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Des fier res à rafirs.
Toutes fortes de pierres ne font point propres au
tranchant du rafoir; celles du Levant, par exemple
, ont les pores trop gros , & font des dents in-
îuppôrtabLes aux premiers coups de rafoirs fur- le
Tirage.
Les pierres verdâtres que Fan- apporte d’E(pagne
, de même que celles qui- fe trouvent en Lorraine,
ainfi qu’une autre efpèee-, qui eft notre &
qui vient d'Angleterre , ont à peu de eho-fo près
le même grain , les pores en font trop Terréselles
font abfolument trop douces, & font couper durement.
Les pierres feules , propres à la perfection, du
tranchant du rafoir , font celles qui portent, le: nom
mêmes de pierres a rafoirs..
• Elles fo trouvent dans des carrières, auprès de
Liège ÿ & fur Me bord de la Meule, feules carriè--
res de cette efpece, connues en Europerces pierres
font ordinairement blanches : les unes font d’un
blanc de lait, 9c les autres un peu plus jaunâtres ;
ces dernières font de l ’ancienne roche.
Grand nombre de ces pierres font tachetées de
noir ; d’autres ont des veines noires, qui forpentent
fur le blanc ; en général, il. s’en trouve de mau-
vaifos dans les blanches comme- dans les marbrées.
Mais celles qui fe trouvent d’un beau blanc de
la it , qui paroiffent- toutes fèndues- & prêtes à- cafFer,
fe- trouvent rarement mauvaiies1 ; auffi font-elîës
les plus rares; on les nomme Pierres■ de là W&
nette.
Elles ne fe trouvent quelquefois mauvaifès , que
parce qu’il' s’y rencontre de petitscaiflous* en grains
très-durs & même des- grains- de fér, ce qui eft j
abfolument mnirblfe-, parce que l’on ne' peut pas j
affiler un rafbir fans l’cbrêcher-, fnr^tout quand fe j
grain- fè trouve fue urv endroit de- la pienre, que
Ton ne peut pas1 éviter en* repaifmt le rafbir.
Il faut avoir une langue habitude:, proue diaMn- ;
guer du premier coup d’oei l l e s bannes pierres :■
d’avec les mauvaifès & les médiocres ; mais le plus [
sur, dans c e cas», eff d’en venir à l ’efïai, en affilant
à plu fleurs- reprifos- quelques rafoirs’ deftus.
L e foui moyen que l’on pulfle indiquer, elî de
choiflr un grain uni , dont les. pores ne. fbientpûEint
trop gros ni trop ouverts, parce qu alors la pierre
eft trop tendre ; & au contraire, un grain trop ferré,
qu’une pointe d’épingle de cuivre auroit beaucoup
de peine à marquer, feroit tsop dur. Il faut, par
conféquentun milieu entre- ces deux- extrémités ,
c’eft-à-dire un grain ni trop ferré ni trop ouvert,
fur lequel l’épingle puifTe mordre fans, une grande
réfiftance.
On connaît fi la pierre eft raboteufè, en paffant j
Fongle du pouce par-defîüs, & en .appuyant légèrement
; par cette épreuve, on font  elle eft grave!
eufe , parce que l ’ongle marchera irrégulièrement.
Pour avoir une bonne pierre, il faut que lie frottement
de Tongl'e fort é g a l, de fontir qu’elle mange
l ’ongle en douceur.
Cette efpece de pierre eft. ordinairement moitié
blanche (plus ou moins) & moitié noire; trës-ra?
rement le noir eft bon- à affiler ; il eft ou trop dur ,
ou trop tendre ; il fombl-e même que cette pierre
foit de deux natures ,. tant le noir diffère dit
blanc.
Cependant les taches, noires, qui fe trouvent par-
femees fur le blanc, ne diffèrent point delà bonté
ni de la qualité du blanc même.
Ces pierres ne font plus d’aucun ufage lorfque
tout le blanc eft emporté , & qu’il n’y refte plus
que du noir.
L ’huile d?olive eft la meilleure pour affiler ;
faute de celle - ci , Phuile de noix peut aùflr
forvir.
