
nitre, déchaîne Fefprït du nitrp, & excite une des I
plus grandes fermentations, ce qui augmente encorg__
la chaleur, de forte que le corps fixe du nitre en
fe raréfiant, fe change aufli en fumée, & rend l’ ex-
plofion plus prompte & plus violente ; car fi on mêle
du fel de tartre avec de la poudre à canon, & que
l’on échauffe ce mélange jufqu’à ce qu’il prenne
feu , l’explofîon fera plus prompte & 'plus violente
que celle de la poudre feule ., ce qui ne peut venir
que de la vapeur de la poudre qui agit fur le fel de
tartre, & rare fie ce fel.
L ’exDlofion de la poudre h canon naît donc de
OL’aétion violente par laquelle tout le mélange étant
promptement échauffé , fe raréfie, & fe change en
fumée & en vapeur par la violence de cette adion,
s’échauffant au point de jetter une lueur ; elle pa-
roît aux yeux en forme de fumée* .
M. de la Hire attribue toute la force & tout l’effet
de la poudre au reffort ou élafticité de l’air renfermé
dans les differens grains de la poudre , & dans
les intervalles ou efpaces qui fe trouvent entre ces
grains : la poudre étant allumée donne du jeu au
reffort de toutes ces petites parties d’air & les dilate
tout-à-la-fois , c’eft-ià ce qui fait i’effet, la poudre
même ne fervant qu’à allumer un feu qui puifie
mettre l’aÎT en mouvement, après quoi tout le refie
fe fait par l’air feul.
La poudre a canon eft une matière de grande
conféquence, tant pour la Ipécuiation que pour la
guerre & pour le commerce, dans lequel il s’en
fait un débit incroyable, & elle mérite que nous
entrions dans un détail encore plus particulier fur
ce qui la regarde.
Pour faire donc de la bonne poudre , il faut avoir
foin que le falpêtre foit bien purifié, & qu’il paroiffe ;
comme de beaux morceaux de cryfial, autrement
il faut le purifier en lui ôtant tout le fel fixe ou
commun & les parties terreflres.
Cela fa it, il faut diïïoudre dix livres de- nitre
dans une quantité fuffifante d’eau claire; faites re-
pofer, filtrer & évaporer le tout dans un vaiffeau
verni jufqu’à ce qu’il foit diminué de moitié, ou
julqu’à ce qu’il paroiffe au-deffus une petite peau ;
pour lors vous pouvez oter le vaiffeau de deffus le
feu & le mettre à la cave.
En vingt-quatre heures de temps, les cryffaux
s’ étant formés, il faut les fépar.er de la liqueur.
Continuez de même à cryilallifer ainfî plufîeurs
fois la liqueur jufqu’à ce que tout-le fel en foit
tiré ; mettez enfuite ces cryffaux dans un chauderon,
& le chauderon furunefournaife où il n’y ait d’abord
qu’un feu modéré ,-que vous augmenterez- par degrés
jufqu’à ce que le nitre commence à fumer, à
s’évaporer, à perdre fon humidité, & à devenir
d’un beau blanc.
Pendant ce temps-là il faut remuer le nitre continuellement
avec une cuillère à pot, de peur qu’il
ne reprenne fa première forme. Par ce moyen,
vous lui ôterez toute fa graille & ordure.
Verfez enfuite dans le chauderon affez d’eau pour
en couvrir le nitre ; & lorfqu’il fe trouve diflout & réduit
à la confîffance d’une liqueur épaifîe, il faut le
remuer avec la cuillère, fans aucune interruption,
jufqu’à ce que toute l ’humidité fe foit évaporée de
nouveau, & que le nitre foit réduit à une forme
sèche & blanche.
