
P L A T E R I E A N G L O I S E
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P L A T E R I E D E C U I V R E
R E C O U V E R T D'A R G E H T
( Art de la ).
U n plateau1 antique de Cuivre doublé d’argent , 1
trouvé en Bourbonnois près le château de Chan-
télles-, préfentéà l’académie des Sciences par M.
Baume , fixa l’attention de Cettè'compagnie , parce
qu’il fait connoître que l’art de doubler le cuivre
d’argent eft de très-grande antiquité ; ce qui eft
confirmé par les éclairciflemens que MM. les abbés;
le Blond & Mongès ont communiqués à l’académie
des Sciences.
Ces fa van s antiquaires n’ ofent fixer fî ce plateau,
d’un bon ftyle .& très-bien exécuté, eft dû aux grecs
du aux -romains.
La bordure de ce plateau offre des marques &
des attributs de fête de Bacchus, traités de relief,
8c des animaux qu’on immoloit- à ce dieu, à Pan
& à d’autres divinités. .
On a trouvé à Herculanum des uftenfiles également
doublés d’argent.
Il eft donc certain que les anciens connoiffoient
Part de doubler le cuivre avec de l’argent, procédé
employé par les anglois depuis un demi-fiè-
Ncle , 8c par les françois depuis douze ou quinze ans.
Ce plateau antique eft en rapport avec le plaqué
ou doublé que MM. Tugot &Daumé, artiftes ingénieux
, mettent en ufage.
On fe plaignoit depuis long - temps du danger
qu’on court en fe fervant du vaifleau de cuivre ,
à caufe du verd-de-gris qui s’y forme & contre lequel
on ne peut prendre trop de précaution : on a
imaginé l’ufage de diverfes matières pour fuppléer"
au cuivre, & avec lefquelles on ne court pas le
danger d’un poifon aufli dangereux que le verd-
de-gris.
Pour cet effet, on a fait des uftenfiles de cui-
fine j tantôt de fer-blanc, tantôt de tôle & de fer
battu ; mais comme les vaiffeaux faits avec ces matières
font fujets à bien des inconvéniens, on en
a prefque totalement abandonné l’ufage, & on y
a fubftitué une nouvelle manufacture de platerie
ângloife de cuivre recouvert d’argent fin -fondu , au
moyen de laquelle on trouve le double avantage d’un#
économie certaine , & de mettre à l’abri des dan*«,
gers du verd-de-gris.
Le fîeur Deranton , célèbre horloger de Paris ,
connu par fes travaux & fes fuccès dans l’horlo-
gerie &.la méchanique , ayant, vu des eflais imparfaits
qu’on avoit déjà faits pour doubler d’argent
fin des cafferoles de cuivre, s’occupa de la découverte
du fecret inventé en Angleterre , de joindre
intimement enfemble & fans aucune foudure
le cuivre & l’argent fin, de manière que ces deux
métaux, ne faifant plus qu’un même corps, puifi*
fent être forgés & étendus enfemble, en confer-
vant par-tout leur proportion d’épaiflêur , & nt
\ puiflent être défunis que par une entière fufion.
Ayant été allez heureux pour qu’un fuccès conf»
tant couronnât fes recherches , c’eft à lui principalement
que. cette manufacture doit fon établif-
fement..
Au moyen de cette invention , autorifée par les
fuffrages de l ’académie des Sciences de Paris , &
par des lettres-patentes regiftrées en parlement le
9 décembre 1769, en faveur de Vincent Huguet,
marchand orfèvre à Paris, & l ’un des affocîés, 011
peut doubler le cuivre avec l ’argent fin , en telle
proportion d’épailfeur & de poids que l’on veut ,
comme au tiers , au quart , au cinquième & au
fîxième d’argent fin, & les unir fi intimement
qu’ils foient fufceptibles de toutes les formes & de
tous les ufages auxquels on peut les employer fé-
parément.
