
378 P I P
Lorfqu’îl porte les terres préparées dans le ma-
gafîn , il en garnit les murs avec des planches ou
des nattes, afin qu’elles ne contractent ni l’humidité
qui peut y régner, ni ne le chargent du fable
& de la chaux qui pourraient fe détacher des murs ;
& afin qu’elles sèchent plus promptement, il place
les tas ou monceaux qu’il en fa it, à quelque dif-
iance les uns des autres. '
Son attelier, qui eft clos de mur & bien couvert,
contient trois cuves cerclées en fer, larges
de deux pieds & profondes d’environ vingt pouces.
Elles font placées entre le mur , à côté les unes
des autres, fur la même ligne & fur des ma-,
driers.
A côté de ces cuves eft un établi folidement
pôle , d’environ deux pouces d’épaifTeur, de quatre
pieds huit pouces de longueur & de dix pouces
de largeur.
Tout rintéri,eur de l’attelier eft garni de nattes
ou de planches, de peur que la terre qui tombe
fur le carreau dans les différentes manipulations
qu’on lui fait fubir , ne contrade quelques làletés.
Les uftenfiles du batteur font un maillet de bois
pour écrafer les morceaux de terre qui fe trouvent
trop gros pour les mettre à détremper.
Une mande ou manne d’ofier, garnie intérieurement
de toile, pour porter la terre où il en eft
befoiii.
Un barreau ou barre de fer triangulaire, dont
Un des côtés eft plus étroit que les deux autres.
Une étampe ou dame, en terme d’architedure
qui eft une pile de bois qui fert à battre & com- ;
primer la terre dans les cuves.
Une palette ou Iouchet, pour remuer la terre
lorfqu’elle eft détrempée, la tranfporter d’une cuve
à l ’autre, ou pour la mettre fur un établi.
Un battoir de bois, femblable à celui dont les
blanchîffeufes fe fervent.
Une rafette ou ratiffoire de fer, pour enlever la
terre qui eft collée fur l ’établi après qu’elle a été
battue»
Une écumettc ou cercle de fe r , percé de placeurs
trous, fur lequel on ajufte une étamine de
crin , ou un treillis ferré de fil de laiton , pour enlever
les ordures légères qui étoîent engagées dans
ia terre, & qui viennent à nager à la furface de
l ’eau lorfqu’elle eft détrempée.
Une brojje de crin pour nettoyer l’établi avant d y
battre la terre.
Un piquerott ou bout de chevron arrondi , dont
les extrémités font prefque terminée? en pointé ,
je dont on fe fert dans les manufactures de Tourv
i p
nay pour feraaber, ou battre la terre dans la trot-
fiéme cuve.
Quoique la terre foit détrempée au point qu’il le
faut, elle ne fauroit cependant être employée par
les rouleurs & mouleurs , qu’elle n’ait acquis une
certaine confîftance , foit par l ’évaporation des parties
aqueufès dont elle eft trop chargée, foit en la
mêlant avec des terres sèches, des feraabes, ou rognures
de pipes molles , ou même des pipes molles
caffees que les mouleurs & les trameufes ramaffent
avec autant de foin que de propreté, & qu’on met
fécher dans un grenier.
C’eft pourquoi le batteur ayant pris avec fa palette
une certaine quantité de terre détrempée, il
en fait un lit d’environ trois pouces d’épaifleur dans
la première cuve dont l ’eau eft écoulée, égalité
bien Ja furface de ce lit fur lequel il met une
couche de feraabes très-sèches d’environ deux pouces
d’épaiffeur ; & en enfonçant jufqu’au fond de
la cuve le tranchant du fer de fa palette, il coupe
les feraabes qui font trop greffes , afin qu’en devenant
plus petites, elles s’incorporent mieux avec
î l ’argille détrempée.
Après cette opération , il met fur ces deux premières
couches un nouveau lit de terre détrempée
qu’il recouvre comme la première fois, d’un fécond
lit de feraabes.
Ces quatre lits étant bien rangés , il les comprimé
avec la dame ou Yétampe , jufqu’à ce qu’il
Juge, par la diminution de leur volume, que les
feraabes ont abforbé par leur incorporation l’eau
furabondante de la terre détrempée.
Ces quatre premiers lits étant bien piles ou étam-
pés, il les couvre de quatre autres , en obfervant
les mêmes proportions & la même manoeuvre qu’il
a faite fur les premiers.
Quoique cette opération ne dure qu’un quart-
d’heure , elle eft très - pénible par l ’adhérence de
l’étampe à'la serre, ce qui la rend très-difficile à-
relever.
Après ce procédé, le batteur feraabe la terre %
c’eft-à-dire , qu’il la bat par petits tas avoc un battoir,
afin qu’elle lui coûte moins de peine lor£-
qu’il eft queftion. de la battre fur l ’établi.
À Tournay, on fe fert du piqueron à la place
du battoir.
Après ces préparations préliminaires, la terre
feroit bien en état d’être travaillée ; mais elle ne
formerait pas des pipes d’une couleur uniforme ,
parce que les feraabes ne font pas encore intimement
mêlées»
Pour parvenir à ce dernier point dé perfèCHon ,,
le batteur prend à-peu-près cent livres dé la terre
qui a été feraabée dans la cuve , la pôle fur l ’établi
y en fait un Ut long & étroit, lç frappe plu»
p i p p i p
'fieurs coups du plat du barreau pour en égalifer la
furface & en réduire l ’ëpaiffeur à environ deux pouces
, & en forme des cubes de quatre-vingt à cent
livres que le maître ouvrier vient contrôler, c’eft-
à-dire , vient couper par tranches avec un fil de
fe r , pour voir fi.. la couleur eft parfaitement uniforme
, & fi les rouleurs peuvent la mettre en
oeuvre.
