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paves neufs & choifîs coûte, achevée, douze a
treize livres. Ce rapport au refte eff purement for- $
tait. La diftance des carrières : le fèul .tranïpcrt
plus ou moins favorable, varie la dépenfe d une
ville à l’autre.
Epoque du pretnier pavage en France,
Antérieurement à l’an 1184, on ne connoiffoit
point en France l’ufàge du pavé. Philippe-Augufte
en fit revêtir les rues de Paris ; changement heureux,
dit Mezeray , & qui, parmi les habitans, eût
excité la joie la plus complètte, s’ils n’en avoient '
pas été les payeurs !
Je ne reviendrai maintenant ni fur le blocage, ni
iur ie rabot. J’ai prévenu qu’on affeyoît ces pierres
de champ : le pavage en grès explique le refte.
Les gros cailloux retombent encore dans la claffe
des pavés ordinaires. Mais quand avec les gros cailloux
on eft forcé d’employer du galet, le galet doit
occuoér les lignes les moins expofées au roulage.
O n trouve dans le Languedoc plufîeurs chauffées
prefqu’enticrement formées de cailloux de rivière ,
cailloux toujours très-petits'. Pour les contenir on
établit des encaiffeiffens : de diftance en diftance
©n coupe la voie par une ou deux rangées de forts,
& ces rangées ou chaînes, perpendiculaires aux
bordures , compofent autant de cadres contigus qui
renferment & fixent la pierraille du milieu. Une
partie peut fe dégrader alors, fans que le mal gagne
plus loin.
Malgré mon attention à ne rien fupprimer d’ef-
fentiel°, il eft quelques objets dont l ’explication
m’eût trop détourné. Ces objets feront repris dans
le vocabulaire. Voyez entrautres les mots abbatis,
anale , bordure,foutenemcnt, &c. J’y parlerai même
dés chemins en terre 8c des chemins ferres. L analogie
qu’ils ont avec ce qui précède, reclame né-
ceffairëment un ajouté qui les faffe connoître.
Voies des Anciens,
Il eft à préfumer, dit M. Diderot ^qu’Il y eut
des grands chemins auflkôt que les hommes , raf-
fembiés fur le globe en affez grand nombre ^formèrent
des fociétés diftin&es & fépàrées.
Durant les beaux jours de la Grèce , le fénat
d’Athènes véiilcit lui-meme a la çonftruéHon des
joutes. Lacédémone , Thèbes & d’autres- états en
.avoient confié le foin aux hommes les plus impor-
tans. S’il eft vrai cependant que les chemins fuffent
alors fans pavés , toute cette oftentation de police
n’a rien qui doive-captiver notre admiration. De
bonnes pierres bien dures & bien aflifes auroient
mieux valu que la foule des dieux tutélaires qu’on
y plaçoît.
H étoit réfervé a un peuple commerçant d’apprê-
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cier l’utilité des tranlports faciles ; aufli attribue-t-
<on aux Carthaginois l’invention du pavé y primum
Poeni dicuntur vias lapidibus ftravijfe. Ifidor.lib. 1 ^
Leurs réglemens à cet égard lèroîent bien dignes
de notre curîofité \ l ’hiftoire n’en a pu rien fauve r.
Les Romains, en détruilant Carthage, voulurent
anéantir julqu’à là mémoire , & l’un des peuples qui
a figuré avec le plus d’éclat fur la terre, eft devenu
par la jaloufîe de les rivaux , l’un de ceux dont les
inftitutions fontNle moins connues de la poftérité.
^ Ces” mêmes Romains , comme on l’a vu , ne négligèrent
pas l’exemple qui leur étoit donne. Dans
| le court efpaçe d'un fiëcle, ils contruifîrent la voie
< appiennt , la voie aurélienne , la voie jlammienne.
Sous Jules - Céfar, les principales villes d’Italie
communiquoient avec la capitale par des chemins
pavés. Les routes dès-lors s’étendirent même dans
les provinces conquifes. Pendant la dernière guerre
< d’Afrique , on en établit une de l’Efpagne dans la
Gaule ; Domitius OEnobarbus pava la voie domitia
qui conduifoit dans la Savoie, dans le Dauphiné,
! dans la Provence. Mais c’eft trop m’éloigner de mon
titre : pallons à la conftruétion de ces routes.
