
Autrement il court rifque d’ajouter de nouveaux
défauts à la négligence du deffin d’après lequel il
travaille, ou de tomber dans des erreurs eflentiel-
les , faute de pouvoir lire ce que le deffinateur
n’aura qu’indiqué.
La partie du deffin la moins à négliger, pour
le peintre fur verre comme pour le graveur, eft
l’entente parfaite d’un, clair-obfcur. Elle eft cette
vraie magie de la peinture, qui, répandant fur les
objets qu’elle traite, les jours & les ombres que
la lumière elle-même doit y répandre, fait aux yeux
du fpeôateur une fi douce illufîon.
Un continuel fc facile traitement du crayon ne
pourra manquer de procurer à notre artifte cette
touche libre, lavante & pittorelque, qui fera fèn-
tjr l’efprit, la fineffe & la légéreté de la pointe de
fon pinceau, qui deffine la forme en retirant le
trait ; ou de celle de la hampe du pinceau ou
d’une plume très-dure , qui , en emportant le lavis
dont la pièce eft chargée, donnent les rehauts &
les éclats du jour; ou de la broflè rude qui fert a
former les demi-teintes fur le lavis.
Enfin tous les détails de la peinture fur verre,
ainfi qu’on en pourra juger par ce qu’on va aire de
Ion méchanifme, exigent, de la part de Fartifte,
u ne propreté extrême de travail.
Il doit écarter fbigneufèment de fôri ouvrage &
de les couleurs , non-fèulement tout ce qui auroit
approché de quelque corps gras ou huileux qui pour-
roit s’attacher au verre qui lui fèrt de fond, ou aux
couleurs qu’il y emploie , mais encore julqu’aux
atomes de la pouffière.;
La peinture lûr verre demande même , plus que
tout autre genre de peinture , fi l’on excepte celle
en émail, un corps fàin, non-lèulement de la part
de l’artifte , mais encore de la part de ceux qui
s’approchent.
Attelier & outils propres aux peintres fur verre.
Je paflè maintenant à ce qu’on peut regarder plus
particulièrement comme les outils du peintre liir
verre, après néanmoins que nous lui aurons trouvé
line place convenable pour Ion attelier.
Cet attelier doit être placé en beau jour, dans
un lieu qui ne foit ni humide, ni expofé à un air
trop v i f , ou à la grande ardeur du foleil;
Trop d’humidité empêcheroit les pièces de parvenir
au degré de fîceité pour les charger dans le
befoin de nouveau lavis ou des émaux colorans, 8c conduire l’ouvrage à fa perfection.
L a trop grande ardeur du ioleil, comme le trop
grand haie, nuiroit à tout le travail de l’artifte.
Lors de la recuifTon, fi le fourneau étoit confirait
en un lieu humide, les émaux noirciraient à
la calcination.
À un trop grand air, le feu prendroit, dans Be
commencement & dans fà continuité, un degré de
vivacité trop prompt, qui ferait cafter les pièces
dans le fourneau avant qu’elles euflènt pu parvenir
à la fufion des émaux.
Enfin le voifînage des aifanees, ou de quelque
lieu infeét ou mal-fàin, peut, comme l’humidité,
ternir le brillant des couleurs, ou empêcher mêmè
qu’elles ne fè lient ou incorporent avec le verre
qui leur fert de fond.
L ’attelier du peintre fur verre étant placé avec
les précautions fùfdites, donnons-lui des outils.
L e premier eft une table de lapin , emboîtée de
chêne à chaque bout, folidement établie fur quatre
pieds entretenus fur la largeur, à chacun des bouts,
par une traverfè , & par une autre dans le milieu
fur la longueur, afïèmblée dans celles des bouts
qui fèrve d’appui aux pieds de l’artifte ; le tout de
bois de chêne.
Je voudrais encore que le deffiis de cette- table
fût le .même que celui des tables dont fè fervent
les deffinateurs dans l’architedure civile & militaire
; c’eft-à-dire, que le menuifîer, au lieu d’aflèm-
bler les deux planches de devant, dont la dernière
ne doit pas porter plus de trois à quatre pouces de
large, laiffât entr’elles un vuide de demi - pouce
depuis une emboîture jufqu’à l’autre.
Ce vuide fèrviroît à y gliflèr 8e tenir fùfpendue
fous la table la partie d’un grand deffin dont le
peintre ne doit prendre le trait & le retirer fur le
verre que fucceffivement, & à le remonter à fur
à mefùre fur la table , à chaque rangée (Je pièces
qu’il veut retirer.
C’eft le vrai moyen de confèrver un deffin propre
& fans rifque de contracter de faux plis , ou de
s’eflàcer par le frottement du ventre ou de la manche
du peintre.
Cette table ne peut être trop étendue en longueur ,
à caufè des différens fèrvices que l ’artifte doit en
tirer.
Quant à fa largeur, on doit la reftreindre à deux
pieds & demi au plus.
Sa longueur eft propre à étendre l’ouvrage pour
le faire fécher, foit qu’il s’agiffe du premier trait
avec la couleur noire dans les morceaux les plus
hors de vue, foit qu’il s’agiffe des différentes couches
de lavis dans les morceaux le plus délicats , foit
qu’il faille enfin laifîèr fécher les couleurs qui ont
été couchées fur l’ouvrage, avant de les empoeler.
La hauteur de cette table, où le peintre travaille
le plus ordinairement affis , doit être de deux pieds
un quart du defliis de la table au fo l , & le fiege
de dix-huit pouces de hauteur; c’eft-à-dire , qu’elle
doit être une fois & demie plus haute que le fiége.
