
choux dont Ils nourriffent auflt, leurs beftiaux. Les
jeunes plants ne font pas auffi lu jets à etre dévores
par les pucero'ns, que les plants des choux ; plusieurs
de ces betteraves pèfent jufqu’à douze & quinze
livres. Il faut cependant avouer qu’elles ne .font pas
auffi nourriflantes que lès gros navets, les pommes
de terre, ou les carottes , & qu’il eft beaucoup plus
aifé d’engraifler les animaux avec des choux, des
panais ou des carottes, qu’avec la betteravë dont
nous parlons. On-peut même dire que c’eft peut-
être la racine qui nourrit le moins de toutes celles
qu’on emploie ordinairement à cet ulàge.
Mais le produit qu’on gn retire furpafle de beaucoup
celui de prefque toutes les autres plantes cultivées
pour la nourriture des beftiaux. M. le profefleur
Borowsky, dans fon Almanach à l’dfage des cultivateurs
allemands, dit qu’un arpent de betterave
donne autant de profit au propriétaire que déux ou
trois arpens de pré naturel. On lit dans les affiches
de Leipfic £ année 1783 , page 1 & ) qu’un demi âcre
a rendu .2^,000* livres pelant de ces racines, non
compris les feuilles dont on a fait plufieurs récoltes
pendant l’été.
M. de Thoffe dit, que les. agriculteurs qui cultivent
cette betterave en Alface , la défignent fous
le nom de Tu/Us. Elle eft bifannuelle, fa racine
charnue a fouvënt un pied de diamètre ; la bafe eft
ordinairement arrondie ; elle va toujours en diminuant
jufqu’a fon extrémité fupérieure qui fe termine
en pointe 3 il y en a toujours fîx pouces ou
environ'hors de terre. On en voit de diverfes couleurs
,. de blanches, de jaunes & de rouges : celles-
ci font toujours" d’une couleur plus foible que la betterave
commune.
La: première année , -il fort de la partie fupérieure
de fa racine j des-feuilles qui oat quelquefois
deux pieds & demi de long fur neuf à dix pouces-
de large, & qui font partagées dans toute leur longueur,
par une cote ou rainure principale, qui
reffemble alTez à celle de la carde-poirée 3 elle eft
feulement moins blanche.
La fécondé année, cette racine mife de nouveau
en terre, donne une tige rameufe qui s’élève à la
hauteur de cinq à fîx pieds. Tous mes rameaux fe
couvrent de petites fleurs, auxquelles fuccèdent des
graines de la grofleur d’un petit pois, & qui font
mûres vers la fin d’Qétobre : la plante fe defsèche
enfuite & meurt.,
Cette plante s’accommode allez bien de differentes
fortes de terres ,. pourvu qu’elles foient meubles*
& qu’ elles aient douze ou quinze pouces' de
profondeur; elle réuffit cependant mieux dans un
fol léger, gras, un peu fabloneux, qui a été fiien
divifé par plufieurs labours, & fumé convenablement.
On peut la femer. en pépinière fur .couche, au
commencement de mars, ou en pleine terre, pour
demeurer en place. Par.la première méthode, es'
acc,élpre la jouiflance; au moyen de la. féconde, on
évite la tranlplantation.
Cette opération cônfîfte à repiquer, à quinze ou
vingt pouces les uns des autres * les jeunes plans
provenus de femis en pépinière. On fait de • préférence
, cette tranlplantation le lendemain d’une
pluie, ou lorfqu’on a lieu d’efpérer qu’il pleuvra
bientôt. Mais s’il' n’y a pas apparence de pluie après
la t-anfplantation, on a foin de mêttre les plantes
dans de la terre détrempée d’eau d’un trou à fumier,
& on-les plante enfuite avec cette terre, dont elles
font enveloppées. Quelques jours après, les jeunes
plants ont repris, & alors il ne faut plus que des
farclages & des binages pour ameublir la terre, &
empêcher les mauvaifes herbes de nuire aux betteraves.
