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La matière de la porcelaine fe compofe de deux
fortes de terre, l’une appelée pe-tun-tfe, & l’autre
qu’on nomme ka-olin; celle-ci eft parfemée de cor-
pufcules, qui ont quelqu’éclat, l’autre eft fimple-
ment blanche & très-fine au toucher. En même
tems qu’un grand nombre de grofles barques remontent
la rivière de Jao-theou à King-te-tching pour
fe charger de porcelaine , il en defcend de Ki-mu
en prefqu’autant de petites, qui font chargées de
pe-tuii tfe & de ka-olin réduits en forme de briques;
car Kin te-tching ne produit aucun des matériaux
propres à la porcelaine.
. Les pe-tun-tfe , dont le grain eft fi fin, ne font
autre chofe que des quartiers de rochers qu’on tire
des carrières, & auxquels on donne cette forme.
Toute forte de pierre n’eft pas propre à former le
pe-tun-tfe, autrement ilferoit inutile d’en aller
.chercher à vingt ou trente lieues dans la province
voifine. La bonne pierre , difent les Chinois., doit
tirer un peu fur le verd.
De Ja préparation.
Voici quelle eft la première préparation : on fe
fert d’une maflue de fer pour brifer ces quartiers de
pierres , après quoi on met les morceaux brifés
dans des mortiers , & par le moyen de certains leviers
, qui ont une tête de pierre armée de fer , on
achève de les réduire en poudre très-fine. Ces leviers
jouent fans cefle, ou par le travail des hommes
ou par le moyen de l’éau, de la même manière que
font les martinets dans les moulins à papiers.
On jette enfuite cette pouffière dans une grande
urne remplie d’eau, & on la remue fortement avec
une pelle de fer. Quand on la laifTe repofer quelques
momens , il fumage une efpèce de crème
épaifle de quatre à cinq doigts ; on la lève, & on
la verfe dans un' autre vafe plein d’eaü. On agite
ainfî plufieurs fois l’eau de la première urne, re- !
cueillant à chaque fois le nuage qui s’eft formé, j
jufqu’à ce qu’il ne refte plus que le gros marc que :
fon poids précipite d’abord : on le tire 8c on le pile
de nouveau. ' '
Quant- à la fécondé urne tfù a été fetté ce que
l’on a recueilli de la première, on attend qu’il fe
foit formé au fond une efpèce de pâte. Lorfque
l ’eau paroît au-deflus fort claire, on la verfe par
-inclination pour ne pas troubler le fédiment ; &
f ’on jette cette pâte dans de grands moules propres
-à la fécher Avant qu’elle foit tout-à-fait durcie , on
la partage en petit carreaux que l’on achette par
/centaines. Cette figure & fa couleur lui ont fait
donner le nom depttun-tfe.
Les moules où fe jette cette pâte font des efpèces
de caifle fort .grandes & fort larges ; le fond efl
«empli .de briques placées félon leur hauteur , de
çpilp forte «me la fuperfîeie foit égale. Sur le lit de
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briques ainfi rangées , on étend une groflè toile qui
remplit la capacité de la caifle ; alors on y verfe
la matière qu’on couvre peu après d’une autre toile,
fur laquelle on met un lit de briques couchées de
plat les unes auprès des autres. Tout cela fert à exprimer
l’eau plus promptement, fans que rien (e
perde de la matière de la porcelaine, qui en fe
durciflant, reçoit aifément la forme des briques.
Il n’y auroit rien à ajouter à ce travail, fi les
chinois n’étoient pas accoutumés à altérer leurs
marchandifes ; mais des gens qui roulent de petits
grains de pâte dans la pouffière de poivre pour les
en couvrir & les mêler avec du poivre véritable,
n’ont garde de vendre les pe'-tun tfe fans y mêier
du marc; c’eft pourquoi on eft obligé de les purifier
encore à King-te-tching , avant que de les
mettre en oeuvre.