Après s’être déterminé fur le poids du yafe qu’on
veut faire, & la quantité d’argent qu’on y Veut
mettre', par exemple , pour Un vailfeau pefant en
tout deux livres , dont l’argent feroit mis au quart,
on prend d’un lingot d’argent très-fin (ün morceau
du poids de demi-livre, & une livre & demie de
cuivre en barre, de la beauté du cuivre de rofette ;
on applique enfuite intimement ces deux morceaux
de métal l’un fur l’autre.
L ’adhéfion des deux métaux faite, on donne le
tout à un ouvrier qui fait "porter l ’argent fur le poli
de l’enclume , & qui, en frappant fur le Cuivre,
étend tput-à-la-fois les deux métaux au point qui
lui eft néceffaire pour faire l’ouvrage dont il eft
chargé.
C o m m e l a jo n & io n d e c e s d e u x m é t a u x n ’ a p p
o r te a u c u n o b f t a c le à l e u r m a l l é a b i l i t é , -ils d e v
ie n n e n t fu f c e p t ib le s d e to u te s l e s fo rm e s q u ’ o n v e u t
l e u r d o n n e r .
P o u r r é u n i r l ’ a g r é a b le à l ’ u t i l e , o n a t r o u v é l e
m o y e n d an s c e t t e m a n u fa c tu r e d e r e c o u v r i r & r a b
a t t r e fi b ie n l a d o u b lu r e d ’ a r g e n t fu r le s b o rd s d u
c u i v r e , q u ’i l n ’y a a b fo lum e n t r ie n à c r a in d r e p o u r
l e v e r d - d e - g r i s , & d ’ a p p l iq u e r fu r l ’ e x t é r i e u r o u
l ’ in t é r ie u r d e s v a fe s u n v e r n i s q u i im i t e l ’ é m a i l ,
q u i e ft d e r f a p lu s g r a n d e b e a u té , & q u i ré fîfte
m êm e à l ’ a â i o n d u f e u .
L e v e r n i s d o n t o n f e f e r t p o y r le s v a fe s q u i v o n t
a u f e u , e ft d e c o u le u r r o u g e ,' o u d ’u n t r è s - b e a u
la q u e ; & c e lu i qu ’ o n m e t e n -d e f f iis d e l a v a i f l e l l e
p l a t e , e ft d e c o u le u r d ’ u n b l a n c ,d e p o r c e la in e .
L ’un & l’autre vont au feu le plus violent ,
n’éclatent & ne ternifleht jamais , même iorfque
les pièces font bofluées, & qu’on eft obligé de les
redrefler.
L e s q u eu e s d e c a f le r o le fo n t e n f e r t r è s - p o l i ,
& a r r ê té e s a v e c d e s c lo u s d’ a r g e n t m a f l i f , f o l id e -
m e n t r iv é s .
C h a q u e p iè c e e ft m a r q u é e d e d e u x p o in ç o n s ,
d o n t l ’u n d é f ig n e l a q u a n t i t é d ’ a r g e n t q u i e ft e n t r é e
d a n s c h a q u e p i è c e , & l ’ a u t r e e f t c e lu i d e l a m a n
u fa c tu r e .
In d é p e n d am m e n t d e l a fu r e t é q u ’ o n g a r a n t î t , o n
a l lu r e , & i l e ft d ém o n t r é p a r u n c a l c u l b ie n fim
p ie q u e l e s in v e n t e u r s o n t d o n n é d an s l e u r p r o f -
p eC tu s , q u ’ i l y a u n e é c o n o m ie t rè s c o n f id é r a b le à
f e f e r v i r d e c e t t e platerie p o u r l ’u fà g e d e s c u i f în e s .