Il faut prendre les mêmes précautions pour le
foufre, en choifîffant celui qui fe trouve en gros volume
, clair & d’un beau jaune , qui ne Toit point
extrêmement dur ni conipaft , mais poreux ; cependant
il ne faut pas qu’il foit trop luifant ; fi en l’approchant
du feu il fe confomme entièrement & ne
laifle après lui que peu ou point de matière , c’eft
une marque de fa bonté ;_ de même , fi on le preffe
entre deux plaques de fer affez chaudes pour le faire
couler, 8c qu’en coulant il paroiffe jaune, de forte
cependant que la matière qui reffe foit de couleur
rougeâtre, on peut Conclure qu’il fera de la bonne
poudre ; mais fi le foufre renferme beaucoup de matières
hétérogènes, on peut le purifier de la maniéré
fui vante.
Faites fondre le foufre dans une grande cuillière
- ou pot de fer fur un petit feu de charbon- bien allumé
, mais- qui ne jette point de ‘flamme ; écumez
tout ce qui vient aü-deflus & qui nage fur le foufre:
immédiatement après ôtez-le du feu & paffez-le
dans un linge double , fans rien prefîer ni précipiter,
& vous aurez du foufre bien purifié, puifque
toute la matière hétérogène fera reftée dans le
linge.
A l’égard du charbon , qui eft le troifîème ingrédient
, il faut le choifir gros, clair, exempt de
noeuds, bien brûlé & caffant.
Des différentes fortes de poudre.
Il y a trois fortes de poudre : favoir , de la .poudre
à canon, de la poudre à fufîl & de la poudre à pif-
tolet ; & il y a deux efpèces de chacune de ce«
fortes de poudre , favoir de la forte & de la foible ;
mais toutes ces différences ne viennent que des différentes
proportions des trois ingrédiqns.
Voici ces proportions. Pour la poudre a canon,
on prend ordinairement cent livres de falpêtre,
vingt-cinq livres de foufre & autant de charbon ; &
pour la foible , cent livres de falpêtre , vingt livres
de’ oufre & vingt-quatre livres de charbon.
Pour la forte poudre à fufil cent livres de fel-
pêtre, dix-huit de foufre & vingt de charbon ; pour
la foible, cent livres de felpêtre , quinze de foufre
& dix-huit de charbon.
i Pour la forte poudre à piffolet, çent livres de
falpêtre,
falpêtre, douze de foufre 8c quinze de charbon, &
pour la foible, cent livres de falpêtre, dix de foufre
& dix-huit de charbon.
D’autres auteurs preferivent d’autres proportions.
Semienowitz veut que pour la poudre à mortier, on
prenne cent livres de falpêtre, quinze de foufre 8c
autant de charbon. Pour la poudre à gros canon,
cent livres de falpêtre, quinze de foufre & dix-huit
de charbon. Pour la poudre à' fufii & à piffolet,
cent livres de falpêtre, huit de -foufre & dix de
charbon.
Miethius veut que fur une livre de falpêtre, on
mette trois onces de charbon & deux onces ou deux
onces & un quart de foufre, & il allure qu’il n’eft
pas poflible de faire de la poudre à canon meilleure
que celle-ci.
Il ajoute que c’eft fans aucun fondement que l’on
a introduit la coutume de faire de la poudre plus
foible pour les-mortiers que pour les canons, & que
c’eft pour multiplier les frais fans néceftité, puif-
qu’au lieu de vingr-quatre livres de poudre commune
qu’il faut pour charger un gros mortier , &
par conféquent deux ceht quarante livres pour dix
charges , il fait voir par fon calcul que cent quatre-
vingt livres de poudre forte produiront le même effet.
Manipulation,
A l ’égard du détail de l’opération, il faut réduire
d’abord en poudre très-fine tous les ingrédiens,
les humeder enfuite avec de l’eau claire ou du
vinaigre, ou de l’efprit-de-vin, ou avec de l’eau &
de l’efprit-de-vin mêlés enfemble, ou avec de l ’urine
dont on fe fert ordinairement, les bien battre
pendant vingt-quatre heures pour le moins , & les
réduire en grains.