Le ka-olin qui entre dans la compofition de la
porcelaine , demande un peu moins de travail que
le pe-tun-tfe ; la nature y a plus de part. On en
trouve des mines dans le fein des montagnes qui
font couvertes au-dehors d’une terre rougeâtre. Ces
mines font aflez profondes : on y trouve par grumeau
la matière en queftion, dont on fait des quartiers
en forme de carreaux , en obfervant la même
méthode que j’ai marquée par rapport au pe-tun-tfe,
Le père Dentrecolies n’eft pas éloigné de croire
que la terre blanche de Malthe, qu’on appelle de
Paul; auroit dans fa matrice beaucoup de rapport
avec le ka-olin., quoiqu’on n’y remarque pas
les petites parties argentées dont eft femé le kaolin.
C’eft du ka-olin que la porcelaine tire toute fa
fermeté : il en eft comme les nerfs. Ainfi c’eft le
mélange d’une terre molle qui donne la force aux
pe-tun-tfe, lefquels fe tirent des plus durs rochers.
On dit que des négociais européens on fait acheter
des pe-tun-tfe pour faire de la porcelàine y mais que
n’ayant point pris de ka-olin , leur entreprife
échoua.
Du hoa-ché qui entre danf la porcelaine.
On a trouvé une nouvelle matière propre à entrer
dans la compofition de la porcelaine : c’eft une
pierre ou une efpèce de traie qui s’appelle hoa-ché.
Les ouvriers en porcelaine fe font avifês d’employer
cette pierre à la place du ka-olin. Peut-être que
tel endroit de l’Europe où l ’on ne trouvera point du
ka-olin, fouruiroit la pierre hoa-ché. Elle fe nomme
hoa , parce qu’elle eft glutineufe & qu’elle approche
en quelque forte; du favon.
La porcelaine faîte ave.c le hoa-ché eft rare &
beaucoup plus chère que l’autre : elle a un gram
extrêmement fin ; & pour ce qui regarde l'ouvrage
du pinceau, fi on la comparé à la porcelaine ordinaire,
elle eft à-peu-près ce qu’eft le vélin au
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papier. Dè plus, cette porcelaine eft d’une légèreté
qui furprend une main accoutumée à manier d’autres
porcelaines y auffi eft - elle beaucoup plus fragile
que la commune, il eft difficile d’attraper le
véritable degré de fa cuite.
Il y en a qui ne fe fervent pas du hoa-ché pour
faire le corps de l’ouvrage ; ils fè contentent d’en
faire une colle affez déliée , où ils plongent la porcelaine
quand elle eft sèehe, afin qu’elle en prenne
une couche, avant que de recevoir les couleurs &
le vernis ; par-là elle acquiert quelque degré de
beauté.
De la manïere de mettre en oeuvre le hoa-ché.
Mais de quelle manière met-on en oeuvre le hoa-
ché? c eft ce qu’il faut expliquer. i° . Lorfqu’on l’a
tiré de la mine, on le lave avec de l ’eau de rivière
®u de pluie pour en féparer un refte de terre jaunâtre
qui y eft attachée ; 20. on lëbrife, on le met
dans une cuve d’eau pour le difloudre, & on-le prépare
en lui donnant les même façons qu’au ka-olin.
On afliire qu’on petit faire de la porcelaine. avec le
feul hoa-ché préparé de la forte , & fans aucun
mélange ; cependant l’ufage eft de mettre fur huit
parts de hoa-ché deux parts de pe-tün-tfé ; & pour
le refte, on procède félon la méthode qui s’obferve
quand on fait la porcelaine ordinaire avec le pe-
tun-tfe & le' ka-olin.
Dans cette noùvëlle , efpèce de porcelaine , le
hoa-ché tient la place du ka-olin, mais, l ’un eft
beaucoup plus cher que l’autre. La charge de kaolin
ne coûte que ao Tous, au-lieu que celle de
hoa-ché revient à un éçu* Ainfi il n’eft pas furpre-
nant que cette forte de porcelaine coûte plus que
Ja commune.
