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P E C H E S
( Art de conferver ce fruit, & d’en tirer avantage ).
L a pêche eft un des fruits les plus délicieux ;
c’eft de tous celui qui flatte le plus fenfuellement
iès organes de la vue & du goût ; mais c’efl; en
même temps le fruit dont, la culture demande le
plus de loin, d’expérience & d’intelligence.
L e pêcher donne des fleurs en rofè, auxquelles
fiiccèdent ces beaux fruits charnus , qu’on nomme
pêchés.
Il y en a beaucoup d’efpèces, toutes variées par
la forme, par la couleur, par le goût & par le plus
ou moins de temps qu’elles font a mûrir.
Le pêcher renfermant un noyau gravé de profonds
filions ; ce noyau contient une amande com-
pofée de deux lobes , ordinairement amères. -
Les feuilles du pêcher Ce terminent en pointe:
elles font dentelées fur les bords, & placées alternativement
fur les branches.
Parmi le nombre prodigieux de variétés de ce
fruit, il n’y en a guères que fèize à dix-huit espèces
qui méritent les foins du cultivateur. Cependant
on peut fe procurer une fuite non-interrompue
de bonnes pêches, depuis la fin de juillet, jufqu’à
la mi - oftobre.
Les fortes de pêches qui fê fuccedent fans interruption,
& qui font, fans contredit, les meilleures
& les plus belles , font i° . la petite , mi-
gnone, ou double de troyes.
z°. La grande mignone. ^
3°. La madeleine rouge.
4°. L a galante ou belle-garde.
5°. La madeleine blanche.
6°. La véritable pourprée hâtive à grande fleur.
7®. La bourdine ou narbone.
8°. La chevreufè hâtive.
5>°. L ’abricotier ou admirable jaune.
140. La perfîque.
1 5°. L a royale.
16°, La navette.
17°. L ’àlberge jaune précoce, la chair en eft.
jaune & ferme. Ce fruit femble faire la nuance
entre la pêche & l’abricot.
i8°. L a pêche de vigne.
La pavie de pompone eft5 remarquable par. là
grofîeur monftrueufè, par fon beau coloris, & parce
qu’elle vient la dernière. Elle peut être confite au
vinaigre comme les cornichons, & c’efl: alors un
fruit excellent & de réferve pour toute l’année.
Il y a un petit pêcher naïn, qu’on appelle parchemin
d'Orléans qui n’eft bon que pour le plailîr
des yeux. Cependant il rapporte jufqu’à vingt &
vingt-cinq pêches très-petites, & infîpides au goût.
On cultive ce petit arbre dans des vafes de fayence,
qu’on fèrt par amufement fur'la table.
On greffe le pêcher fur l’amandier dans les terres
légères ; & fur le prunier dans les terres fortes.
1 Les pêchers tendres ne réufliffent bien qu’en ef
paliers, aux feules expofitions du midi & du levant.
L ’ébourgeonnement qui confîfle à retrancher les
bourgeons ou branches inutiles, fe fait au mois de
mai : cette opération , qui efl la plus importante
après la taille de i’arbre, procure au fruit la sûreté,
la beauté & la bonté.
La plupart des pêchers ont la peau velue ; mais
plufieurs efpèees qu’on nomme pêches 'violettes l’ont
très-lifles.
Il y a des pêches velues qui quittent le noyau,
& d’autres dont le noyau efl adhérent à la pêche :
celles-ci fè nomment pavies. Il y a aufli des pêches
violettes .ou liffes qui quittent le noyau, & d’autres
qu’on nomment brugnons , dont la. chair efl adhérente
au noyau.
Manière de garantir les jleurs du pêcher.
Il y a un moyen fimple , pratiqué avec fûcces
en Dannemarck, pour préferver des injures de l’air
les fleurs du pêcher.
P Ê G
Pour cet effet, on fiche en terre , & on incline,
le long des efpaliers, des rames de là hauteur des
pêchets & garnies de leurs branchages.
[ Ces rames doivent être placées a deux ou trois
[pouces de diflance les unes des autres, & former
un angle aigu avec le pied de la muraille.
! Il eft bon de les aflujettir au treillage ou à la
muraille avec des liens d’ofîer qu’on y attache tranf-
verfalement, afin qu’elles ne foient pas dérangées
[par le vent*
| On peut employer indifféremment toute efpèee
|de bois ; mais les rames de charme méritent la
préférence, parce qu’elles confervent leurs feuilles
fort tard ; ce qui remplit mieux l’objet qu’on s’eft
Ipropofé en plaçant ces rames.