Pour cet effet on prendjjn crible, avec un fond de
parchemin épais & plein de petits trous ronds, on
mouille la première mafle de poudre pilée avec vingt
onces d’efprit-de-vin , treize d’efprit de nitre, deux
d’efprit de fel ammoniac, & une de camphre, diflous
dans de l’efprit-de-vin ; on mêle toutes ces chofes
enfemble, ou bien on prend quarante onces d’eau-
de-vie & une de camphre que l’on mêle & que l ’on
diflout pour faire le même effet.
Après que l’on a formé toute la compofîtion en
grofles boules comme des oeufs, on les met dans le
crible avec une boule de bois que l’on agite dans le
crible, afin qu’elle brife les boules de poudre ; celle-
ci , en paflant ainfî par les petits trous, fe forme en
petits grains proportionnés à ces trous.
Quand on veut faire une grande quantité de poudre,
on fe fert de moulins , avec lefquèls on fait plus
d’ouvrage dans un jour qu’un homme n’en pourroit
faire en cent.
Ou peut faire la poudre k canon de différentes
couleurs, mais la noire éft la meilleure.
Arts 6? Métiers. Tom. VI.
Pour faire delà poudre blanche, prenez dix livres
de falpêtre, une de foufre & deux de fciure de
fureau, ou du même bois réduit en poudre ; melez
le tout enfemble, & faites l’opération de la manière
qu’il eft dit ci-deflus ; ou bien mêlez deux
livres de fciure de bois, avec dix livres de nitre &
une livre & demie de foufre féché & réduit en poudre
fine, ou bien encore du bois pourri,. féché 8c
pulvérifé, avec deux livres trois onces de fel de
tartre, faites-en de la poudre, & enfermez-la pour
la garantir de l'air.
Il faut obferver aufli qu’en faifant de la poudre
à piffolet , fi vous la voulez faire il faut la
remuer plufîeurs fois pendant qu’elle eft dans le
mortier, la mouiller avec Je l ’eau diftillée d’écorce
d’orange & de citron, & la battre pendant vingt
heures.
La poudre grenue a plus de force que celle qui
eft en pouflière, parce que l’air fe trouve comprimé
dans chacun de ces grains, &’ les gros grains
font plus d’effet tjue les petits ; c’eft pourquoi lés
grains de poudre a canon font toujours plus gros cjue
ceux des autres poudres , & en chargeant une pièce
d’artillerie, il ne faut point brifer les grains.
Manière d'éprouver la bonté de la poudre.
Il y a trois manières d’éprouver la bonté de la
poudre.
i° . A la vue ; car fi elle eft trop noire , c’eft une
marque qu’elle a été trop mouillée, ou qu’on y a
mis trop de charbon ; de même fi on la frotte fur
du papier blanc, elle le noircit plus que de la bonne
poudre ; mais fi elle eft d’une efpèce de couleur d’azur
tirant un peu fur le rouge, c’eft un ligne qu’elle
eft bonne.
z°. Au tad; car fi en laprefîant entre les extrémités
dés doigts, les grains fe brifent aifément, &
retournent en pouflière douce, c’eft un ligne qu’il
y a trop de charbon ; ou fi en la preffant avec les
doigrs fur une planche dure & unie, on trouve des
grains plus durs les uns que les autres qui impriment
dans les doigts une efpèce de dentelure, c’eft un
ligne que le foufre n’a point été mêlé comme il
faut avec le nitre, & que par conféquent la poudre
ne vaut rien.
3°. Par le feu; car fi l’on met des petits tas de
poudre .fur du papier blanc , à la diftance de trois
pouces ou davantage les uns des autres, & qu’en
mettant le feu à un de ces tas, il fe confume tout
feul .avec promptitude , & prefque imperceptiblement
fans mettre le feu aux autres , mais en donnant
un petit coup , & en faifant monter en l’air une
petite fumée blanche, eirforme de cercle, c’eft un
ligne que la poudre eft bonne.
Si elle laifle des taches noires fur le papier, d*eft
, qu elle a trop de charbon, ou que le charbon n’eft
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