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De la gomme élafiique.
En finîfTant cet article, qu’il me foit permis de
faire connoître cette fubflance fîngulière, relTem-
blant à du cuir, & fiibftituée depuis quelques années
à la mie de pain pour enlever, & bien plus
efficacement, les fauflès traces du crayon fur le
papier.
Cette fubflance que noùs appelions gomme élastique
, & que dans fon lieu natal on nomme caoutchouc^
nous vient des environs de Quito , des bords
du fleuve des Amazones & de l’ifle de |Cayenne.
Elle efl recueillie par les indiens qui la tirent de
VHévé , arbre particulier à l’Amérique méridionale.
Pour obtenir cette gomme , ou plutôt cette réfine,
on nettoie le tronc de l’arbre, on l ’entoure,
à quelques pouces de terre, d’une feuille de ba-
lifier, bien jointe & repliée en goutière : on entaille
en fuite l’arbre avec un inflrument qui pénètre
l’écorce à-fond.
De chaque incifion il découle, dans le réfer-
Voi.r circulaire, un füc auffi blanc que du lait ,
auffi liquide, mais qùe l’air ou des moyens factices
ne tardent point à confolidêr.
Les peuples de ces contrées tirent différens par- ■
tis de cette matière. Ils en Compofènt des bottes;
abfolument d’une pièce, des feringues., des bouteilles
, &c. Quelques lignes expoferont leurs procédés
autant Amples qu’ingénieux.
P A S
Ils forment d’abord, en argile, un modèle de
l ’objet qu’ils veulent exécuter. Ce modèle doit être
mince & facile à brifer. Ils l’enduifent d’une première
couche de la réfine encore fluide, & l’expo-
fènt, avec cét enduit, au-defliis d’un feu qui rende
beaucoup de fumée. L ’enduit n’a pas plutôt pris
une teinte jâune, qu’on le charge d’une couche
nouvelle. Par ces couchés accumulées & féchées
auffi-tôt, l ’enveloppe acquiert bientôt I’épaifTeur
qu’on dèfire. Il ne s’agit plus que d’écrafèr le moule
en comprimant l’enveloppe, & de faire fbr'tir les
éclats par une ouverture. Le caoutchouc, parfaitement
élaftique , reprend , dans l’inflant, la figure
qu’il a reçue fur l ’argile.
Telle efl la fubflance qui, découpée en petites
tablettes, fournit au deffinateur un moyen fi prompt
d’enlever des traits qu’il veut faire difparoître.
Voye% le fécond voyage de M. de la Condamine.
Paris, chez la veuve PifFot, 174$ , in-8° ; & le
mémoire que le même navigateur a dépofé parmi
ceux de l ’Académie des Sciences, année 1751.
M. Poivre, commifFàire pour le roi à l’ifle de
France, a découvert une plante commune dans
cette ifle, & qui, lbrfqu’on la rompt, donne un
fiic très-reflemblant à celui du caoutchouc. Ce lue
s’épaiffit de même en féchant, & forme comme
l’autre une réfine élafiique, mais d’unè qualité
moins parfaite.
( Article de M. B lan q u a r t de Septfontàine s,
gentilhomme de l ‘ Ardréfis ),
P A S T E L ( Art de fixer le ).
I M. le prince de San Severo , chymifle & phyfî-
! cien célèbre de Naples , examina s il ferait poffi-
I ble de fixer les paftels'en humeélant le papier par
K derrière feulement : mais i l fe préfentoit ici des
! difficultés.
Une eau gommeufê propre à fixer les paftels ,
| étendue avec un pinceau derrière le tableau, hu-
I mefte fort bien certaines couleurs ; mais la laque, 1 lé jaune de Naples & quelques autres relient tou-
I jours fèçhes & ne Ce fixent point.
Une matière hyiieufe , quelque tranfparente &
I quelque fpiritueufe qu’elle foit, ternit les couleurs
5 & leur ôte le plus bel agrément.
L ’huile de térébenthine, quoiqu’elle foit claire
H cpmme de l ’eau, a le même inconvénient ; d’ail-
■ lèurs elle s’évapore dans l ’efpace de deux ou trois
I jours ; les couleurs alors ne relient pas bien fixées ,
I & fè lèvent avec le doigt.
