battaient la berloque, et hâteurs et dépeceurs s’évertuaient
à préparer la viande d’une quinzaine de
boeufs qu’on venait d’abattre. Les porteuses d’hydromel
s’accroupirent au bas-bout de la tente, les
panetiers vidèrent les paniers devant le Prince et
les principaux convives, et l’aumônier ayant dit le
Benedicite, ils rompirent le pain, plongèrent leurs
mains dans les ragoûts fumants et les ayant fait
goûter par les cuisinières, les répandirent devant
les convives. Le Prince et les principaux assistants
ayant fait une collation chez eux, ne mangèrent que
du bout des dents et pour la forme. L’écuyer tranchant
répartit dans l’assemblée ses serviteurs chargés
de grosses pièces crues, et prenant lui-même à
deux mains la bosse entière d’un boeuf-bison, il la
présenta au Prince et après lui, aux convives les
plus réputés pour leur bravoure. Ce morceau d’honneur
achevé, .les assistants, qui avec un couteau,
qui avec son sabre, se taillèrent des lopins dans les
aloyaux, longes et surlonges, cuissiers, culottes et filets
palpitants qu’on leur présentait; puis, on servit les
carbonnades. Quelques retardataires s’acharnaient
encore à dépouiller à belles dents des côtes de boeuf
à demi noircies par le feu, lorsque le page présenta
le bassin et l’aiguière au Prince, et ceux qui étaient
près de lui le voilèrent respectueusement de leurs
toges tandis, qu’il se lavait. Pendant ce temps, l’é—
chanson en chef, tenant haut le petit burillé (carafon)
du Dedjazmatch, se frayait un passage; il présenta
la boisson -en s’inclinant, et son maître, avant
de la porter à ses lèvres, lui en versa un peu dans
le creux de la main pour qu’il la goûtât en sa présence.
On offrit également un burilé d’hydromel à
l’Azzage Fanta; malgré sa dignité, la quatrième en
importance, l’Azzage se tient debout au bas de
la table, tant que dure le banquet qu’il surveille
et dirige en sa qualité d’architriclin. Ce fut le signal
de la distribution générale de l’hydromel; chacun
selon sa naissance ou son rang, reçut des deux mains
et en saluant de la tête, soit un burilé, soit un hanap
en corne de boeuf ou de buffle; quelques-uns de ces
hanaps étaient hauts d’une coudée. Les convives
assis se reculèrent suffisamment pour laisser s’attabler
ceux qui étaient restés debout derrière, et
ceux-ci repus firent place à leur tour à plusieurs
sections successives de soldats de la garde; ces intrépides
mangeurs ne tardèrent pas à faire table nette,
mais la chaleur devint gênante par suite de l’entassement
de tant de monde.
Les mimes et les bouffons commencèrent leurs
facéties; les poétesses, leurs longues tresses de cheveux
leur ballant sur les joues, les veines du cou
gonflées, effrontément appuyées sur les épaules des
soldats, entonnèrent leurs vocalises stridentes, qu’elles
terminaient par des distiques sur les plus braves
combattants.
On rappela à Monseigneur que deux notables,
envoyés d’Ilma, étaient arrivés depuis le matin; il
les fit introduire, les accueillit courtoisement et recommanda
à l’échanson de veiller à ce qu’ils ne
manquassent de rien. Il se fit un demi-silence, et
deux trouvères, s’accompagnant de la guzla, chantèrent
en langage relevé les victoires du maître et
les prouesses de quelques-uns de ses familiers.
Attila recevant les ambassadeurs romains à la fin
d’un repas, deux Scythes s’avancèrent et célébrèrent
les victoires de leur chef.
Les têtes s’échauffaient de plus en plus, le bourdon