Compofées félon la dfverfîté des lieux, toutes
recevoient un alignement régulier'. Pour ne point
s’écarter, on traçoit au cordeau deux filions parallèles
qui fixoient leur largeur. L ’intervalle des filions
étoit enfuite approfondi, & la tranchée remplie
des matériaux les plus folides. Suivant Vitruve,
: on commençoit par un lit de cailloux pofés au bain
de mortier, & ce premier lit étoit appellé ftatu-
men ; les cailloux ne fiirpaffoient pas- la groffeur
d’un oeuf. Pour fécond l i t , on élevoit un maflif
d’éclats de moellons entremêlés d’un tiers de chaux
qu’on écrafbït avec la hie. Cette couche, appellée
rudus ou ruder} avoit aù moins neuf pouces d’é~
paiffeur : quelquefois le moellon fe trouvoit remplacé
par des débris' de bâtimens , alors on mettait
deux cinquièmes de chaux. La troifîème. couche
, appellée nucléus ,, n’étoit épaiffe que de fix
pouces : on la formoit d’une partie de chaux , fur
deux parties de briques pilées. Enfin la quatrième
& dernière couche , fumma crufia onfummum dor-
fum , préfentoit ou de forts cailloux, ou de larges
pierres aflifes au ciment & taillées de manière
a ce que les chevaux ne fuffent point expofés à
gliffer fur leur furface. • -
Ailleurs les procédés étaient différens. Bergier
qui étudia les travaux des anciens parmi les ruines
de ces travaux mêmes, ouvrit en plufîeurs-points
' la voie qui traverfe la Champagne, voie dont l’é-
tabliffement remonte au règne d’Augufte. La première
fouille, creufee dans l’enceinte des Capucins
de Rheims, .offrit au fond de l’excavation un
fort mortier épais d’un pouce, & qui blanchiffoit
encore les mains. Sur le mortier étoient de larges I pierres, plates foiidement maçonnées les unes
r ,r 1es autres la totalité des aflifes dotfftoit dix
Douces d’élévation. De petites pierres a peu près
rondes , de la chaux & des fragment de briques &
-de tuiles , battu? enfemble , _ compofoicnt la f .
! „ „ d e couche. Son épaiffeur etoit de .huit pouces,
“ fi confiflance tellement ferrée | qu’un ouvrier
fans l’intervalle d’une heure en fapo.t a peine un
: «ied cube. La troifîème couche ', plus épaiffe de
I moitié , ne laiffa voir qu’une efpece de conroi, tel-
| ftmblant à de la craie, mais infiniment plus dur.
Ces matières'intérieures portoient donc trente-un
Douces. & le lit de cailloux qui les recouvroit,
& qu’on avoit Hé par un ciment, fix autres pouces
| encore.
; Bersiet fonda pareillement, à douze ou quinze
[ cents i toifes de -Rheims fur la route de Chalons,
^ une partie de chemin fupérieur au terrain adjacent.
L Là ne fe trouvèrent ni tuiles, ni briques. Dans
[ tout le refle, point de différence.
I j i n’en fut pas ainfi d’une nouvelle fouille _à
[ trois lieues de la première expérience. L ’endroit
: dominoit de vingt pieds le folvoifîn. De grandes
pierres figurant des carreaux & placées a fec 1 une
fur l’autre, fervoient de fondation à l’ouvrage. Leur
! 'épaiffeur totale atteignoit prefqu’im pied & demi.
[ .Vcnpit enfuite une couche-de terre roufsatre, tres-
t ferme & du tiers de cette épaiffeur. L e troifieme,
l i t , épais de dix pouces, né renfermoit que des
! galets Sc du mortier, qui, de ces petits corps fiufîs F de toute part , avoit fait un enfemble îndeftruéh-
ble. Six pouces de cailloux , egalement cimentes,
Jçouronnoient les trois couches,
Gautier, dont j’ai déjà parlé , rapporte qu’au-
près de Langres- il obferva d’autres variétés. L e ,
fond de la tranchée contenoit un pavé de pierres
minces & pofées de champ. L ’empierrement ou le ;
ruder, qui régnoit fur cette baie, avoit en outre
au-delà de deux pieds.
