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en nommant les animaux sauvages aux altaqucs desquels
se trouvent exposées les personnes qui viennent des villes
de la Judée ou qui s'y rendent. Le lion était donc alors
en Palestine tout aussi commun que le sont les loups
dans quelques contrées peu liabitées de l'Europe. De
mètne, dans .léréniie^ et dans le Ca/i/ù/tie (íes canlif/ues'^, le
Liban et les rives du Jourdain sont cités comme les séjours
particulièrement alFectionnés par les lions; et Jean Phocas,
qui visita la Palestine vers la fin du xii" siècle, dit également
que les joncs qui bordent le Jourdain servent de repaire
à de nombreux lions. Or, ni en Palestine, ni même
dans toute la Syrie, ou ne voit plus aujourd'luii cet animal,
ou du moins ne l'y reccontre-t-on que très-rarement; et
ce qu'il y a de remarquable, c'est que même à l'Est de la
S y r i e , et nommément dans la Mésopotamie, il est infiniment
moins comnmn qu'au temps d'Ammien jMarcellin,
c'est-à-dire qu'il y a environ quinze siècles. Cet historien,
qui parle en témoin oculaire, nous donne à ce sujet des
renseignements pleins d'intérêt^ : il nous apprend que lors
de la campagne entreprise par l'empereur Julien contre
la Perse, ce prince fit mettre le feu à la région où se
trouvent Nesil), Urfa et Horran, en sorte que les fiammes
qui dévorèrent les champs parcoururent tout l'espace compris
entre l'Euphrate et le ïigre, sans laisser trace d'arbres
ni d'herbe. Ce terrible incendie détruisit une inmiense
quantité de bêtes fauves, mais parliculièrenjent des lions,
qui, dit notre historien, ravagent ces contrées, et dont
une innombrable multitude habile les roseaux et les buis-
1. Chap. xLix, !
2. Chap. IV, 8.
3. !.. Xïlii, 7.
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r . I l A P l T l l E PUEMIEH. 6(19'
sons qui bordent les rivières de la Mésopotanjie. Ce l'ait se
trouve également constaté par Agatharcides ' . En parlant des
nombreuses troupes de lions qui de son temps infestaient
cette contrée, Aminien îMarcellin ajoute que pendant les
grandes chaleurs (piantilé d(î ces animaux périssent à la
suite des tourments que leur font endurer les moustiques,
car pour s'y soustraire ils se jettent dans les lleuves où
ils trouvent la mort . L'historien observe, à cette occasion,
que si la natur e dans sa sagesse ne suscitait point à ces ainmaux
des ennemi s capables d'en diminuer le nombre, tout
l'Orient en serait accablé : « quod ni firrrl, wiiversus Oricns
hujus modi bestiis abundaret. » Aujourd'hui il y a encore
des lions dans les roseaux de l'Euphrate et du Tigre, et
nommément à Bagdad et à Jlossoid. mais ils sont fort rares
le long des affluents de ces fleuves, et en général il ne
r e s t e plus dans la Mésopotamie que quelques traces do ces
innombrables essaims dont parle l'hislorien latin, lequel
cependant avait traversé lui-même les contrées par lui
m e n t i o n n é e s - .
Quand on considère le singulier mouvement rétrograde
que depuis tant de siècles cet animal n'a.cessé d'efl'ectuer,
en évacuant successivement les péninsules hellénique et
anafolique, ainsi que la Syrie, et en devenant de plus en
plus rare, même dans les pays traversés par le Tigre et
l'Euphrate, on se rend d'autant moins compte de ce fait,
que ces mêmes contrées subissaient un innnense décrois-
1. Agalharcidps apud Phoiium, p. li^.
• 2. il ne serait pas impossible que la région de l'Asie eenti-ale comme ciiez les
anciens sous le nom d'Aria dût cette dénomination à l'abondance des lions,
car, selon Rosennniller {Biblwhe Thierr., p. 111 ) , cet animal s'appelait cliéz les
nébrenx, et en fiénéral dans les langues arauiiqucs, Ari. C'est sans (toute de cette
source que vient le mot turc arslan (lion).
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