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P O L I M E
’ a r t du poliment 5 ou l’art de polir, confîfte à
donner aux chofes un vernis ou un luftre en les
frottant.
Poliment des ftatu.es.
Les anciens donnoient le poliment aux ftatues de
marbre en les cirant. Pline nous l’apprend, liv v u ,
ckap. ix , mais nous ne connoiffons plus cette pratique.
Plus cette couche de cire étoit mince , plus les
ftatues confervoient l’efprit du travail du fculpteur ;
& c’étoit apparemment dans ce fens que Praxitelle
donnoit la préférence à celles de fes ftatues auxquelles
Niçias, artifte expérimenté, avoit ainfî donné
ce poliment. Il eft vrai que nous ne voyons ,
dans les ftatue? antiques qui fubfîftent, aucune*
trace de cette .efpèce de poliment ; mais cela ne
doit point furprendre ; le temps l’a dû effacer ; la
croûte étoit trop mince pour être de durée.
Cependant on peut dire que ce poliment des
anciens éto;it préférable à celui que nous employons.
En^ effet, il étoit exempt de frottement dans l’opération
, & différent en cela de celui de la pierre
ponce dont nous faifons ufage, & qui doit nécef-
fairement émouffèr certaines petites arêtes, dont
la vivacité ne contribue pas peu à rendre un travail
ferme & fpirituel.
Nous avons parlé du poliment des pierres pré-
cieufes , des marbres, des glaces ou miroirs , du
bois & de plufieurs autres objets qui en font fufcep-
tibles fnous ajouterons feulement, quelques obferva-
tions fur le poliment des métaux.
Après avoir travaillé & adouci le métal , foit
a la lime, foit au tour, avant que d’alfembler les
pièces à demeure , il faut les polir.
Fer ^ acier.
Si c’eff du fer ou de l’acier, vous emploierez
d’abord l ’cmeri en poudre, que les quinquailiiers
vendent tout broyé : mais comme il y en a de plus
fins les uns que les autres , il faut en avoir de deux
ou trois fortes, commencer avec le plus rude pour
emporter les traits de la lime, & finir avec celui
. qui ne peut plus rayer le métal fenfiblement. -
Pour employer-ces poudres, vous préparerez des
morceaux de bois tendre, tail-lés différemment les
uns des autres, pour atteindre par-tout où la limé
a paiTé. Vous les enduirez d’un peu d’huile d’olive,
N T ( Arc du )
& vous répandre* légèrement votre émeri par-
deffiis.
C ’eft avec ces bois ainfî préparés qu’il faut frotter
, en différens fens , & découvrir de temps en
temps les furfaces frottées, en les effuyant avec un
mauvais linge, pour voir fi les plu# gros traits font
emportés.
Quand ceux de la lime l’auront été , il faudra
effacer ceux du premier émeri avec un plus fin, que
vous emploierez de même , mais avec de nouveaux
bois, de peur que les premiers, contenant encore
quelques grains de gros émeri, ne nuifent au po-
liflàge.
En procédant ainfî, vous adoucirez parfaitement
votre fer ou votre acier ; il ne s’agira plus que de
donner le luftre, ce que vous ferez aifément en
effuyant bien la pieee, & en la frottant à fec avec
un morceau de feutre ou de peau de buffle, & un
peu de potée d’étain , ou d’ùne efpèce d’ochre que
les droguiftes vendent fous le nom de rouge d'Angleterre,
Cuivre,
Le cuivre fe polit mieux à l ’eau qu a l’huile :
vous enleverez les premiers traits avec de la pierre-
ponce broyée que vous ferez mordre avec des bois
comme ci-deflùs, ou avec la pierre même, fi les
furfaces font un peu larges, en la mouillant fou-
vent , & en ajuffant fa furface à celles fur lefquelles
elle doit agir.
Après la ponce', le charbon de bois employé
comme la pierre, avec de l’eau, fait très-bien $
mais il faut choifîr un charbon doux , qui ne foit
pas capable de rayer le métal, & qui s’ufe peu-à-
pefc par le frottement.
Vous finirez ce poliffàge avec up peu de tripoli
en poudre tres-fine, que vous emploierez à fec
avec le buffle ou le feutre, & vous efluierez la pièce
avec un linge fin & blanc de leflive.
Miroirs de métal.
Le métal des miroirs concaves, convexes, cylindriques
, pyramidaux, &c. demandent des foins
dans le poliffàge : après les avoir dégroffis à la lime
au fortir de la fonte, on les frotte avec des molettes
de plomb accommodées à leurs furfaces, en
interpofant du grès pilé & mouillé.
