre d’Hermion qu’on y
avoit raffemblé pendant plus d’un fîècle , & qui
confervoit encore tout fin luftre. On concevra
quelle immenfe richeffe c’étoit, quand on faura
que cette pourpre fe vendoit jufqu’à cent écus la
livre ; ce qui feroit fur ce pied cent cinquante millions
de notre monnoie.
On avoit extrêmement perfectionné chez les ;
anciens les teintures en pourpre dont on faifoit di-
verfes nuances, depuis le violet mêlé de rouge ,
jufqu’au rouge-clair le plus, brillant.
Les romains vouloient que la pourpre frappât
doucement & agréablement la vue, d’une manière
moins vive que ne fait le rubis, & c’eft aufli le
goût moderne pour l’écarlate.
La -pourpre & le murex fervent èncore aujourd’hui
en Sicile à la teinture. On tire également cette
couleur du buccin.
A Panama dans le Pérou, fur la mer du Sud, on
tire une couleur pourpre de la coque perfîque, que
l’on appelle pourpre de Panama, & dont on teint
les étoffes de coton, faites de fils de plantes.
Le père la Batte dit qu’on trouve aux Antilles
une plante qui donne une teinture poupre, & qu’il
appelle par cette raifon lianne a fang.
Cette plante, quand on la coupe fur pied, jette
une liqueur rouge comme du fang de boeuf, '8c
teint les toiles qu’on y trempe d’un rouge. vif ;
mais cette teinture a le-défaut de s’affoiblir &
même de fe difliper, en lavant l’étoffe, qui en eft
teinte.
Pourpre tiré de la cochenille.
En Europe on fait la coùleur pourpre de toutes
fortes de manières , avec la cochenille ou la graine
d’écarlatte & un peu de paftel.
La cochenille nous eft apportée d’Amérique en
petits grains , la plupart convexes , cannelés d’un
côté & concaves de l’autre.
La couleur de la cochenille la plus recherchée
eft le gris teint de couleur d’ardoife mêlé -de rougeâtre
& de blanc.
On garde la cochenille autant qu’on veut- fans
qu’elle s’altère.
On a été long-temps fans favoir précifément fi
Ans & Métiers. Tom. Kl.
P O 0 C$9
cette matière appartenoit au règne végétal ou au
règne animal ; on croyoit d’abord que c’étoit une
graine de l’efpèce de celle qu’on appelle des baies ;
mais à préfent il n’eft pas douteux que la cochenille
ne foit im infede defféché. On en a des preuves
inconteftables par les. obfervarions qui ont cté
faites au Mexique qui eft lé feul pays où l’on recueille
la cochenille ; mais., indépendamment des
faits que l’on a conflatés à ce fiijet,. on pourrait
reconnoîrre la cochenille pour un infede â la fimpie
infpedion, dans l’état où nous la voyons dans
ce pays-ci,-fur-tout en l’obfervant- à la loupe ou au
microfcope | après.Lavoir fait ramollir dans de l’eau
ou dans du vinaigre pour développer & renfler les
parties racçornies 8c defféchées.
On recueille la cochenille fur des plantes auxquelles
on donne les noms de figuier d>i%de, de
raquette 7 de cardajfe & de nopal.
Les indiens font périr les cochenilles dès qu’ils
les ont recueillies, parce que ces infedes qui peuvent
vivre pendant quelques jours quoique féparés
des plantes feroient leurs petits , & que les petits
fe difperferoient, s’échapperoient du tas & feroient
perdus pour les propriétaires.
On plonge les cochenilles dans de l’eau chaude
pour les faire mourir; enfuite on les feche au
foleil ; d’àntres les- mettent dans des fours ou
fur des' plaques qui ônt fervi à faiçe cuire des gâteaux
de' maïs.
Pourpre minéral.
On nomme pourpre minéral une couleur d’un
beau rouge pourpre qui fe fait par le moyen d’une dif-
folution d’étain,
On a fait jufqu’ici un très-grand myftère de la
préparation de cette couleur ; mais M. de Mon-
tamy à qui les arts font redevables de la découverte
de plufîeurs belles couleurs pour l’émail & la porcelaine
, a trouvé aufli les m.ôyeris de faire le pourpre
mïnéeal. Voici fon procède.
On fait difloudre de l’or dans de l’eau régale
faite avec parties égales d’efprit de nitre & d’efprit
de fel ; on garde cette diflolütion pour en faire
ufage : enfuite on fait. difloudre de l’étain de la
meilleure qualité dans un acide quelconque bien,
affoibli avec de l’eau, afin que la diffolmion fe
faffe lentement,
Lorfqu’on voudra faire du poupre minéral, on
prendra de l’eau pure diftillée , on en remplira
un matras ou une bouteille : fur cette quantité d’eau
on mettra quelques gouttes de la diflolütion d’or ;
on remuera bien la bouteille, pour que le mélange
s’incorpore parfaitement ; par ce moyen l’eau ne
fera prefque point colorée.
N o n a