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Conduite convenable dans les accidens ou dégâts
qu'éprouvent les foins dans Us prairies , par
M, de Sutieres.
Si le printems eft extrêmement fee, & que l’herbe
foit endommagée au point de jaunir, de fécher,
i l ne faut pas balancer de faire faucher le peu qu’il
y a ; non dans l ’efpoir d’en tirer parti, car elle n’eft
bonne à rien ; mais pour débârrafler la plante d’une
tige qui lui nuit confîdérablement, qui feroit même
inutile dans le foin, fi les pluies venoient allez
abondantes & à tems pour faire pouffer de nouveaux
rejets : car alors étant entièrement morte, elle fe
briferoit en morceaux. Il eft donc à propos, dans
tous les cas, de la couper ; & fi l ’on avoit eu cette
précaution en 1785, la difette des fourrages n’au-
roit pas été fi confîdérable. A cette époque, je fus
envoyé dans une province : j’examinai lç. mal, &
mon premier travail fut de faire faucher un pré.
J’en fis clorre les avenues pour empêcher les betes
d’y entrer. Les payfans me plaifantoient, & étoient
convaincus que nous prenions une peine inutile. Ils
fe trompèrent : car nous eûmes une récolte , à la
vérité peu confîdérable, mais qui cependant l ’étoit
«n comparaifon des autres prés qui ne rendirent
rien. Quand même ce procédé n’auroit produit
qu’un dixième, & même qu’un quinzième de récolte
dans tout Le royaume, cela auroit été allez
conléquent pour mériter de prendre ce foin. Je le
dis avant mon départ. Je voulois qu’on l’annonçât:
mais le public ne devoit avoir connoiflance que-de
l ’ouvrage qui parut à cet égard fous le • aufpices de
M. de Galonné. J’ignore fi les moyens que l’on pro-
pofoit ont procuré beaucoup d’avantages. Il y en
avoit de bons ; mais ils n’étoient ni auffi faci’es, ni
aufli prompts que le mien. Le mal étoit preflànt.
J’indiquois au moins un palliatif ; mais je n’y met-
tois pas tout l'appareil du charlatanifme. Une opération
facile, peu coûteufe, indiquée.Amplement,
ne fait aucune impreffion'. Tandis que ce qui pàroît
difficile, ce qui demande de grands frais pour l ’exécuter
, écrit ou raconté d’un ton impofant, fub-
jugue , entraîne. L ’auxèur paflë pour un homme
merveilleux, tandis que l’autre eft un homme fort
ordinaire : enfin il faudroit n’annoncer que des miracles
, il faut faire des difeours académiques.
L ’extrême fécherefle n’eft pas la feule calamité
que nous ayons à craindre pour nos prairies,. Il y a
encore la grêle & la trop grande abondance de pluie.
Ce dernier fié au eft, je crois, le plus irrémédiable,
fur-tout s'il fument dans le tems du fauchage. Alors
cependant le foin peut fe conferver huit ou dix jours
fur la terre après qu’il a été coupé; en obfervant
de ne pas le remuér, & de le laifler en andin \ 1 ).
( 1 ) On appelle fo.in en andin ou andain, lorfqu’il
eft encore couché dans la pofiçion où la faux l’a placé
çn le coupant.
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La fuperficie feule fera endommagée , & encore
elle eft mangeable, étant mêlée avec le relie.
Quant à la grêle, fi c’eft au printems que l ’on en*
eft frappé, h faut fe fervir de l ’expédient que j’ai
indiqué pour le cas où une grêle auroit fait fécher,
dans le commencement du printems, les jeunes
pointes de l'herbe , c’eft-à-dire , reconduire les
beftiaux fur le pré , afin qu’ils raftiafient eux-mêmes
les débris de l’herbe qui auroit été coupée par la
grêle. 11 fe pourroit cependant faire qu’ils enfufïent
dégoûtés : mais en tout cas le dégât dans cette fai-
fon, ne peut pas être confîdérable. Que fi l’accident
eft arrivé lorfque l’herbe étoit. à une certaine
hauteiir, & qui méritât attention,.il .faudrait faite
ce que je viens de dire pour le ca^ où la fécherefle
ôteroit toute efpérancé de la voir parvenir à fa
grandeur ordinaire : il faudroit par conféquent faucher
& ramaffèr ; & la récolte, que vous ferez en regain
peut vous dédommager de cet échec-là.
Il y a aufli certaines prairies qui font arrofées par
de petits ruifleaux, lefquek , après un orage un peu
confîdérable, s’enflentfoudainement &fe répandent
en torrent. Alors fi le foin eft fauché, & encore fur
le champ, il eft entraîné par les eaux. On ne peut
pas fe prémunir contre le débordement ; mais on
peut empêcher l ’enlèvement ou la difperfîon de la
récolte, en enfonçant, à l’extrémité eje la prairie\
du côté du dégorgement des eaux, des piquets en-
trelaffes de gaules , qui arrêtent le -foin au paffage.
