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ZOOLOGIE.
succès et eu plus grand nombre, on peut considérer cette
localité BJi quelque sorte comme le type des conditions
auxquelles est attachée l'existence de cette race. Or, l'altitude
d'Angora est de H20 mètres (d'après ma mesure
hypsométrique), et son climat participe, au plus haut
degré, du caractère des climats coutinentaux ou exirêmes,
que nous avons déjà signalé comme propre à toute la
région qui constitue le domaine jiroprement dit de la
chèvre d'Angora. Aux chaleurs éloufUmtes de l'été, qui
sont surtout très-sensibles dans les vallées qu'arrosent
les trois cours d'eau au confluent desquels est située la
ville, succèdent des hivers tellement rigoureux, qu'il
n'est pas rare de voir le thermomètre centigrade descendre
à 12, 15 et même 18 degrés. Dans ces vallées,
et particulièrement dans celle que traverse au nord d'Angora
le Tchoubouk-Tchaï, et qui s'élargit localemenl en
une belle plaine, la végétation herbacée n'a jamais l'éclat
luxuriant de nos pâturages du Nord de l'Europe, bien
que l'irrigation, soit naturelle, soit artificielle, ne fasse
nulle part complètement défaut à cette partie de la Galalie.
Quant aux nombreuses hauteurs qui hérissent tous
les environs d'Angora, et qui sont principalement composées
de roches trachitiques et serpcnlineuses, elles sont
généralement plus ou moins déboisées et décharnées.
Un des traits les plus caractéristiques de la chèvre d'Angora
est la ténacité avec laquelle elle s'altaclie au sol qui
l'a vue naître; en efl'el, la région assez restreinle que la
nature semble lui avoir assignée parait seule posséder le
privilège de développer coin|iléle]nent toutes les richesses
de cette admirable race. Le moindre déplacement occasionne
une modification plus ou jnoins pi'ononcéc dans
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la ({ualilé de sa laine, et l'on m'a même assuré que l'oeil
exercé des hommes du métier ])Ouvait découvrir une différence
sensible entre les troupeaux établis sur la rive
orientale du liizil-Irmak et leurs congénères de la rive
opposée. D'après l'assertion unanime des indigènes, on
ne peut même pas transporter une chèvre du village où
elle est née à un village voisin, sans l'exposer à être
atteinte par une espèce de mal du pays. Aussi les essais
qui ont été faits jusqu'à présent de la transplanter à
Constaulinople, à Smyrue, et dans les autres villes de
l'Asie Jlineure placées en dehors du domaine dans l'enceinte
duquel la nature semble l'avoir si inexorablement
reléguée, sont demeurés sans succès, car à la seconde
génération la laine subit une détérioration très-marquée.
Au reste, le fait de celte remarquable localisation se
trouve déjà constaté par quelques écrivains orientaux du
moyen âge, et je trouve un passage bien curieux à cet
égard dans les écrits du célèbre voyageur turc Evliya-
Effendi, qui au xvii' siècle parcourut une bonne partie de
l'Orient. Voici ce passage, formulé avec toute la naïveté
de l'exclusivisme dédaigneux des champions du Koran :
« Ees Francs ont essayé de transporter dans leur pays la
«chèvre d'Angora; mais. Dieu en soit loué! elle dégénéra
« promptcment. Alors ils tentèrent de travailler chez eux
« la laine de la chèvre, sans y réussir davantage^. » Il est
vrai que depuis Evliya, la dernière de ses assertions a
été démenlie, car, comme nous le verrons plus loin, ou
sait mainlenant eu liurope travailler la laine d'Angora
beaucoup mieux qu'en Orient ; mais quant à la répugnance
1. Travels iif livlnja-h'/j'endi, tyanslidvd hy Iliimiirr, v. Il, p. 228.
srl? !