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420 TRAITÉ DE BOTANIQUE MÉDICALE.
IX. — Le carnivorisme des plantes.
Il n’est pas possible, en effet, de passer sous silence, dans un ouvrage
écrit pour le public médical, la question des plantes dites insectivores ou
carnivores, qui depuis plusieurs années, et surtout depuis les laborieuses
investigations de Darwin, a passionné le monde scientifique. La première
Fig. 1035. — Dionèe attrape-mouche (Dionæa muscipula). Feuilles munies d’un piège
terminal dont les deux moitiés peuvent se replier l’une sur l’autre.
plante qu’on ait indiquée comme carnivore, est le Dionæa muscipula
L., dont Diderot écrivait déjà : «Voilà une plante presque carnivore. » On
Ta nommée encore Dionèe attrape-moucbe et Trappe de Vénus. Lllis l’avait
envoyée à Linné, dès 4765, des marais de la Caroline, en l ’appelant un
méraculum naturoe. Il la considérait comme « douée d’un mode de
nutrition spécial ». C’est une Droséracée, dont la feuille (fig. 1035, 1036)
présente, au-dessus d’une portion aplatie et allongée, un rétrécissement
qui surmonte la trappe ou le piège, formé de deux moitiés symétriques,
séparées l’une de l’autre par la nervure médiane, suivant laquelle elles
peuvent se replier comme sur une cbarnière, et toutes bordées de longues
dents de peigne qui s’entre-croisent, quand les deux moitiés sont rappro-
cbées l’une de l’autre. Sur leur face supérieure, ces deux moitiés portent
trois processus aigus, encore nommés filaments, plus rarement au nombre
de deux ou de quatre, longs d’environ 2 millimètres, et rma rqu ab le s par
leur extrême sensibilité. Quand on touche l’un d’eux, même très legerement,
les deux moitiés de la feuille se rapprochent.
La plus grande partie de cette face est d ailleurs
recouverte de petites glandes rouges et polycystiques,
formées de 20 à 30 éléments polyédriques. Quand
une mouche ou tout autre insecte, se posant sur la
feuille, touche légèrement un des trois filaments dont
il vient d’être parlé, la feuille se repliant, emprisonne
l’animal ; les glandes sécrètent autour de lui
un liquide parfois très abondant, et les deux moitiés
de la feuille ne se séparent lentement l’une de l’autre
qu’après un nombre variable de jours suivant la
taille de la proie, et seulement alors, suivant l’opmion
de Darwin et de plusieurs autres naturalistes, que
celle-ci a été digérée par la feuille et que les
substances assimilables que la proie renfermait ont
été absorbées par le végétal. Darwin a de plus conclu
de ses expériences que divers aliments azotés,
comme l’albumine, la fibrine, la viande, etc., sont
Fig. 1036. — DiOîîée.
de même dissous et rendus assimilables par la face
Feuille étalée.
interne de la feuille avec laquelle on les a mis e n ..........................
contact et qui se referment pareillement sur eux. Le liquide sécrète e§t
acide et renferme, a-t-on dit, de l’acide formiqne (Dewar). Quelques
personnes ont pensé que les Dionées auxquelles on donne ces aliments
croissent plus vigoureusement que celles qui en sont privées; mais ce
fait, de même que celui de l’absorption des matériaux nutritifs rendus
solubles, a été contesté par plusieurs autres auteurs.
Darwin a surtout étendu des observations analogues à celles qui p r ^
cèdent aux feuilles des Rossolis ou Drosera, notamment des D. rotundi-
folia, intermedia, anglica, etc., espèces de nos marais et ®quelques
plantes exotiques du même genre. La feuille de D. rotundifolia (fig. 103 ),
1 plus commune de nos espèces, a un limbe orbiculaire, brusquement
rétréci en pétiole. Le limbe porte k sa face supérieure un grand nombre
de prolongements qu’on décrivait jadis comme des poils. Les plus extérieurs,
nommés par Darwin tentacules, représentent probablement dns
lobes de feuille linéaires, à structure vasculaire, termines par une glande
en forme de tête. Les plus intérieurs, plus courts, non vasculaires, sont
plutôt considérés aujourd’hui comme des glandes. Ils secretent un
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