M. de Thoffe indique une autre manière de cultiver
en’grand cette plante, & qui eft mife en ufage
dans quelques cantons d’Allemagne. Elle cônfîfte a
donner trois doubles labours à la terre à des époques
différentes, & à mettre dans des trous d’un pouce
de profondeur qu’on fait avec le doigt, deux graines
de betterave : lorfque les plantes ont bien levé ,
on fupprime les moins’ vigourèufës. Les betteraves,
cultivées'de cette manière, viennent fouvent plus
belles que celles qui ont été tranfplantées 3 mais les
graines, fuivant cette méthode, devant être mifes
en terre avant le tems auquel oii repique les jeunes
plants , elles exigeât auffi de plus fréquens farclages
: les racines s’enfoncent beaucoup plus que celles
qu’on a tranfplantées, & elles font plus difficiles à
arracher.
Ces racines ont befoin d’être déc'hauffées : ce qui
a engagé quelques cultivateurs allemands à les cultiver
dans un champ avec des choux qui ont befoin
d’être buttés.
Dès que ces racines font affez fortes, on enlève
les feuilles qui fourniffent un très-bon fourrage pour
les vaches ; chaque betterave produit, au moins
dans un été , quatre bonnes récoltes de feuilles.
M. de Thoffe, qui a très-bien ob'ervé combien
cette nourriture éroitagréable aux vaches,remarque
qu?ii n’y a aucune racine cultivée pour la nourriture
des beftiaux, qui donne, en feuilles, un produit
auffi avantageux que celle-ci ; la.fane de pomme
de terre n’eft généralement bonne qu’après la moif-
fon , tems où les fourrages font aflez' abondans :
d’ailleurs elle en produit peu., & qui n’eft point ttès-
nourriQànte. Les1 turneps, ou'gros navets, ne four-
niflent qu’une coupé de feuilles ; mais celles de betterave
peuvent être coupées deux mois avant qu’on
ait des choux : d’ailleurs il y a des vaches qui ne
veulent point toucher à ces dernières plantes. Les
feuilles de cette êfpèeé de betterave forment un
fourrage trës-fain, puifqu’elles ne (ont point fujettes
à être attaquées par des infç<ftes, comme celles de
la plupart des autres plantes, Elles-, peuvent encore
ftrvir de nourriture aux hommes : ôn les mange 1
comme celles de la carde-poirée.
Avant les gelées, on enlève de terre les betteraves
, & on les conferve dans .des granges ou dans
des caves , à l’abri des gelées ; fi la récolte eft tres-
aboiidante, ou fi l’on n’a pas aflez d’efpace, ori les
place dans des.fofles faites exprès ; on les recouvre
de paille fraîche, & .enfuite de terre qu’on tafle
avec foin.
On peut manger cette betterave comme la betterave
commune , dont elle n’a' cependant ni la
finefîe ni la bonté; mais c’eft principalement a la
nourriture des animaux qu’elle eft deftinée. On la
donne aux beftiaux, après l’avoir bien lavée, nettoyée
& coupée par morceaux ; ils la ‘mangent feule
ou mêlée avec d’autres fourrages. Le lait des vaches
à qui l’on donne cette nourriture, eft abondant &
de très-bon goût.
Soins & engrais qu'il faut donner aux prés bas ou
naturels pour les entretenir en bon état, & améliorer
les terreins qui en font fufceptibles 3 par
M. de Sutieres,
On peut réduire à trois efpèces-les différens prés
bas oü naturels : les prés fubmerges une partie de
l’année, ceux qu’onpeut arrofer à volonté, ou qui
font fujets à des débordemens, & ceux qui ne reçoivent
que les eaux de pluie.
