
P O U D R E AL
( Art
M. -Bombe, chirurgien-major du régiment de |
Salis, a compofé une poudre aliment euje, dont fix
onces par j’our dans un demi-feptier d’eau environ
fuffifent pour nourrir un homme à trois onces par
repas.
On en a fait l’expérience fur plufieurs foldats,
la plupart jeunes ^ vigoureux & de bon appétit,
qu’on a nourris pendant quinze jours de cette poudre
alimenteuje.
Ces foldats ont fait pendant ce régime'plufieurs
exercices , ne fe font nullement fentis d’aucune
incommodité d’un aliment fi nouveau, ne defi-
foient point autre chofe^ & quelquefois même ne
prenoient point leur portion entière.
M. Morand , do&eur en médecine , par le fim-
ple examen qu’il a fait au coup-d’ceil de cette poudre
, a penfé quelle n’étoit compofée que de bled
de Turquie , rôti, broyé enfùite, & mêlé avec du
fel marin, dont il découvroit les cryflaux à la
loupe.
Cette poudre alimenteufe pourroit être d’une
grande reffource à l’armée dans les marches forcées
, dans des voyages de long cours fur mer, dans
des fièges, & même dans des hôpitaux.
A l’occafion de ce projet que M. Bombe préfenta
à la cour, M. Recolin démontra qu’avec la foupe
de Dauphiné, appellée en Turquie toulbe, on peut
nourrir les foldats encore à meilleur marché, &
très-bien : il obierva même qu’en 17 4 7 , quand il
y eut une efpèce de famine au midi de la France ,
& que le port de Bordeaux étoit bloqué par les an-
glois, de manière qu’on ne pouvoit tirer aucune
fubfiflance par mer, les commiflaires du roi pour la
Guienne firent imprimer grand nombre d’exemplaires
de deux recettes ; l’une fur la foupe de
Dauphiné, & l’autre fur la manière de préparer
le riz, qu’ils firent distribuer dans toute la province
; efpèce de nourriture avec laquelle trois ou
quatre cent mille hommes furent en état de fe fbu-
tenir & de vivre pendant fix femaines.
On a même remarqué que pendant cette année
11 mourut dans cette province moins de monde à
proportion , que dans aucune des dix années précédentes.
Pour faire rette foupe de Dauphiné, on prend,
par exemple une livre de farine de froment, on la
I M E N T E U S E .
d’une ).
pétrit avec un peu d’eau falée ; lorfque la pâte efl
faite, & pétrie de manière à être un peu molle, on
la partage en morceaux, de la groffeur^ d un oeuf
chacun : enfuite on étend ces morceaux féparement
avec un rouleau, de forte, que la pâte de chacun
foit extrêmement mince , & on met le tout fur une
table.
Pendant ce temps oh tient fur le feu un pot de
~ terre rempli de quatre pintes d’eau , dans laquelle
on met, lorfqu’elle efl chaude, un peu de fel avec
un quarteron de beurre ou de graille«
Lorfque l’eau efl bouillante, on y jette la pâte
qu’on a eu foin de couper en morceaux les plus petits
qu’il a été poflible ; car plus les morceaux feront
petits & minces, plus ils fe renfleront : on les laifle
cuire ainfi pendant une heure ou cinq quarts-
d’heure, ayant foin de remuer, de peur que la
pâte ne s’attache au fond du vaifleau.
Cette foupe efl, dit-on , agréable au goût, rafîa-
fiante & fort' nourriffante : cette quantité fuffira pour
nourrir fix perfonnes, la moitié a dîner & le refie
à fouper. Plus la farine efl bonne, fans cependant
être trop fine, plus elle augmente de poids & de
volume.
M. Recolin, pour prouver que les foldats & les
pauvres pouvoient être nourris a meilleur compte
aveç'la foupe de Dauphiné, qu’avec \zpoudre^à.e
M. Bombe, a fail le calcul de ce que peut coûter
une de ces foupes, propre à npurrir foixaute hommes
pendant un jour entier, Ôt il a vu qu’elle reve-
noit à 4 livres 18 fols; lavoir, 50 fols pour dix
livres de farine de froment, a ^ 5 lois livre ;
40 fols pour deux livres & demie de beurre , &
11 fols pour trois quarterons de fel ; ainfi par ,ce
calcul la nourriture de chaque homme ne revient
1 pas à plus de dix-huit deniers par jour; au lieu que
la poudre de M. Bombe, en la comptant fur le pied
1 d’un fol l’once, revenoit pour chaque homme à fix
•fols par jour.
! Quant au r/ç, pour en préparer, par exemple,
de quoi nourrir trente perfonnes pendant un jour
entier, il faut en prendre cinq livres que Ion
mettra dans une chaudière, avec cinq pinfes d eau,
& une quantité proportionnée de fel : on fait bouillir
le tout à petit feu pendant trois heures , en re
muant de temps en temps , de peur que le riz ne
s’attache au fond du vafe. A mefure qu’on trouve
■ qui*
qu’il s’épaiffit, on y vevfe peu-à-peu de l’eau chaude,
jüfqu’à la quantité de vingt autres pintes*
Ces cinq livres de riz produiront foixante portions
de nourriture, nî trop é.paifïe > ni trop claire,
dont deux fuffiront pour la nourriture de la journée
de chaque perfonne ; par conféquent les cinq livres
feront une nourriture fufïifante pour trente perfonnes
» Suivant le calcul de notre même auteur, les
cinq livres de riz,, à 8 fols, & les fix onces de fel
de 4 fols, produiront une nourriture pour trente
perfonnes , qui ne reviendra qu’à 44 fols.
On voit les fauvages & les naturels de l’Amérique
faire ufage à-peu-près d’une femblable nourriture
; car dans leurs chafTes, ou les longues marches
qu’ils font obligés de faire pour aller combattre
leurs ennemis, ils n’ont rien autre chofe pour fub-
fifler qu’un peu -de farine faite de bled d’Inde ; &
après avoir vécu pendant des femaines 8c meme des
mois entiers fans autre aliment que cette farine >
ils fe trouvent non-feulement vigoureux & pleins
de fanté, mais même les bleffiires qu’ils ont reçues
fe guériffent avec une facilité merveiileufe»
Les anciens bretons & les écofFois modernes font
; ufage d’une poudre alimenteufe , qu’ils préparent
avec une truffe noire nommée karemele, qa’oij
penfe être le la.thy.ris radice tuberofa efculenta.
Art-s. & Métiers. Tarn. V L fvî m m ni