Lorfqu’en battant la terre le batteur s’apperçoit
qu’i f y a des parties qui font encore sèches, il leur
donne des brouillards, c’eft-à-dire', qu’il fouffle def-
fus avec le plus de force qu’il peut, de l ’eau qu’il a
dans fa bouche, afin de les humeCier au point ou
elles doivent l’être.
En Hollande, on fe fert de moyens plus expéditifs
qu’aucun de ceûx dont on fe fert en Flandre ,
ôsque nous venons de rapporter.
Après avoir réduit la terre en pâte liée, leshol-
landois la pétrifient , en font des pains d’un pied
de longueur, de fix pouces de largeur & d’épaiffeur,
& les mettent enfuite dans un moulin pour
rendre leur fubflance plus homogène.
Ce moulin confifte en une barre de fer établie
perpendiculairement entre deux poutres.
La partie fupérieure de cette barre tourne dans
des collets de fonte qui font incruftés dans la poutre
d’en haut; fa partie inférieure entre dans une
crapaudine de même, métal, qui porte fur la poutre
d’en bas.
Cette barre eft mue circulairement au moyen
d’un levier qui lui eft fortement attaché dans la
partie fupérieure, & qui s’étend jufqu’à l ’endroit où
l ’on ajoute une barre de fer courbée, à laquelle
on attele un cheval qui fait tourner cette barre par
un mouvement circulaire.
Ce moulin eft renfermé dans un tonneau ouvert
par en haut, & fixé par en bas fur un plancher qui
lui fert de fond.
Les douves de ce tonneau ont un pouce & demi
d’épaiffeur, & font exactement jointes les unes aux
autres par quatre cercles de fer.
Sa largeur eft de deux pieds, & fa hauteur de
trois pieds & demi.
La hauteur de ce tonneau eft partagée en quatre
parties égales, qui font autant de lames de fer
fixées à la barre de fer verticale.
"■ Ces lames, qui font placées horifontalement ,
font chargées de quatre autres de même proportion
, qui s’élèvent perpendiculairement à la hauteur
de fix pouces ; elles portent le nom de couteaux
, & en font réellement l ’office en coupant &
divifant en morceaux très-minces les pains de terre
qu’on a mis dans le tonneau.
Cette terre, ainfi corroyée, fort par les deux
37*
trous quarrés qui font au bas du tonneau; & lorf*
qu’on ne la trouve pas affez pétrie, on la paffe
au moulin jufqu’à trois fois.
La terre ayant reçu toutes les préparations né-
ceffaires, on la porte fur la table des rouleurs qui
en font des rouleaux , & leur donnent à-peu-près
la forme de ceux que les pipes doivent avoir.
Lorfqu’il y a une certaine quantité de ces rouleaux
faits, les ouvriers les affèmblent par poignées
de quinze , qu’ils nomment douzaine , arrangent
chaque poignée fur trois couches , dont la première
eft compofée de fix rouleaux,la fécondé de cinq*
& la troifîème de quatre.
Lorfque ces rouleaux ont acquis une confiftance
fuffifante, on les détache des poignées, pour les
percer avec une broche de fer; quand la broche
eft entrée dans le rouleau de toute fa longueur ,
il donne un coup de pouce à la boule de terre
qui doit former la.tête de la pipe, pour commencer
à lui faire prendre l’inclinaifon qu’elle doit
avoir dans le moule.
On met enfuite la pipe 8c la broche dans un
moule de cuivre qu’on a eu foin de frotter d’huile
pour que la terre ne s’attache point aux parois du
motile qui eft formé de deux pièces, fur chacune
defquelles eft gravée en creux la moitié de la
forme extérieure de la pipe, ainfi que les orne-
mens qu’on veut y mettre.
Les deux pièces du moule étant pofées l’une fur
l’autre, on les ajufte régulièrement au moyen des
reperes, qui font de petits avancemens hors du
moulé, 8c qui font percés pour y mettre des chevilles
, afin que les deux pièces du moule ne fe
dérangent pas.
Le moule étant ainfi dilpofé, on le met dans
une petite prefle qui eft affujettie fur une table
par des vis, & des écrous.
Cette preffe eft formée d’une gouttière de fer
fondu & brut, dont l ’intérieur eft revêtu par deux
planches, une de fer poli, & l ’autre de bois, qui
eft retenue entre les parois de la gouttière par
deux boulons de fer qui lui fervent de conducteurs
lorfque le mouleur preffe la planche par la
vis qui entre dans l’écrou ; en ferrant cette vis la
planche de fer eft fortement preffée contre le
moule qui s’appuie fur la planche de bois.
Au moyen de cette prefle & du moule le tuyau
de la pipe eft formé tou t d’un coup ; mais pour
perfectionner la tête qui n’eft encore qu’ébauchée,
on laiffe le moule dans la prefle, on forme le
godet ou fourneau, en écartant la terre avec Vindex,
& en la répandant également tout autour.
On prend enfuite Yétampeux 3 ou poinçon de fer,
qu’on fait entrer dans la tête du moule pour que
les parois de la pipe foient d’une égale épai£
B b b z