Cette table doit être pofée au niveau des fenêtres.
Le jour le plus favorable eft celui qui vient à la
gauche du peintre.
Il doit la couvrir, vers l’endroit où il travaille,
d’un carton d’une bonne épaifièur 8c d’une jufte
étendue, tel que celui que les deffinateurs & les
gens de plume nomment pancarte%
Avant de commencer un ouvrage, la table doit
être garnie, i®. d’un plaque-fein. C ’eft ainfi qu’on
nomme un petit baffin de plomb pu de cuivre., un
peu ovale, dans lequel on dépofè la couleur noire
îorfqu’elle a été broyée, de façon qifelle fait plus
tamafTée vers le bord que dans le fond , & que,
quand le plaque-fein eft un peu incliné félon l’ufage,
la couleur pareille féparée du lavis, qui doit y fur-
■ ager lorfqu’ayant celfé l’ouvrage on le pofè à plat ;
car fi on laifïoit fécher cette couleur, elle ne ferait
plus de fèrvice, à moins qu’on ne la rebroyât de
nouveau.
Le plaque-fèin des récollets, peintres fur verre,
avoit , dans l’endroit où l’on dépofè la couleur
noire, une bafè concave pour la retenir & l’empêcher
de couler lorfqu’ils en travailloient, & pour
ïaiflèr place à l ’eau gommée- Il y avoit en outre
fur les bords dudit plaque-fèin, en largeur , de
petites entailles pour y loger leur pinceau lorfqu’ils
cefïbient de s’en fèrvir.
- La table de notre artifte doit en fécond lieu être
garnie d’une drague pour retirer avec la couleur
iioire, dont on l’imbibe, le trait du deffin qui eft
fous le verre.
Cet outil eft compofé d’un ou deux poils de chèvre,
longs d’un doigt au moins, attachés & liés au bout
d’un manche comme un.pinceau.
La main qui en fait ufâge doit être fùfpendue,
fans aucun appui, au-deflùs du verre, pour prendre
le trait du deffin dès fa naiffance jufques dans fès
contours , avec la précifion du crayon le plus facile
& le plus léger.
L a drague étoit autrefois bien plus en ufâge qu’à
préfent, & ne fèrvoit pas peu à éprouver la juftefiè
& la légéreté de la main d’un élève, dont les premiers
exercices étoient de retirer avec cet outil
les contours des figures au premier trait, avant de
leur donner les ombres .avec le pinceau.
Les . pinceaux d’un peintre fur verre doivent être
compofés de plufieurs poils de gris étroitement liés
enfèmble du côté de leurs racines, & ajuftés dans
le bout du tuyau d’une plume remplie vers le haut
par un manche ae bois dur, auquel ce tuyau fert
comme de virole.
H y a beaucoup de choix dans ces pinceaux,
Ceux dont tous les poils réunis forment mieux
la pointe, font les meilleurs.
Pour les éprouver, on les paflè fur les lèvres *
on en humeéte un-peu le poil avec la falive. Ceux
qui, à cette épreuve, s’écartent plutôt que de faire
la poihte, ne font pas bons.
Un pinceau ne doit fèrvir que pour une eouleur*
On ne peut apporter trop de foins à les tenir bien
nets avant de s’en fèrvir.
On les détrempe à cet effet dans un verre plein
d’eau bien claire, qui n’ait pas contra&é la moindre
graifiè.
On les y dégorge en les preflant avec le bout du
doigt fur le bord du verre ou gobelet qu’on change
d’eau, jufqu’à ce qu’elle ne montre plus la moindre
teinte de couleur.
On 'laiffe le pinceau qui ne fèrt qu’à la couleur
noire tremper dans le lavis, tant que le peintre a
occafîon de s’en fèrvir, de peur qu’en léchant il
ne durciflè.
Ces pinceaux doivent avoir le poil auffi long
que ceux dont les deffinateurs fe fèrvent pour laver
leurs deffins.
Le manche ou la hampe en eft quelquefois
pointu.
En ce cas un * inceau peut fèrvir à deux finsÉ
puifqu’il fèrt d’un bout à retirer le trait ou à changer
d’ombre, & de l ’autre à éclaircir.
Entre ces pinceaux, celui qui fèrt à coucher de jaune,
eft ordinairement beaucoup plus fort & plus long de
poil & de manche, parce que cette couleur claire
étant renfermée dans un pot de faïence ou de plomb
defept à huit pouces de profondeur , où on la tient
toujours liquide , & voulant être toujours agitée
lorfqu’on l ’emploie, il faut que ce pinceau puilTe
aifément en atteindre le fond, & mélanger continuellement
l’argent broyé qui en fait le corps avec
l’ochre détrempée qui lui fert de véhicule.
D’ailleurs ce pinceau veut être plus plein de cette
couleur qui fè couche plus épaifîe que les émaux,
& que la pointe du pinceau fèrt à étendre avec
d’autant plus de fécurité qu’elle fè couche du côté
oppofé au travail.
La brofle dure eft un outil compofé d’une trentaine
de poils de fânglier, étroitement liés & ferrés
autour de fon manche, qu’ils excèdent de la longueur
de deux ou trois lignes au plus.
Il fert à enlever légèrement le lavis de deflùs
la pièce dans les endroits ou le peintre auroit à
former des demi-teintes, ou même des clairs dans
les endroits plus fpacieux où l’on eût épargné le
verre, dans le cas où la pièce n’auroit pas cté couchée
de lavis dans fon entier.