I La circulation de l’air & la chaleur néceffaires
aux progrès de la végétation, ne font point interceptées
par cet arbre qui eft, en quelque forte ,
tranfparant.
K Ce procédé a été éprouvé avec fuccès par M. Tro-
içhereau de la. Berlière, qui s’eft fait un plaifir de
le communiquer aux amateurs du jardinage.
Méthode pour faire fécher & conferver des pêches.
■ Voici une méthode excellente pour faire fécher
& conferver des pêches.
K. On choifit ordinairement l’abricotier ou admirable
jaune, & l’alberge jaune, rarement les autres
'éfpèces, parce qu’elles ne font pas aufli propres à
« ’objet qu’en fe propofe.
■ On cueille ces pêches lorfqu’elles font mûres ,
on les pèle , on les fend en deux., on. les met
jfiir un plat, on les applatit avec une palette de
bois ; on les lailïè ainfi pendant environ douze
heures , depuis le foir jufqu’au matin. K Le jus du fruit découle naturellement ; on le
met dans un vafe particulier; & fur une livre de
ce jus, on ajoute une demi -livre de fiicre avec
une chopine d’eau-de-vie, un peu de cannelle &
;de clous de. girofle. On fait infufer le .tout fur des
cendres chaudes, pendant dix à douze heures.
P On retire, les pêches, de defliis le plat, on les
«tend fur de petites claies, de manière qu’elles ne
|pe touchent point, on les met fécher dans le four,
auquel on ne donne qu’un' très-léger degré de cha-
aleur, en le chauffant feulement avec du farment
ade vigne.
■ , Quand on les y a laiflees un certain temps, on
..les retire-.: on les fait tremper l’une après, l ’autre
■ dans le fîrop qui leur a été préparé ; on les arrange
.|fur les claies, ayant bien foin qu’elles nefe touchent
pus; on les remet au four au même degré de cha-
aleur douce ; on les retire enfuite pour répéter la
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même opération, q u i, ordinairement , fe reitcre
trois fois.
On reconnoît que les pêches font au degre de
féchereffe qui leur-convient, lorfqu’elles ont une
couleur de brun incarnat, lorfque leur chair efl
ferme, tranfparente & reluifante, par le vernis que
le firop aura fait en féchant.
On les met enfuite dans des boîtes de fâpin ,
.propres & garnies de papier blanc. On dépofe ces
boîtes dans un endroit fec. Si l’on manquoit de .
faire fécher les pêches fuffifamment, elles fe moi-
firoient & fe gâteroient dans les boîtes.
On peut conferver , par la même méthode, les
pêches brugnons & les abricots; mais pour ceux-ci,
i l ’faut feulement en faire fbrtir les noyaux fans les
ouvrir,
Marafquin de pêches.
Toutes les efpèees de pêches font bonnes pour
cette forte de liqueur ; mais les pêches de vigne
font préférables.
On prendra cent livres de pêches, on les écra-
fera fans en oter les- pelures ni les noyaux ; on
mettra le tout dans un vaiffèau d’une capacité fort
ample, & on les y laiflera en fermentation, fans
addition d’aucune autre chofe.
La fermentation eft quelquefois plus de dix jours,
à paroître. Au bout de ce temps , on apperçoit des
trous à” la croûte formée à la fùperficie du . fruit
écrafé. Alors on le foule bien en prenant ce foin
une fois tous les vingt-quatre heures.
Quand il exhalera une odeur vineufe, très-forte
& aromatique, on le verfera dans une grande cu-
curbite garnie de fà grille , qu’il faut laifler vuide
à fîx pouces du bord.
On adapte la partie fupérieure, & le réfrigérant
i ainfi que le ferpentin, fi on en a , & on diftille à
| feu modéré.
On retirera plus ou moins d’efprit ardent & aromatique
, félon la quantité du fruit qu’on aura
employé, & le degré de fermentation qu’on aura
fàgement ménagé.
Quand on en aura retiré trois à quatre pintes,
on verra fi ce qui fort de l’alambic eft encore fuffifamment
fpiritueux, en ce cas on continuera la
diftillation.
Si onn’apperçoit que du phlegme, on eeffera. On
jettera comme inutile ce qui reliera dans la cu-
curbite, & s’il refte de la matière, on commencera
une nouvelle diftillation , jufqu’à ce que tout le
! fruit qu’on aura mis en fermentation mit diftillé.
On raflemble alors tout l’efprit ardent, provenu
des différentes diftillations, on le verfe dans un