Tels font les détails que j’ai pu réunir fer la
tonftruâion de ces routes fi juflement célèbres ,
ïr qui feules auroient immortalifé Rome. Les trou-
pes de l’état, les peuples: conquis y _ étoient employés
, & ces ouvrages les endurciffoient tous à la
•fatigue. Les malfaiteurs y exccutoient l,es travaux
les plus rudes : on leur faifoit du moins expier
Utilement leurs ; crimes.
Les trous- qui fe formoient aux chemins revêtus
de dalles, étoient remplis , fùivant Palladio , par
d’autres dalles qui s’enchaffoient dans le vuide , •
& le rebouchoient .complettemenr quelqu’irrégulier
qu’en fut le contour. Pour obtenir cette taille .précité
& difficile, l’ouvrier s’aidoit d’une lame de
plomb qu’il appliquoit fur chaque face du trou, &
qui guidoit enfuite fôn tracé.
Un pareil moyen devoit être bien lent! comblent
ne préféroit-on pas .d’équarrir la cavité (
[Depuis les portes de Rome jufqu'â cinquante
lieues, Les grandes voies étoient ou patees, ou
recouvertes de ces dalles.
Des chemins du Pérou.
Si le récit des voyageurs n’a rien d exagere : f i j
comme le dit Montaigne , Us n f ont point mêle
du leur , & q u'ils r i aient apporte, que le jo in a .c n - .
régijl.-er à la bonne foi toutes chofes., les péruviens
, dans ces travaux publics, l ’ont emporte de
beaucoup & fur les romains , & fur tous les peuples
de l’univers. Cinq cents lieues de montagnes
entrecoupées de rochers ; des profondes vallées ;
des précipices affreux offrirent en peu d années ,
depuis Zuito jufqu’à l’autre extrémité de l’empire ,
un chemin large de vingt-cinq pas, par-tout appuyé
de murs , par-tout bordé de parapets commodes
, Sc par-tout nivelé. Ce hardi monument que
Zaraté compte avec raifon parmi les merveilles du
monde, fut entrepris fous le règne de Huaynàcapac.
Les moindres pierres qui pavoient cette fuperbe
route, avoient cent pieds de fùperficie ; deux run-r
féaux d’une eau pure couloient perpétuellement au
long de fes bords , & de grands arbres y repan-
doient un ombrage frais. Voyez, Jean.de la Raie tl
l'Hijl. des voy. tom. l ; , pag. ,171.
Chemins de la Chine , de là Tartanedu Japon.
Les chemins de la Chine , travailles a peicpres
comme les nôtres, ma» recouverts d’amples car-
'reaux, au lieu de pavés , prefentent cette fingula-
rité que dans pluftelirs provinces iis font accompa-
gnés de murailles élevées de fept à huit pieds. L e
but d’une enceinte aufïi difpendieufe eft d empecher
les voyageurs & les paffans de fe répandre fur les
terres, Scde dégrader leurs produflions.
Mario-Polo vante beaucoup les chemins de Tar-
tarie, & Kaempfer ceux du Japon. On fait encore
l’éloge le plus pompeux des chemins de la .Caroline
angloifo , & fpécialement dp Broadway Les
uns & les autres peuvent être agréables., fans doute,
& par leurs plantations, & par d’autres accefiolxes:
mais l’effentiel ne s’y rencontre pas : ils ne font
ni revêtus de pierres , ni gravovés ; & par-tout ou
les chemins manquent de folidite, 1 art des routes
eft certainement encore dans fon enfance. Loyy;
Uift.des Voy. .tom. V l,p a g .$ .iR y o ; tom .V I l,
pag. 3 5 ? j tom- p ’ t aS- 4S+ “ 197 > tom• w V p
page jS ( .
Il me refte à renvoyer maintenant le lefteur aux
excellens articles, chemins & corvées traites par
MM. de Pommere/il & Grivel, dans la partie politique
de cet ouvrage.
P o i I C E B U P A V É .
Nous ajouterons que la dépenfe du pavé ayàj«