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parmi ceux de ces insectes qu'il met an nombre des denrées
alimentaires, il distingue quelques espèces que malheureusement
il se borne à désigner par leurs noms hébreux,
ce qui prouve combien elles étaient généralement
connues en Egypte et en Palestine. Personne n'ignore que
l'Evangile assigne à saint .lean-BaptisIe, pour toute nourriture
dans le désert, du miel et des sauterelles; et, selon
Hasselquist, on mange ces orlhoplères en Egypte, en
Arabie et en Syrie. Schouw, Buj-ckharill et plusieurs voyageurs
récents ont mis ce fait hors de doute en constatant
que les Arabes consomment les sauterelles, soit cuites,
soit grillées sous la cendre. Un passage très-curieux du
célèbre médecin arabe Ibn-Aby-Ossaïbi'ah, dans son grand
ouvrage sur l'histoire des médecins i , prouve que de son
temps, c'est-à-dire au xiii" siècle, dans la ville de Bassora,
les sauterelles figuraient sur les marchés au nombre des
denrées alimentaires. L'auteur rapporte à cette occasion
une anecdote que je vais essayer de reproduire sans trop
atténuer son langage original :
Un bydropique, à Bassora, ayant été déclaré incurable,
prit le parti, avant de mourir, de se donner la jouissance
de tous les mets dont un régime rigoureux l'avait
privé pendant sa longue infirmité. « En conséquence, dit
«Ibn-Ossaibi'ah, le malade s'assit à la porte de sa mai-
«son et se mit à acheter et à manger de toutes les frian-
« dises qui passaient devant lui. Un jour il vit un individu
«qui vendait des saulcrelles cuites, el il s'empressa d'en
«acheter une grande quantité. Quand il en eut lait son
«repas, il fut pris d'une diarrhée séreuse qui dura trois
1. M. .Sanguiiietti a Iradiiit plii.sieiirs fraf^fiiits fie cet mivrago voy /oiírii
asía(., 5= série, l. Iir. '
C H A P I T R E VI. 78 3
«jours, et à laquelle il crut bientôt succomber. Mais lors-
«que le flux de ventre s'arrêta, tout le mal dont il avait
« souffert dans son intérieur disparut, sa force se rétablit,
«en un mot il guérit et put reprendre ses occupations et
« vaquer à ses affaires. Un médecin qui le rencontra fut
surpris de cet événement. Il l'interi-ogea à ce sujet, et
« l'individu ainsi ressuscité lui fit part des détails relatifs
«à sa singulière guérisou. Le médecin dit alors : Les
«sauterelles n'ont pas de leur nature la propriété de pro-
« (luire l'effet dont lu parles ; or, indique-moi le marchand
«qui te les a vendues. Quand il le lui eut fait connaître,
« le médecin demanda à ce marchand où il chassait ses
«sauterelles, et se dirigea avec lui vers le lieu qu'il dé-
« signa. Il vil qu'elles se trouvaient sur un sol dont la
« principale plante était le Mezereum {Daphne Mezerewn).
«Or, ajoute Ibn-Aby-Ossaïbi'ah, cette plante est précisé-
« ment le remède employé dans cette contrée contre l'hy-
« dropisie. Cependant on n'ose guère s'en servir, à cause
« de la violence extrême de la purgation que détermine la
«moindre dose; mais cette plante, d'abord digérée par
« les sauterelles et ensuite cuite avec ces dernières, aura
« perdu par cette double opération ses vertus trop vio-
« lentes, et n'en aura conservé que juste autant qu'il en
«fallait pour opérer la guérision. »
De tous ces faits il résulte qu'aujourd'hui comme jadis,
dans bien des contrées limitrophes de l'Asie ftlineure, les
sauterelles sont un article d'alimentation publique, en sorte
(pi'un des moyens employés pour détruire ces mangeurs
insatiables, est de les manger eux-mêmes.
Sans vouloir préconiser ce mets devant nos gastronomes,
ou même admettre qu'il puisse jamais figurer dans les mcm