Il n’en eft pas meilleur fans doute, parce que la
terre ou la vafe que l’eau a mêlée avec lu i , a du
communiquer un gôut fouvent étranger : mais enfin
on le fauve.
I l ne fi pas préjudiciable aux prés-bas d'y mettre
Us befiiaux apres la dernière coupe, par M.. de
Sutieres,.
On a avancé, mais a fort, qu’il étoit nuifîble de
conduire les beftiaux fur les prés après ^que la récolte
a été ramaflee.' A quoi donc lerviroit l ’hérbe
qui doit y croître encore? Ne pouvant s’élever à
une affèz grande hauteur pour être fauchée ,• elle
périroit fans pouvoir être utilè ; air. lieu que les
beftiaux la coupent & la mangent dès qu’ils peuvent
la faifîr avec leurs dents.
0Ê y ,-a plus , c’eft que leur féjour dans les prés eft
avantageux. Leur piétinement eft en quelque façon
un. petit labour. Ils déplacent, en y enfonçant leurs
pieds-, les tiges , les racines; ils les déoarraflênt
fouvent de ce qui pourroit nuire à leur accroiffè-
ment. Et dans les trous que leurs pieds creufent,
l’eau fe ramaffe , elle y fermenté ,< fà putridité fe
communique aux environs, ce qui fans doute eft
un engrais. ; Leur fiente , leur haleine en font d’autres
,& voilà vraifemblablement la raifoii pourquoi
les prés, où l’on fait pâturer de ces animaux, font
toujours
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toujours meilleurs que ceux fur lefquels on n’en
conduit jamais.
Pour peu que l ’on foit obfervateur, il eft aifé de
s’appercevoir qu’aufli-tôt que la feve eft en-mouvement
& que la tere entre en amour (1), toutes fes parties
fe réunifient, toutes fe nivelent au point qu’il
feroit impofïîble de reconnoître'les endroits que les
pieds des animaux ont tracés.
Il ne faut donc pas laifler perdre un pâturage qui
économife les provifîons, qui contribue à la fanté
des animaux, &qui procure au terrein une culture,
un engrais ; ainfî tous les exemples contraires,
qu’on peut citer à cet égard, peuvent être bons
pour le lieu, font peut-être même nécefîaires. C ar ,
,G, dans quelques cantons de la Suiffe, l’ufàge de
garder les bêtes à cornes toute l’année s’eft introduit,
il eft probable qu’il en exifte une caufe particulière.
Les pluies tardives n'améliorent pas les foins 3 ainfi
elles ne font point une raifon pour fufpendre la
fauchaifon des prés y par ML, Sarcey de Sutieres.
(Du premier Juin 1787 ).
Quelques perfonneS imagineront fans doute pouvoir
fufpendre la fauchaifon , parce qu’il tombe
( 1 ) Ce mot eft adopté dans beautoup d’endroits,
& il fpécifie très-heureufement le tems où la terre fe
difpofe à recevoir toutes les femences * & où. elle
commence' à les féconder.
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maintenant de la pluie ; mais ce feroit à tort ; elle
ne peut plus influer que fur la fécondé coupe, elle
devient nulle pour le foin aduel ; le maître brin de
l’herbe ne tardera pas à fe deflecher, s’il ne l ’eft
déjà : alors plus de végétation: dans cet état, il eft
à la plante ce qu’eft une branche morte à un arbre;
il ne fait plus qu’un foin liqueux, peu nourriffant,
que les animaux ne mangent point avec plaifîr.
Arrofement des Prairies.
Les habitans des climats brulans doivent à leur
induftrie de fouffrir peu de la fécherefle fi préjudiciable
par-tout où la fécondité paroît uniquement
fubordonnée aux pluies du ciel.
Dans l’Inde & les provinces méridionales de la
Chine, cette fécondité n’eft due qu’aux arrofemens.
On emploie à cet effet une machine fîmple, peu
coûteufe , & au moyen de laquelle un feul homme
élève du fein des rivières environ huit muids d’eau
par minuté.
C’eft une bafcule fur laquelle on monte ; & fans
le moindre effort ; en fe promenant d’un bout à
l’autre d’un pièce de bois garnie de deux baluftrades
ou ridelles, on enlève ou replonge alternativement
un vaifïeau rempli d’environ deux muids , & on
l’enieveroit de quatre en faifant deux pas de plus ;
un crochet de fer faifît le vaifïeau, le renverfe, &
l ’eau coule fur le terrein. Cette machine, comme
on voit, h’eft que la bafcule de nos jardiniers, mais
plus commode & plus utile.
Arts ô* Métiers. Tout. VI. Q 5 5 «