Mais fi- l’on n’avoit point d’huile , on pourroit
employer l’eau claire , & particulièrement, fi la.
pierre eft un peu dure ; il' faut faire attentfon que-
■ l’eau dilate les pores de la pierre- Beaucoup- mieux
| que ne fait L’huile.;' car en1, ce cas.el le fait des.
! dents un peu. trop» greffes , ce quL fait que le. tram-
; chant, coupe rudementj
On peut obvier à cette imperfédion, err affilant
| légèrement, fur-tout aux demiéra- coups de pietre.
H faut au fl! pafler le- rafoir fur- le cuir, un peu-
plus f or t ou- plus- long-temps- ;, par ee moyen on
ne manquera pas d’être Bien ra-fe v quoique prive
d’huile d’olive, ce qui eft cependant le plus né-
Goifaire pour faire les bons tranchans au» rafoirs»
Apures s’être- fervi- (Fime- pierre, i l four avoirfoInde
l’efïuyer, parce que Fhurltefejournarit fept à huit
fours, y forme une efpece de gomme, fur laquelle"
le rafbir ne fait que gliffèr.
Pour y remedier, ce qui eft abfolument néceT
faire, il faut prendre un morceau- de prerre de
ponce, & y faire une face plane' avec une lime-,
ou la frotter fur unepierre de ■ taille-ou for un grâis;
il faut enfoite en frotter la' pierre à rafbir, en y
jettant de temps en temps* dé F eau- claire', ou en”
les trempant toutes' les" deux dans l ’eau.
Pour faire, enfin, cette opération régulière, il
faut frotter toute la longueur de la pierre, d’un
bout jufqu’à l’autre dix k douze fois , tant en allant
qu’en revenant ;- alors elle fe dégraiffera, & reprendra
fa première vigueur;
On fait la même chofo lorfque la pierre, eft
un peu* ufée, foit par le long' fervice , foit par
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moufières ou endroits foibles qui fè trouvent
naturellement dans la pierre, fait enfin parce qirom
ne conduit pas régulièrement le rafoir en l’affilant, ■
appuyant plus d’uta côté que de l’autre ; la pierfle , ,
par conféquent, fe mange plus dans un endroit q,ue-
dans l ’autre.
Alors il faut prendre la pierre de ponce avec \
de l’eau, & en frotter la pierre à rafoir, jufqu’à ;
ce qù’elle foit unie;, c’eft là l ’unique moyen pour ;
la. remettre.' en bon ctat.
Il eft néceffaire que les- pierres à rafoirs forent' j
enchâfiées dans du bois, parce qu’elles'ne peuvent
point foutenit la chute; de deux pieds de haut fans
fe cafter. La châfîe, étant faite juftepour la pierre,
la préforve des fuites de cesaeeidens fâcheux ,.qui
font affez fréquens.
Du tranchant du rafoir.
Il y a beaucoup* de précaution' à prendre pour
porter le tranchant, du rafoir à fa perfection.
Le rafbir trop gros, ou repaffé trop long-temps
fur la pierre, ne va jamais Bien for une" Barbe
fine, en- ce que le bifoau qu’a, fait- la pierre fou le
bord du. tranchanteft trop* fort.
Ce tranchant étant plus Court-, eft moins v if à
la Coupe: que l’on applique ce rafoir fur la barbe
fine, on verra que lè poil pliant'a fon approché,
fe couche fur la- peau , & le rafoir alors, p'afTe par
deiïus le’ poil, au- lieu de le couper.
Le tranchant trop firf. for uiîe barbe forte', n’a
pas un' meilleur focCes, en' ce que lé poil étant
plus fort &' plus r'obüfte, le tranclfafff fin qui n’eft !
pas affez groffi far la pierre■ , s’ébreche&' fe* met
en foie , s’il eft. botï; car s’il eft mou, il fe plie cm _
fe re'nyéffo.
Ces. deux fortes de tranchans arrachent le poil .
plutôt q,ue de le couper ; ainfî cette, règle doit
être généralement reque, qu’il faut un tranchant fin
pour une* jeune & fine barbe , & plus gros pour une
forte.