D a n s c e t t e m a n u fa c tu r e , m o n f e u lem e n t o n t r a v
a i l l e à l a b a t t e r ie de. c u i f in e & v a i f l e l l e p l a t e , m a is
e n c o r e à t o u t c e q u i e ft n é c e l f a i r e , f o i t d an s u n e
t n a i f o n , f o i t p o u r l ’u t i l i t é d e s é g l i f e s , c om m e c h a n d
e l ie r s , f o l e i l s , b é n i t ie r s .
O n y f a i t a u ft i t o u t c e q u i p e u t f e r v i r a u p u r
a g r ém e n t o u a u b e f o in , c om m e b o u to n s d ’h a b i t s ,
g a r n i tu r e s d e h a r n o is & d ’ é q u i p a g e s , & d e s b a s -
l e l i e f s .
Enfin nous ne pouvons mieux faire connoître les
avantages de ' cette platerie , qu’en, rapportant les
.propres expreflions des entrepreneurs^
Nous avons , difent-ils, publié dans notfe prof-
pedus, au mois de mars 1770, un calcul démonf-
tratif, par lequel il eft prouvé qu’en fe fervant de
nos cafferoles & autres uftenfîles de cuifine de cuivre
doublé d’argent fin , l’on y trouve, avec la sûreté
contre les dangers du .verd-de-gris, une économie
& bénéfice clair par comparaifon faite avec
les cafferoles, &c. feulement de cuivre étamé ; &
ce bénéfice eft d’autant plus certain que nous avions
fuppofé le prix de notre matière à la proportion d’un
quart d’argent fin , joint à trois quarts de cuivre ,
à raifon de 14 liv. le marc , & que nous ne la vendons
cependant que z 11. le marc, même proportion.
Mais il eft un autre objet d’économie plus eflen-
tiel à obfervêr, ^feulement comme objet économique,
fur nos vaiflelles de tables, fur la vaiflelle plate
principalement , comparées à l’argenterie qu’elles
remplacent parfaitement en toute apparence & avec
environ les deux tiers moins de dépenfe.
Si à environ deux tiers moins de dépenfe, fou-
vent néceflaire , & , fuivant l’état des perfonnes,
fouvent même indifpenfable, on joint à ce premier
objet d’épargne le compte des intérêts réfultans de
la fomme qu’on aura épargnée, en faifant ufage de
nos vaiflelles, on verra & on tombera d’accord,
fur ce fimple expofé, qu’en dix ans le produit de
ces. intérêts aura payé ou compenfé la dépenfe en
ouvrages' achetés à notre manufadure ; alors s’évanouira
la queftion & l ’inquiétude, en quelque forte
naturelle a bien des perfonnes, qui eft de demander
ce que l’on rétireroit au bout d’un certain tems,
fi l ’on vouloit fe défaire de ces mêmes ouvrages ;
ce terme de dix ans eft affez court pour faire cefler
cette efpèce d’inquiétude fur la valeur intrinsèque,
non moins certaine, puifque, pafles ces dix ans,
on fera certain & afluré d’avoir une vaiflelle qui
ne coûte rien ; mais comme il eft de même certain
que cette même vaiflelle pde table , comme
pots à oilles , terrines , plats, afliettes, cailles ,
faucières, flambeaux, éfcc. faits dans une proportion
convenable d’argent joint au cuivre , peuvent
durer au-delà de la vie de l’homme,; il eft encore
certain qu’on aura joui, tout le temps de cette durée
, avec plus de tranquillité & avec autant d’apparence
, fans qu’il en ait rien coûté , que fi l’on
avoit fait la dépenfe entière pour des meubles tout
en argent, dont les façons & les déchets tombent
également en pure perte, fi l’on veut s’en défaire au
bout d’un certain temps d’ufage ; enfin l ’on eft encore
afluré de jouir, pafles ces dix ans, du produit des
intérêts de la fomme épargnée, & de retirer quand
on le voudra, & quand le changement, le dégoût
ou la vétufté l’exigeront, la valeur intrinsèque
de l’argent fin qui fera refté fur les ouvrages,
à proportion de ce qu’on y en aura mis, du temps