La gomme copal , la gomme élémi, le fanda-
B raque, lemaftic , le karabé , & généralement tous,
K les vernis à l ’efprit de vin & îes réfînes, obfcur- !
■ cillent les couleurs & rendent le papier tranfpa-
■ rent, nébuleux & comme femé de taches.
La colle de poiflbn efl la feule matière que le
■ prince de San Severo ait trouvé propre à cet ufàge, ■ «Voici ion procédé.'
K II prend trois onces de la belle colle de poif-
B fon ; il la coupe en écailles minces, & la met in-
B fufer pendant vingt-quatre heures dans dix onces
K de vinaigre diflillé ; il met là- defïus quarante-huit
I onces d’eau chaude bien claire, & il remue ce
K mélange _aveç une fpatple de bois , jufqu’à ce que
K la colle foit prefque entièrement diffoute.
Ce mélange étant verfé dans un vafè de verre,
I que l’on enfonce dans le fable à deux ou trois doigts
B de profondeur, on met la poêle qui renferme le
■ fable, fur un fourneau à feu de charbon ; mais on
■ le ménage de façon que la liqueur ne bouille ja-
I mais, & qu’on puilïe même toujours y tenir le doigt:
B on la remue fouvent avec la fpafule, jüfqu’à ce que
■ la diflolution foit entière; après, quoi on Taille re-
B froidir la matière, & on la paflè par Je filtre de
B papier gris fur.un entonnoir de verre , en obfervant
B de changer le papier quand la liqueur a trop de
B peine à .palier.
S’il arrive qu’on n’ait pas mis aflèz d’eau ; que
B la colle foit d’une qualité plus glutineufè ; qu’elle
B ait de la peine à pafier, & qu’elle fè coagule fur
B 'le papier, on y ajoute un peu d’eau chaude, on fait
difloudre la matière avec la fpatule de bois , & ont
la filtre. L ’expérience fait juger de la quantité d’eau
nécefiaire pour cette opération.
Quand la liqueur efl filtrée , on la verfe dans
une grande bouteille , en mettant alternativement
un verre de la diflolution & un verre d’efprit de
.vin bien re&ifié , pour qu’il y ait un égal volume
plutôt qu’un poids égal des deux liqueurs.
La bouteille étant bouchée , on la fècoue pendant
un demi-quart d’heure , pour que les liqueurs
foient bien mêlées, & l ’on a tout ce qui efl né-
celîaire pour la fixation du paftel.
Le tableau qu’on veut fixer étant placé horifon-
talement, la peinture en deflous , bien tendu par
deux perfonnes, on trempe un pinceau doux & large
dans la compofition décrite ci-deflus.
Il faut que le pinceau foit, de l’efpèce de ceux
qu’ôn emploie pour la miniature, mais qu’il ait au
moins un pouce de diamètre. On le pafle fur le
revers du papier, jufqu’à ce que la liqueur pénètre
bien du côté de la peinture, & que l ’on voie toutes
les couleurs humeétées & luifant comme fi l’on
y ayoit pafle le vernis.
La première couche pénètre promptement à
caufe de la féchereflfe du papier & des couleurs'
abforbantes : on donne une fécondé couche plus
légère; il faut avoir foin de donner ces couches
bien également & de manière qu’il ne s’y falfe
| aucune tache ; après quoi l’on étend le papier fur
une table bien unie , la peinture en dehors, & le
revers fur la table .pour l?y laiflèr fécher à l ’ombre
& peu à peu. Il fùffit de -quatre heures en été ,
& l’on a un tableau fixé , fe c , fans aucune altération
& fans aucun pli.
Quelquefois il y a des couleurs qui ne fe fixent
pas affezi par cette première opération, & l’on efl
: obligé de donner une nouvelle couche de la même
façon que la précédente.
Î1 efl utile que le peintre repaflè enfuite les couleurs
avec le doigt l’une après l’autre , chacune
dans fon fens , de la même façon que s’il peignoit
le tableau ; ce qu’on peut faire en trois ou quatre
minutes de temps, pour ôter cette pouffière fine
qui , étant, détachée du fond, pourrait n’être pas
adhérente & fixée.
Cette manière de fixer le paftel efl fîmple , facile
& sûre. L ’altération qu’elle caufe dans les
couleurs efl infènfible , & fâ folidité efl telle que
l’on peut nettoyer le tableau fans gâter la couleur.