Quand tous les défauts de la foate feront enlep
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vés , on lavera bien le miroir à la molette, & l’on
continuera de frotter avec de’ là ponce broyee &
de l’eau , en renouvellant l’un & l’autre de temps
en temps : par ce moyen l’on parviendra à rendre
les furfaces régulières & à les adoucir.
Il ne reftera plus qu'à les polir, ce qu’on fera
en les frottant d’abord avec lë charbon bien choifî ;
enfuite avec le buffle ou le feutre , & la potée
roüge employée à l’eau , & enfin avec la potée d’étain
à fec.
En général, efluyez promptement les pièces qui
auront été touchées avec des mains fuantes , fans
quoi elles relieront tachées. Pour enlever ces taches
, quand il y en a 3 il faut frotter l’endroit avec
un bouchon de liege doux, chargé d’un peu, d’huile
& de tripoli bien pulvérifé.
C’eft ici le lieu de 'parler de la terre a. polir employée
par les poliffèurs de glaces & autres.
De la terre a polir.
Tel eft le procédé que M. de Machy, habile
chymifte , indique , dans fou art-du diftillateur,
pour obtenir cette terre qui eft duç à la décompo-
fîtion du falpêtre par le vitriol.
Le vitriol martial, ou couperofe verte, eft privé
de toute humidité , & réduit par l’excès de chaleur
en une fubftance rouge qu’il ne s’agit plus que de
deffàler & de mettre en poudre fine. Pour cet effet,
on vuide les cuines ou vafés qui ont fervi à la fabrique
des eaux-fortes, dans des tonneaux défoncés,
& l’on y verfe beaucoup d’eau;.on agite de
temps, à autre la matière avec un bâton ; on la
laiffè éclaircir, on la fait écouler , on en ajoute
de nouvelle jufqu’à ce qu’elle ne porte plus de faveur
avec elle.
La terre eft deffàlée : alors on remue cette îyiaffè
dans de l'eau; & lorfqu’elle eft bien trouble, onia
tranfvafe. promptement dans d’autres tonneaux , où
on la laiffè fe raffèoir; on ne cefîè ce dernier travail
que lorfque l’eau ne fe charge plus de couleur;
on décante l’eau claire , on laiffè bien égoutter
ïa terre qui eft au fond ; & lorfqu’elle n’eft plus
humide qu’autant qu’il le faut pour fe pétrir, on
la moule en bâtons longs & ronds , qui pefent à-
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peu-près cinq, à fîx onces ; on les met- fécher au
grand air, mais ni au foleil ni près du feu.
Les poliffèurs de glaces & ceux qui veulent donner
à leurs ouvrages un poli très-luifant, achètent
cette terre ainfî préparée , qu’on leur vendoit autrefois
beaucoup plus cher, parce qu’il y avoit peu de
diftillateurs d’eaux fortes qui fuflènt en tirer parti.
On abrège le deffàlement du vitriol en verfant
l’eau bouillante qui diffout les fels bien plus promptement.
Plufieurs ne traitant leurs eaux-fortes que
pour avoir cette terre, mettent le vitriol jufqu’au
triple de ce qui en fuffit pour décompofer le falpêtre.
D’autres, plus économes , épargnent le temps
& le bois.
Sous la cheminée du laboratoire on met fur le
fourneau à bafline une marmite de fer qu’on emplit
à moitié de vitriol ou couperofe verte. A l ’aide d’une
chaleur douce qu’on donne d’abord , le vitriol fe
liquéfie, fe deuèche & prend une couleur d’un blanc
fale ; on le détache exactement des parois de la mar-
■ mite , & on l ’écrafe le plus qu’on peut avec une
fpatule de fer ; on augmenté alors le feu, la couleur
devient jaune ; puis lorfque le fond de la marmite
rougit, la mafie le change en une poudre rouge ,
connue plus généralement fous le nom de colcothar, 8c que les diftillateurs vendent fous le nom de terre
a polir, après l’avoir lavée 8c modelée.
C ’eft en effet la même chofe ; mais il faut croire
que les poliffèurs ont remarqué que le colcothar
étoit trop lavé ; ils achètent le réfîdu de la diftilla-
tion tel qu’il fort des cuines , & le préparent eux-
mêmes comme il fuit.
Ils ne délaient la terre à polir que pour la dé-
barraffèr des grains fableux qui nuiroient à leur travail
; mais ils ne rejettent point l ’eau : ils la font
deffécher avec la terre ainfî délayée , jufqu’à ce
qu'ils puiffènt en former des bâtons.
Par- cet artifice , outre la terre à polir, il met
tout le tartre vitriolé contenu dans le réfîdu des
cuines.
Au refte , ils conviennent tous que la terre à
polir, non deflèchée , eft plus gripante fur la glace ,
& donne un poli plus parfait.