Les premiers demanderaient qu’on entretienne
avec foin les foffés qui y font pratiqués, qu’on en
fafie par-tout où ils peuvent être néceflaires, qu’on
y arrache le plus qu’il eftpoflible les greffes plantes,
qu’on y détruile la moufle avec des rateaiix. de fer ,
qu’on ri’y laÂffe entrer aucunes bêtes, tant par rapport
à elles ( l’herbe verte de ces fortes de'prèsleur
étant nuifîble ) , que par rapport au fol auquel leurs
pieds font le plus grand tort.— La craie,les pierres
calcaires, le gypfe pulvérifé ( 1 ) , voilà leurs engrais
, car les fumiers de baffe-cour étant promptement
décornpofés par la trop grande humidité , rendent
l’herbe encore plus aigre; il faut de quinze à
vingt.quintaux de ces engrais par arpent, & les fer
mer dans les premiers jours de février par un beau
temps. h
La féconde efpèce de pré, fùfceptible d’arrofe-
ment, mérite toute l’attention du propriétaire : il
n’eft point de pofleffion plus précieufe ; il faut examiner
attentivement le cours de l’eau, enfufpendre
la rapidité, car rien ne détériore autant un pré
qu’une eau trop courante ; il faut la ménager par
( 1 ) Il eft rare qü’on puiflè faire ufage de la pierre
calcaire & du gypfe , parce qu’il faut des moulins pour
les pulvérjfer ; & il n’y en a pas. Combien de cnpfes
que nous pofledons, dont nous ne pouvons pas tirer
parti| Le tuf, les marnes maigres peuvent être employés
utilement à la place.
des rigoles, des faignées, afifi que toutes les parties
s’en reffentent, prendre: garde qu’elle ne fc'journe
aucune part, car alors la bonne herbe perd de fa
qualité, fe détruit, & la mauvaife prend fa place,
Il ne faut rien épargner pour fe procurer des arro-
femens , des batardeaux, des levées, des conduits; ;
tout ce que l’induftrie peut fuggérer doit être rais
en ufage. Ce qui fe pratique en Provence eft un
modèle à .fuivre ; aucune province n’excelle comme
celle-là en ce genre : les eaux de fources, de rivières,
des ruiffeaux font abénévifés (2 ) par tous
les propriétaires qui ont des fonds le long de leurs
rives ; chacun a fa fernaine, fon jour, fon heure ;
aufll-tôt que le moment qui lui appartient eft venu,
il ferme l’éclùfe de fon voifîn, & fait entrer l ’eau
chez lui 3 celui qui lui fuccède en fait autant à fon
tout;
Siônne peut fe procurer que-les eaux de la pluie,
on abénévife les eaux d’uif chemin qui avoifîne f on
ouvre, on facilite.toutes les ifîuespour la recevoir;
fi on n’a aucun de .ces avantages', on pratique des
puits, des citernes, dans lefqueK, par le moyen
d’une chaîne fans fin, à laquelle font adaptés de
petits tonneaux d’huiles ou d’anchoix, on puile
l’eau ,'qui fe vuident lorfqu’ils font montés dans une
rigole qui ferpente le long de la p r a ir ie ; enfin on
; pouffe l’indüftrie , dans ce genre, jùfqu’où elle petit
aller. Le provençal brûlant pour le plaifîr, eft en
même-tems ingénieux, aétîf, infatigable.
On peut amandér ces fortes de prés avec différens
engrais : voici ceux qui m’ont le mieux réuffi.
I l faut conduire trente à quarante tombereaux de
terre fur un arpent' ( fi on peut fe là procurer ) , la
retendre avant les neiges, comme les taupinières':
àTépoque où il eft tombé deux ou trois pouces de
neige, il faut promener la herfe à dent de fe r , fuf-
fifamment chargée, pour l’empêcher de fautiller ;
la moufle arrachée par les pointes fe mêle avec la
terre & la neige; le fol étant écorché, les fels contenus
dans la neige ( 3 ):, ceux que la terre a reçus
de l’atmofphère s’infinuent plus facilement ; & cet
engrais eft d’autant meilleur qu’il ne donne aucun
goût défagréable’ à l’herbe. Si la moufle eft bien
arrachée pendant fîx à huit ans, les récoltes feront
belles & abondantes. Quand même on ne pourroit
pas fe procurer de la terre , ce .qui eft rare , ilfau-
drôit toujours faire ufage de ce procédé, parce qu’il
ne peut qu’exciter la végétation, & faire le plus
grand effet.
La craie, les pierres calcaires, le gypfe, le tuf,
les marnes sèches, font, foyez-en convaincu, les
engrais les plus analogues aux prés trop humides.
( a ) Terme de Coutume qui fignifie prendre à cens.
( 3 ) Ôn dit vulgairement que la neige contient des
fels ; n’empôcheroit-elle pas plutôt ceux qui font contenus
dans la terre ", de s’évaporer lorfqu’elle la
couvre 1 ■