Il faut encore faire une obfervation fur le hoa-
ché. Lorfqu’on l’a préparé & qu’on l ’a difjjofé en
petits carreaux fémblable's à ceux du pe-tun,-tfé , on
délaie dans l’èau une certaine quantité de ces .petits,
carreaux, & Toit en forme une colle bien claire ;
enfuite on y trempe le ^pinceau , puis on trace fur
la porcelaine-divers deffins; après quoi, lorfqu’elle
eft sèche 3 on lui donne lé vernis. Quand la porcelaine
eft cuite, on àpperçoit ces deffins qui font
d’une blancheur différente de celle qui eft fur le
corps de la porcelaine. Il femb']e que ce. foit une
vapeur déliée répandue fur la furface. Le blanc de
hoà-ché s’appelle le blanc d’iyoire, fiang-ya-pé.\
Du che-kao 3 autre matière de la porcelaine.
On peint des figures fur la porcelaine avec du j
che-kao , qui eft une efpèce de pierre ©u de miné- i
rai femblable à l ’alun, de même qu’avec le hda-,
ehe ; çe qui lui donne une autre elpècç; de; couleur
blanche ; mais Je che-kao a cela de particulier,
qu avant que de le. préparer comme lehpa-ché,, il
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faut le rétir dans le foyer ; après quoi on le brife ,
& on lui donne les mêmes façons qu’au hoa-ché l'on
le jette dans un vafe plein d’eau ; on l’y agite,
on ramafle à diverfes reprifes là crème qui fumage ;
& quand tout cela eft fait , on trouve une maflè
pure qu’on emploie de même que le hoa-ché purifié.
L e che-kao ne fauroit fervir à former le corps de
la porcelaine y on n’a trouvé jufqu’ici que le hoa-
ché qui pût tenir la place du ka-olin, & donner
de la folidité à la porcelainew S i , à ce qu’on dit,
l’on mettoit plus de deux parts de pe-tun-tfé fur
huit parts de hoa-ché, la porcelaine s’affàifleroit
en la cuifant, parce qu’elle manqueroit de fermeté
, on plutôt que fes parties ne feroient pas fuf-
fifamment liées enfemble*
Du vernis qui blanchit la porcelaine.
Outre les barques chargées de pe - tun - tfé &
& de ko-alin , dont le rivage de King-te-tching eft
bordé, on en trouve d’autres remplies d’une fubf-
tance blanchâtre ' & liquide , cette fubflance eft
l ’huile qui donne à la porcelaine fa blancheur &
fon éclat : en voici la compofition. Il femble qù®
le nom chinois yeou , qui fe donne aux différentes
fortes d’huile, convient moins à la liqueur dent
je parle , que celui de tfi, qui fignifie vernis. Cette
huile ou ce vernis fe tire de la pierre la plus duré ;
ce qui n’eft pas furprenant pour ceux qui prétendent
que les pierres fe forment principalement des fels
& des huiles de la terre qui fe mêlent & qui s’unif-
fent étroitement enfemble.
Quoique l’efpèce de pierre dont fe font les pe-
tun-tfé puifîè être employée indifféremment pour
en tirer de l’huile , oirfait choix pourtant de celle
qui eft la plus blanche, & dont les taches font les
plus vertes. L ’hiftoire de Feou-Leang, dit que la
bonne pierre pour l’huile eft celle qui a des taches
femblaSles à la couleur de feuilles de cyprès , ou
qui a des marques rouflês fur un fond brun , à-peu-
près comme la iinaire.
Il faut d’abord bien laver cette pierre y après
quoi on y apporte les mêmes préparations que pour
le pe-tun-tfé. Qnand <011 a dans la fécondé urne . e
qui à été-tiré de plias pur de la première, apres
toutes les façons ordinaires, fur 100 livres ou environ
de cette creme, on jette une livre de che-
kao , qu'on a fait rougir au feu 8c qu’on a pilé.'
C'eft cornme la prefure qui lui donne de la confif-
tance, quoiqu’on ait foin de l ’entretenir toujours
liquide.
Cette huile de pierre ne s’emploie jamais feule :
on y en mêle une autre, qui en eft commeTarne ;
oh prend de gros quartiers de chaux vive , fur lefquels
on jette avec la main un peu d’eau pour les
difloudre & les réduire en poudre. Enfuite on fait
une couche de fougère sèche, fur laquelle ou met