Voici les qualités requifes dans un bon rafbir :
i° . il faut qu’il foit' de bon acier ; î°* qu’il fort
bien forgé & chauffé à- propos ; 3,0. bien trempé ;
4°. bien recuit ; enfin 5°. bien émoulu ; & la condition
des cinq qui pàroîtroit la- moins e fient i elle ,
eft cependant tellement indi-fpenfable, qu’il fofnt
qu’elle foit fimplement négligée, pour être trempé
dans l-’efpéranCe d’avoir fait un bon rafoir.
L ’a&ion d’affiler eft d’emporter le morfil ; mais
comment fo fait cette opération ? Elle fo fait en
formant un bifeau for le bord du tranchant à la
place du morfil, & en faifànt attention que ce
bifeau foit bien v if & bien régulier ; en outre, qu’il
île foit pas plus gros d’un côte que de l’autre.
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Gît y parvient alfoz aifément, parce que le dos
du rafoir eft- épais, 3c que fon- epaiffeur doit être
•proportionnée à la largeur de la lame ; g eft ce qui
dirige fagement la régulière vivacité du tranchant,
& dont il a un extrême b e foin»
Un- point effentiel de Faffiî'age, eft de s’exercer
fou vent pour fo famil’iarifor la-main à tenir lerafoir,
| afin d^appuyer toujours également d’un côté comme
| de l’autre, & depuis le Bas jufqu?à la pointe,
i G-n peut appeler un rafoir un peu fort ou materiel.
,1 e doublé- de fon- poids ; & un. léger , deux
I fois : en un mot y pour L’un comme pour l’autre ,
! les derniers- coups- de- pierre- doivent être donnés
[bien légèrement, n’appuyant feulement que le
propre poi,ds du rafoir : tous ces principes étant în-
; dlfpenfables, il eft effentiel de les bien obforver.
I Pour connoître fî> le rafoir eft- bien repaffe, ef-
i fuyez de couper légèrement la peau de la main,
j il faut- qu’il- prenne vivement & en douceur; finort
remettez-ie for la pierre, & lui donnez, encore quatre
! ou cinq Coups, de chaque côté, ;, il' ne faut pas ce-
| pendant donner trop de coups de pierre car le
trop eft auffi nuifible que le trop peû, parce quil
. s’y forme tm petit morfil qui le met hors d état
d.e- Couper; iï eft donc effentiel d’en- connoître F excès
:r en voici Le moyen.
Quand on effaie fur la peau le rafbir fortant de
deffus Ta pierre-, fî le morfil eft fort, on le font
feier rudement : s’il eft fin, on Le* font moins ; ii
i faut alors faire une autre épreuve.
Pàffez le- tranchant for l’ongle du- pouce ou du
doigt index-, & tenez le tranchant depuis le bas
de la marque, jufqu’à la pointe; s’i l paffe fans
racler , il n’y a point- de morfil-;- fi , au contraire,
i l râcle ,, e’eft une marque infaillible qu’il y
en- a.
Or,pour s’aflurer de- La vérité, îF faut le repaiffor
une féconde fois for l’cmgib-, toujours légèrement,
& regarder enfoite; s’il coupe bien la peau"de la
main , i l eft certain qu’il- n’y a pas de morfil, & que
le rafbir và ffès-bien.
Efaits certe expérience,- il* n'y a pas à craindre
de fe bleffer, parce que la corne de l’otïgfe eft
fuffifamment dure pour réfifter à cette opération,
pourvu qu’on' ménage bien le poids du rafbir : fa
: feule pefanteur eft fuffifante : .& même > s’il eft
fotr, il: faut retenir la moitié dé fort poids.
Il eft effentiel de- le- paffer deux fois fur l’ongle ,
parce que la première fait ébranler le morfil, &
la féconde le fait coucher de côté ;• de forte qu’en
remettant le rafbir fur la pierre , en- cinq ou fîx
Coups, le tranchant fo trouve en bon état.
Enfin , pour connoître parfaitement fi le rafoir
eft bien , il faut qu’il‘ prenne la peau de La main
également après- l’avoirpaffo for l’ongle deux fois,