lutte, au maniement du cheval, au tir à la carabine
ou à lancer la javeline, tels avaient été jusqu’alors
les meilleurs moyens de s’attirer sa faveur.
On le disait intelligent, réfléchi, discret, timide,
d une sobriété, d’une tempérance exceptionnelles,
économe, facile à émouvoir à la pitié, et d’une simplicité
qui contrastait avec l’ostentation habituelle
de sa mère. On craignait qu’il n’inclinât vers l’Islamisme
: il comptait plusieurs musulmans dans sa
parenté, allait rarement à l’église et affectionnait
les locutions et les allures des cavaliers du Wora-
Himano, où prévalaient la religion et les moeurs
musulmanes. Cependant on espérait encore en lui.
Depuis quelques mois, il tenait en personne ses
plaids, présidés jusqu’alors par ses officiers, et les
opprimés, les cultivateurs surtout, le trouvaient
accessible à leurs plaintes. Tous ses sujets désiraient
lui voir prendre en main l’exercice du pouvoir,
on le savait las de l’impérieuse tutelle de sa
mère ; mais ses serviteurs les plus dévoués craignaient
de le seconder dans ses tentatives d’émancipation, se
rappelant que, dans des circonstances analogues, sa
vigilante mère l’avait décontenancé et réduit à disgracier
ses confidents.
Cet état de choses favorisait l’esprit d’indépendance
des grands vassaux; la régente avait souvent dû
les réprimer par les armes; ils étaient encore menaçants.
La responsabilité de la Waïzoro s’aggravait
à chaque victoire, et son impopularité augmentait
à mesure que son fils approchait de l’âge d’homme.
Néanmoins, malgré les rébellions, malgré les tiraillements,
qui énervaient l’autorité, la prépotence acquise
par la dynastie de Gouksa était telle, que la
cour de Dabra-Tabor conservait son ascendant sur
l’Èthiopie, depuis Moussawa jusqu’à l’Innarya, et depuis
Wohéni jusqu’à Ankobar, capitale du Chawa.
Comme il a été dit plus haut, pendant les quel-*
ques années qui précédèrent le démembrement effectif
de l’Empire, les Empereurs avaient attribué
au Ras Bitwodded, ou Grand Connétable, Gouverneur
du Bégamdir, une sorte de suprématie sur plusieurs
Dedjazmatchs, qui devinrent ainsi les vavasseurs ou
arrière-vassaux de l’Empire. Les successeurs de Tal-
lag Ali, s’appuyant sur ce précédent, ont prétendu
à l’hommage de tous les Gouverneurs de l’ancien
Empire,' et, selon les circonstances, ils ont cherché
à faire prévaloir par les armes cette prétention, point
de départ de toute leur politique.“ Cette politique
consistait à prévenir ou à dissoudre les ligues que
formaient naturellement les Goùverneurs du Tegraïe,
du Samen, du Lasta, du Gojam, du Damote, de
l’Agaw Médir et du Dambya, dont les forces réunies
eussent été plus que suffisantes pour balayer,
sans combat, du Bégamdir, une famille étrangère,
entachée, aux yeux des indigènes, de son origine
musulmane.
Lors de mon arrivée dans le pays, la suzeraineté
effective du Ras Ali s’étendait sur les plus
riches contrées; ses principaux feudataires étaient:
Le Dedjadj Conefo, Gouverneur du Dambya et de
l’Agaw Médir ;
■ Le Dedjadj Guoscho, Gouverneur du Damote, du
Metcha et de l’Ybaba ;
Le Eit-worari Birro, fils du Dedjadj Guoscho,
Gouverneur de la plus grande partie du Gojam;
Le Dedjadj Ahmédé, Gouverneur du Wora-Hi-
mano, du Wadla, du Dawonte et d’une portion du
Wallo,;